Bon, ce n’était pas vraiment une découverte, mais pour certains dégustateurs, dont moi, et certains vins… oui ! Et vous aurez vite compris de quelle Rive droite il s’agit…
La soirée a été préparée de main de maître par Philippe
et s’est révélée fort intéressante. Pas d’immense coup de cœur pour ma part, mais un niveau d’ensemble élevé et des confrontations pleines d’enseignement.
Le programme est fourni, donc allons-y !
Première paire
Deux vins du même domaine dans deux millésimes successifs, que l’on n’attendait pas aussi différents.
Castillon Côtes-de-Bordeaux – Clos Puy Arnaud – 2010
Robe sombre dénotant sur la frange un tout début d’évolution.
Nez intense et fruité, sur un fruité déjà légèrement compoté, empreint d’une minéralité ferreuse et au boisé élégant.
La bouche présente une certaine rondeur en attaque, tout en restant fraîche, puis elle prend un profil plus longiligne, la belle longueur étant parée d’un fruité intense.
L’ensemble donne une impression d’équilibre épanoui, même si ce vin en a encore sous la pédale.
Très Bien
Castillon Côtes-de-Bordeaux – Clos Puy Arnaud – 2009
Robe très sombre, plus que celle du 2010, et presque jeune, en tout cas beaucoup plus que celle du 2010.
Nez moyennement intense, au fruité primaire complété par des arômes chocolatés.
La bouche est concentrée et charpentée, à la matière généreuse de maturité sur la même aromatique qu’au nez. La masse tannique assèche un peu la bouche en finale.
C’est un vin qu’il faut absolument attendre, au moins cinq ans de plus, en espérant que l’ensemble va s’assagir et s’affiner quelque peu.
Bien (+)
Quelle confrontation intéressante ! Je savais que 2010 dépassait 2009 en général, avec notamment un meilleur équilibre, mais sur ce vin la démonstration est éclatante !
Deuxième paire
Une paire qualifiée par Philippe de « particulière ». En fait elle le sera autant par l’écart d’appellation, de style et de millésime entre les deux vins que par leurs propres spécificités.
Saint-Emilion 1er Grand cru classé – Château Pavie-Macquin – 2003
Robe sombre, bien évoluée.
Beau nez intense révélant une certaine évolution par ses fruits compotés, notamment la cerise, et d’autres arômes tertiaires comme la fourrure animale.
C’est l’harmonie de la bouche qui frappe, certes une harmonie relativement sudiste peu typique de l’appellation mais sous l’effet combiné du style moderne du domaine et du millésime. La chair est assez dense et bien fruitée, la persistance très sapide, et l’acidité sous-jacente porte l’ensemble bien loin.
Un style qui a une fois encore partagé les dégustateurs.
Très bien +(+) pour moi.
Saint-Georges-Saint-Emilion – Château Saint-Georges – 1989
Robe sombre aux reflets acajou qui affirment un âge certain.
Nez ouvert, d’abord sur des arômes assez désagréables de carton mouillé, puis il se met en place à l’aération pour révéler des arômes tertiaires de sous-bois et de vieux cuir, avec des notes végétales rendant l’ensemble très frais.
La bouche est dotée d’une austérité marquée et d’une grande verticalité, ce que j’aime bien en Bordeaux, surtout en Rive gauche, mais la matière fluette et pas très mûre ne peut pas contrebalancer ce caractère strict.
Un vin au style à l’ancienne, à l’opposé du Pavie Macquin, et qui a d’ailleurs été desservi par son passage en parallèle avec celui-ci, ayant certainement dépassé assez nettement son apogée (mais c’est une affaire de goût).
Bien +
Interlude
Un très beau blanc pour cet interlude.
Macon-Pierreclos – Domaine Guffens-Heynen – Chavigne – 2002
Robe très dorée.
Nez d’une très belle intensité, riche et complexe. Le grillé domine en premier puis fait de la place à des arômes briochés et fruités (poire) et une note minérale bienvenue.
