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Dégustation Corse : du GR20 aux vins de Calvi et Patrimonio surtout.

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Dégustation Corse : du GR20 aux vins de Calvi et Patrimonio surtout.

Après une merveilleuse traversée du GR20, sentier traversant la montagne corse du NO au SE, de Calenzana à Conca (16 jours de marche, 20000 mètres de dénivelée, à ne pas recommander si on a les genoux fragiles et peur du vide !), il fallait bien une dégustation entre pinsutti [size=x-small]oui, Benoit, je sais, tu es un vrai Corse ![/size] pour nous remettre d' aplomb et oublier très vite la piquette en cubi servie dans les refuges où il vaut mieux boire de la Pietra, la bière corse à la châtaigne. Une dégustation croisant les valeurs sûres et de sacrés challengers. :)-D

les blancs :

1) Patrimonio 2010. Domaine Gentile.
tomates marinées, olives vertes, noisettes, Parmentier de brandade de morue.

Nez fin, un peu en demi-teinte (très jeune, surtout !), mais assez harmonieux par son croisement d' arômes délicats qui, par petites touches, comme posées sur une toile minérale, passent de l' agrume (pamplemousse) à la pomme, avec un voile fin évoquant un mélange subtil de fleurs blanches et de camomille.
Cette belle empreinte se retrouve en bouche avec une texture fine, délicatement charnue où vivacité et amplitude s' équilibrent joliment sur fond d' amers enroulés qui développent leur grain minéral et fruité sur la finale.

2) Calvi 2009. Clos Culombu.
feuilletés au chèvre.

Nez parfumé, intense, très prégnant, mais très pur, très fin dans ses arômes dont l' équilibre et la composition dessinent un paysage vraiment envoûtant ; complexe aussi par son tissu aromatique m' évoquant une déclinaison autour de la pomme, de la fleur et du miel (pomme verte par son fil acide, rainette par son grain goûteux, pomme au four dont le coté caramélisé tend vers l' ananas confit) ; pomme comme revêtue d' un fin tricot fleuri et miellé résolument subtil et craquant ; en bref, un nez délicieux qui vous marque de son empreinte subtile et complexe.
La bouche a une chair gouteuse, intensément parfumée dont le coté fleuri, délicatement "pommelé", dégage une impression de profondeur, de finesse, de complexité qui dégage un un sentiment de totale harmonie.
J' adore, tout le monde a adoré ce vin et il est vrai que le vin précédent paraissait bien léger en comparaison.

3) Patrimonio 2009. Yves Leccia.
dorade en papillote au gingembre et au fenouil.

Le nez adossé à une fine trame acide, révèle de superbes arômes de citron, de pamplemousse, d' herbes anisées dont je pressens qu' elles vont s' accorder à merveille avec le fenouil presque confit du plat riche en saveurs. Mais ce qui rend cette trame acide, pleine et belle, presque voluptueuse, c' est son corps d' amers au parfum de peau de pamplemousse, qui créent la tension, la vivacité, l' énergie qui donne du répondant au gingembre donnant à son tour de l' éclat au plat.
Ce jeu d' alliances, de tension, de vivacité se retrouve magnifié en bouche. Evidemment, ce vin qui pour moi, représente l' archétype du très bon blanc de Corse, se suffirait amplement à lui-même. Mais je dois reconnaitre que quand le fenouil et le gingembre rentrent en jeu, magnifiant à leur tour la papillote de daurade, l' équilibre hors pair, la profondeur, la finesse du grain savoureux de ce vin, paraissent démultipliés. Qui alors, sur la longue finale, pourrait dire que c' est le Vermentino ou l' Anethum Feniculum, qui lui donne le plus de plaisir, tant les deux semblent s'unir en d' inépuisables noces ?

les rouges :

4) Patrimonio Mandria 2009 Clos Signadore.
assiette de lonzo, figatellu, saucisson sec fumé, saucisson fumé au sanglier, terrine de sanglier.

Le nez vous prend aux tripes par son coté poivré animal, qui répond comme larron en foire à la terrine de sanglier ou à la figatelle. Mais derrière cette empreinte giboyeuse évoquant des parfums de venaison, il y' a un fruit superbe, ample, profond (cerise) et des senteurs d' herbes sauvages (myrte) qui vous conduisent directement au cœur du maquis ; fruit auquel le boisé bien présent apporte des notes empyreumatiques (chocolat, café), voire balsamiques (santal, résine de pin) qui donnent une forme de sensualité élégante à la caresse sauvage du nez.
En bouche, la chair du vin exhale les mêmes senteurs faites saveurs, comme si sa texture machue, un poil réduite tout en restant incroyablement goûteuse, se faisait l' écho fait vin de ces montagnes escarpées que l' on ne peut oublier, tant elles ont vite fait de vous hanter, recouvertes souvent d' un manteau de pins Laricio dont la douceur des ombres et le parfum se transposeraient sur la longue finale au goût de résine, de myrte et de fruit mêlés, résolument Corse.

5) Patrimonio vieilli en fût 2007. Domaine Giudicelli.
idem

En relisant le Cr posté, il y' a exactement deux ans, sur le même Patrimonio 2007, mais la cuvée de base non vieillie en fût, je retrouve tellement les mêmes impressions, qu' il n' y'a aucune raison de ne pas les reproduire ici comme telles.

Nez sensuel, complexe, plein de fraicheur, avec un bouquet fruité et épicé où des touches de cerise et de myrtille se fondent aux senteurs de garrigue, de réglisse, comme caressées par un arôme discret de tabac. Avec l' aération, le coté fruit rouge ressort avec des notes subtiles de fraise des bois. Un nez engageant, porteur de promesses. Bouche friande, à la fois veloutée et charnue, avec une matière gourmande, épicée qui enveloppe tout le palais, donnant une belle impression de fraicheur digeste et laissant comme un halo floral en fin de bouche.

Je rajouterai aujourd' hui que l' élevage en fût, me semble apporter un coté torréfié et des notes de noisette grillée qui donne encore plus de corps à ces arômes et saveurs étonnants de tabac blond à rouler, qui sur la persistance, prennent presque des allures de cigare ; élevage qui en final, ne parasite pas la profondeur et pureté de saveurs que j' aime tant sur les vins de Muriel Giudicelli, comme s' il les drapaient d' un boisé élégant et discret.

6) Patrimonio Porcellese 2008. Nicolas Mariotti Bindi.
osso bucco sur un rizotto au safran.

Le nez vous enveloppe de son empreinte fumée, un peu animale, qui mêlée aux fruits noirs et à des notes un peu réglissées, d' autres sur le laurier, constituent un grain aromatique singulier, long, profond, complexe, dont la fine trame acide déploie beaucoup de fraicheur, de générosité, de franchise.
Ce beau grain coule en bouche, dans une texture concentrée, puissante, savoureuse, un poil asséchante à mon goût en finale, mais que la persistance au goût de fumée, un peu fruitée, un peu bois brûlé, fait bien vite oublier !

7) Patrimonio 2007. Yves Leccia.
idem

A l' instar d' un tableau, d' une musique ou d' un visage dont l' harmonie, l' équilibre, la beauté font résonner en vous une corde intime, voire oubliée, ce nez vous réjouit, tant son paysage aromatique intègre, condense, affine le fruit, l' empreinte animale, les parfums du maquis des trois rouges précédents ; avec ce quelque chose en plus qui vous donne un surcroit de plaisir, d' émotion : un grain singulier, une profondeur, une caresse qui vous mettent en état d' écoute totale quand l' écouté dégage des parfums de terre, de fleurs, d' encens qui mêlés au fruit, aux senteurs animales et à celles du maquis, prennent figure d' essence.
En bouche, la chair du vin se révèle fine, superbement équilibrée, avec un corps charnu et délié à la fois, tant ce vin semble danser sur ses tannins et son toucher fin, avant de clore son parcours sur un écho de terre, de fruit et de de fleur, déposant longtemps l' écho de son passage en bouche.
Le vin est vraiment à son optimum aujourd' hui et je ne regrette pas d' avoir freiné des quatre fers pour ne pas ouvrir les bouteilles avant cinq ans !