La bouche est ronde et d’un volume confortable. Une belle fraîcheur est apportée par une grande minéralité, tout en conservant un grand fruit sur la longueur.
Un vin classieux qui étonne par sa jeunesse.
Très Bien ++
Troisième paire
Deux Pomerol dans un beau millésime sous-estimé à sa sortie (pour tous les Bordeaux) mais que les LPViens savent apprécier à sa juste valeur.
Pomerol – Château Haut Tropchaud – 2001
Robe sombre, assez trouble, aux reflets tuilés.
Nez bien ouvert, marqué par une belle évolution, notamment sur un fruité secondaire et du bois précieux.
L’élégance en bouche s’associe à une grande matière, une superbe ampleur et une bonne vivacité. Les tanins, encore perceptibles, sont bien polis et seule une très légère amertume sur la finale m’empêchent de le qualifier de grand vin.
Très Bien ++
Pomerol – Château Clinet – 2001
Robe très sombre, également relativement trouble, dénotant un début d’évolution.
Nez au fruité très intense et pur, sur des fruits noirs de cassis et de mûre, complété par des notes chaleureuses chocolatées.
Bouche très ample et ronde, encore bien jeune, au toucher moelleux en milieu de bouche et relevée par des tanins légèrement saillants qui n’arrivent pas à masquer la belle finesse qui ressort dans la finale étirée.
Très Bien +
Autant le Haut-Tropchaud est à point, autant le Clinet est en devenir.
Première triplette
Une belle triplette de Saint-Emilion 1er Grand cru classé dans un millésime pas trop facile.
Saint-Emilion Grand cru classé – Château Troplong Mondot – 2004
Robe sombre aux reflets tuilés.
Nez très intense, au beau fruit profond (cassis) et aux notes d’élevage bien intégrées.
De grande classe, la bouche est dotée d’une grande envergure, d’une matière mûre et concentrée qui ne verse pas dans l’épaisseur et d’une chair au grain serré. La finesse n’est pas en reste et la belle allonge ravit : c’est un régal !
Très Bien ++ / Excellent
Saint-Emilion 1er Grand cru classé – Château Beauséjour Bécot – 2004
Robe sombre et encore assez jeune.
Nez intense mais moins que le Troplong Mondot, il est également axé sur les fruits noirs.
La bouche est sur un axe assez rigoureux, bien entouré par une matière déliée et fine, d’un profil rectiligne.
Ce vin plus apprécié il y a quelque temps (voir le CR de Durocher et le mien en janvier et février 2014) a peut-être souffert de la présence du Troplong Mondot.
Très Bien (+)
Saint-Emilion 1er Grand cru classé – Château Beauséjour Duffau-Lagarosse – 2004
Robe sombre et encore assez jeune, identique à celle de son cousin.
Nez intense où les fruits noirs dominants se mêlent à des notes de vanille et de graphite.
D’un style voisin de Beauséjour Bécot, la bouche propose une belle austérité toute médocaine, une matière moyennement charnue et assez rustique, des tanins encore saillants et légèrement amers.
Ayant lui aussi souffert de la comparaison avec le Troplong Mondot, il n’en reste pas moins une bonne réussite pour le millésime et il passe très bien sur une viande en sauce.
Très Bien (+)
Quatrième paire
Retour sur ce beau millésime 2001, cette fois-ci avec deux Saint-Emilion 1er Grand cru classé.
Saint-Emilion 1er Grand cru classé – Château Beauséjour Bécot – 2001
Robe sombre, marquant peu d’évolution.
Nez somptueux, démonstratif et complexe, associant beaux fruits noirs et épices douces.
L’équilibre de la bouche est presque parfait, légèrement décalé du côté de la richesse par son style moderne, son profil sphérique et son fruité épanoui, mais qui sait faire preuve de nuances et de subtilité.
Un beau retour en force de ce beau domaine qui nous avait laissé sur notre fin sur le millésime 2004.