8) Calvi Ribbe Rosse 2007. Clos Culombu.
fromages Corses au lait cru de brebis : Fior di montagna (Xavier Baldovini), Le Bevinco (fromagerie de Casatora)

Le nez est flatteur, charpenté par une belle alliance entre le bois et le fruit auquel des notes grillées, de bois brulé un peu vanillé, de noisette, d' autres tirant vers l' encens, donnent du corps, de l' étoffe évoquant un taffetas [size=x-small]"qui criait du froissement de ses plis" (Gérard de Nerval[/size])....bien marqué par l' élevage. Mais Dieu que c' est bon, tant je dois reconnaitre que même revêtu de son habit de bois, le fruit, pénétré de fraicheur, devient vraiment superbe avec l' aération !
En bouche, la chair est généreuse, puissante, gorgée de fruit bordé d' amers au goût de maquis, comme portée par ses 14,5° prenant figure de proue, tendue par son beau fil acide qui claque comme un drapeau. Mais il fallait bien çà : cette puissance, cette fougue pour tenir tête aux fromages au lait cru de brebis, évidemment Corses ! X(

9) Muscat du Cap Corse 2010. Domaine Gentile.
tarte au citron meringuée.

J' entretiens presque une relation amoureuse avec les muscats corses, même si je n' ai pas l' occasion d' en boire si souvent. Et celui là que je découvre, ne déroge pas à ma passion, tant son nez au grain fleuri (rose), merveilleusement muscaté, délicatement épicé (vanille, cannelle, miel), fruité (citron, litchi, melon), comme veiné d' herbes sauvages évoquant la verveine citron, me fait l' effet d' une caresse délicieuse, spécifiquement corse par le grain, l' ordonnancement des dits arômes. Et là je cale, frustré de ne pas pouvoir écrire ce qui définirait précisément cette singularité pourtant identifiable dés le premier nez : un fruit merveilleux, le fil acide qui fait monter le sucre au ciel, une fraicheur florale superlative ? Voilà les éléments de l' équation de la corsitude du muscat dont il reste à mettre en mots le nombre d' or ! :S

J' aimerais un jour à l' aveugle, faire une dégustation comparative entre un Muscat de Rivesaltes de Cazes, celui de St Jean-du-Minervois de Barroubio, celui de Beaume-de-Venise des Bernardins, auquel je joindrai le Nectar de Samos grec et le Casta Diva espagnol de Gutierrez de la Vega , avec un Clos Nicrosi qui représenterait la Corse, pour voir si cette singularité corse reste si spécifique que cela à l' aveugle. Pas évident !

La bouche puissante, large, garde cette couleur, cette musique singulière qui sur ce vin, révèle un sucre énorme, une tension dingue de cette étreinte amoureuse dont l' acide et l' amer sont follement capables, beaucoup d' alcool (16° quand le Cazes est à 15 et le Casta Diva à 13,7), beaucoup de gras dans la liqueur intensément fruitée, le tout exprimant par miracle ce que vous donne à ressentir le sourire d' une jeune femme caressée par une brise florale printanière ! (:P)

10) Muscat du Cap Corse 2011. Domaine Aréna.
idem

Je n' ai pas de vins d' Antoine Aréna dans ma cave. Mais comme je passais chez Augé récupérer quelques Languedoc, je trouvais sympathique d' inclure son Muscat 2011 à la dégustation (27,50 € quand même). Non sans perplexité quand, le soir même, j' ai découvert ce que le guide BettDess en disait : "Riche en sucre, étonnamment stéréotypé pour un vin de ce producteur : c' est bon, mais Antoine et tes fils, remettez-vous à aimer le Muscat !" 8-)
Je trouve le jugement un peu sévère en me demandant si boire ce muscat aussi jeune, n' était pas un infanticide...

En comparaison du Gentile (2010), tout en douceur, rondeur et volupté, le nez parait un peu fermé, les arômes un peu serrés ; l' empreinte aromatique est belle, mais il faut vraiment aller la chercher derrière un mur de sucre et d' acidité citronnée, en forçant le trait. En bref, "la petite musique qui vous chavire le cœur" n' est pas encore au rendez-vous.
En bouche, c' est loin d' être la magie totale, mais quel beau grain, dés le premier toucher de bouche, vraiment fin et délicat, avant que la texture ne révèle son gras dense, profond....mais dont le fruit est un peu hésitant, serré aux entournures, comme un animal qui vient de naitre, un peu claudiquant sur ses jambes.

Je n' ai pas assez d' expérience pour juger si ce coté un peu inabouti, au sucre très présent, il est vrai, mais bien goûteux par son fruit, malgré tout, relève d' un problème de jeunesse ou de structure. Comme il me restait presque une demi-bouteille qui transposée dans une 37,5cl, ne peut guère subir d' oxydation, je serai curieux de voir comment çà évolue sur quelques jours.
Mais j' ai quand même l' impression que parler d' infanticide pourrait être un leurre, tant les excellents muscats le sont déjà dans leur prime jeunesse, me semble t' il. Je ne sais pas trop ; et puis juste au moment où ces mots se posent sur le papier, une rémanence inattendue, au grain charmant de muscat à petit grain, me traverse la gorge comme un nuage me suggérant peut-être que le Muscat d' Antoine Aréna, est loin de m' avoir tout raconté....;)

En tout cas, cette dégustation nous aura largement prouvé combien le Vermentino et le Nielluccio, selon les terroirs et la patte des vignerons, peuvent s' incarner dans de multiples expressions de vins franchement enthousiasmants, spécifiquement Corses !

Merci de m' avoir lu.

Daniel
15 Nov 2012 00:48 #1

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Bravo Daniel pour ce magnifique CR !

Les vins et les plats étaient au top !
Sur place c'est encore meilleur, et après le GR 20 ce doit être l'extase ...
Tu n'es pas allé jusqu'au bout du bout, à Figari (pas à pied mais en bouteille ;)) ? Il est vrai qu'il faut bien faire des choix !

Jean-Loup
17 Nov 2012 11:56 #2

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Comme toujours , un superbe reportage ! Je vais prendre le temps ce week-end pour bien m'imprégnier de ces saveurs de Corse . Quel magnifique pays ! . J'ai eu la chance d'accompagner mes amis cyclistes de bon niveau , habitués aux grandes étapes de Montagne . Nous avions sélectionné les étapes en fonction des belles tables . Depuis , j'ai constaté que de nombreux domaines présentent des vins superbes et tout particulièrement , une révélation avec les vins de Clos Culombu lors de notre dernière soirée sur les vins de Corse .
17 Nov 2012 12:56 #3

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  • daniel popp
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Jean-Loup, Jean-Luc, merci de vos échos que je découvre au retour d' une bien belle rando en forêt de Fontainebleau, illuminée par les couleurs d' automne.

Le choix des vins n' avait rien d' exhaustif et se limitait à ce que j' avais de déjà "buvable" en cave, surtout entre vétérans et "jeunes pousses" sur Patrimonio.
Figari et le Clos Canarelli, évidemment, mais pourquoi pas Ajaccio et Sartène dont nous avons regoûté sur place, à plusieurs reprises, les vins du Doimaine Saparale, comme ceux de Fiumicicoli, vraiment "corses" dans ce que ce terme peut avoir de plus sympathique.
Ma vraie frustration, c' est que l' on ne peut plus ramener de bouteilles en bagage à mains dans l' avion et qu' avec un sac à dos déjà bien chargé, GR20 oblige, je me suis contenté d' y glisser dans mon duvet, le Clos Signadore de la soirée et un blanc de blanc du Cap corse du domaine GioIelli que j' aime bien, qu' un caviste de Bastia m' a fait découvrir il y' a quelques années. Alors qu' il y' avait la Foire aux Vins à l' Ile-Rousse avec certaines cuvées de Richard Spurr (Clos des Anges. Calvi) ou de Pero Longo (Patrimonio) à la supérette du coin, que je finirai bien par goûter un de ces jours !

Daniel
17 Nov 2012 20:32 #4

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Belle dégust Daniel,

intéressant de voir que les blancs 2009 de Columbu et Leccia se comportent aussi bien!
J'en avais fait l'impasse, préférant investir sur les 2010 (dont je me régale d'ailleurs;)), c'est peut être dommage...

De plus, ça rassure de voir que le bois est moins présent qu'il y a qq années sur les beaux blancs corses!

Amicalement,
Benjamin
19 Nov 2012 11:49 #5

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