Très Bien ++ / Excellent
Saint-Emilion 1er Grand cru classé – Château Belair – 2001
Robe sombre et tuilée sur la frange.
Nez ouvert qui donne une impression de jeunesse par son fruité très pur et de fraîcheur par ses touches mentholées.
La bouche va se révéler peu à peu et alors qu’elle semblait d’abord dominée par la richesse du Beauséjour Bécot, son élégance aristocratique, son profil droit et très long, son toucher très fin vont se mettre en évidence.
Un superbe vin pour pdf !
Très bien ++ / Excellent
Deux styles tellement différents que certains préfèreront nettement l’un à l’autre mais mon caractère consensuel et ouvert à toutes les bonnes choses ne me permet pas de les différencier dans la notation !
Deuxième triplette
Constituée par des vins du dernier millénaire, elle comprend en fait une paire tout à fait intéressante avec un même vin sur deux millésimes bien différents.
Saint-Emilion 1er Grand cru classé – Clos Fourtet – 1998
Robe sombre assez évoluée.
D’une très belle intensité, le nez classieux et encore bien jeune mêle de la confiture de fruits noirs à du cuir noble, de belles épices et quelques touches sucrées (miel).
L’harmonie en bouche est remarquable : la structure solide s’appuie sur une bonne acidité qui sert de fondations et s’habille d’une chair fruitée à la matière mûre. La magnifique sapidité de l’ensemble et la remarquable persistance ne sont pas les derniers paramètres comptant pour en faire un grand vin.
Excellent
Saint-Emilion 1er Grand cru classé – Clos Fourtet – 1994
Robe sombre bien évoluée.
Nez au fruité très intense et profond, teinté de touches de végétal noble (les 42 % de cabernet franc ressortent dans ce millésime beaucoup moins favorable).
La bouche fait apparaître un déficit de maturité dans la matière pourtant non dépourvue de consistance, les tanins moins nobles assèchent un peu la bouche en finale.
On ressent toutefois la grandeur du terroir.
Bien ++ / Très Bien
La différence est importante entre un millésime au top en Rive droite et un autre très moyen.
Pomerol – Château La Conseillante – 1985
Robe sombre très évoluée, aux reflets tuilés tirant sur l’acajou.
Nez très intense aux arômes végétaux nobles qui se marient bien à un fruité secondaire, mais c’est le côté ferreux très prégnant qui marque le terroir de Pomerol.
La bouche campe encore une bonne ossature mais a perdu en sapidité mûre dans sa chair. Son côté strict mais noble ainsi que sa longueur de bonne facture laissent entrevoir un passé qui a dû être glorieux.
Très bien (+)
After
Deux liquoreux qui n’ont que le millésime en commun, et encore ce fut le fruit du hasard.
Cadillac – Château Peironnin – 2003
Robe d’un bel or très ambré.
Nez très intense, aux arômes de botrytis pur, de miel et de touches d’agrumes.
La bouche est remarquable par son équilibre, entre les sucres qui ont été parfaitement fondus (sans doute pas si importants au départ), l’acidité structurante étonnante pour le millésime et une belle aromatique complétée par une fine amertume qui relance parfaitement la finale.
Un liquoreux au rapport qualité / prix incroyable, qui n’est malheureusement plus produit.
Très bien +(+)
Quarts de Chaume – Pierre Bise – 2003
Robe d’un bel or très ambré, légèrement plus que celle du Cadillac.
Nez d’une belle intensité, donnant une impression de richesse, sur du coing, du miel et un superbe botrytis.
La bouche présente un profil exubérant, d’une grande liqueur et d’un grand fruit mais elle manque de peps, ce qui n’est pas normal pour un chenin d’un grand domaine et d’une grande appellation. Le millésime y est certainement pour beaucoup mais la température de service trop chaude aussi.
Très Bien
Et voilà qui termine une très belle soirée, riche en discussions animées !
A très bientôt, les amis.
Jean-Loup