Concernant ces fameuses notes de "pétrole", quand elles restent fines, qu'elles ne prédominent pas sur les autres fragrances, cela enrichit à merveille le spectre aromatique : chez Foreau, je les retrouve très souvent, quand les vins atteignent leur plateau de maturité. En jeunesse, on est plutôt sur l'amande, le fenouil. Pour moi, je les associe avec les perruches, d'où cette résonance particulière avec les vins de Jasnières. Je me trompe peut-être et avoue ne pas avoir assez d'expérience pour m'avancer plus. C'est une piste sérieuse, je crois.
Parfaitement en accord avec toi sur les différences de style, c'est passionnant et le chenin tout comme la situation septentrionale du vignoble de la Loire laisse tout loisir au vigneron d'exprimer son talent
et sa personnalité (situation qui se retrouve d'ailleurs à chaque fois q'un ou des cépages sont adaptés à un climat donné, ce que l'on nomme
l'effet terroir, non ?).
Ceci dit, compte tenu des variations très marquées entre les millésimes du fait même de la situation du vignoble, peut-on produire chaque année des secs sans que cela soit au détriment de la qualité ? Stéphane Cossais, qui lui aussi ne veut produire que des secs, peste contre la nécessité de vendanger très rapidement, à maturité optimale, car à quelques jours près, les raisins peuvent basculer vers une concentration trop importante des sucres. Cela exige des moyens conséquent et une grande discipline à la vigne et lors de la vendange, qu'il est difficile de mettre en oeuvre.
Il me paraît, au final, plutôt contradictoire qu'un vigneron veuille à tout pris obtenir
chaque année un vin sec tout en respectant la maturité optimale des raisins, sachant aussi que le chenin est, sauf erreur de ma part, n'étant pas vigneron mais rapportant ici les explications de quelques grands
chenignerons , un cépage capricieux, dont les grains sont fort différents au sein d'une même grappe, sauf millésime exceptionnel.
Certes, il peut être tentant de tomber dans une sorte de facilité en laissant des sucres résiduels (sans parler de chapta...) qui rend le vin plus séducteur à la dégustation, donc plus facile à vendre dans l'année de sa commercialisation.
Mais j'ai aussi souvent entendu dire que le Vouvray traditionnel était la version demi-sec, car ayant plus de concentration (maturité plus grande) et donc une meilleure capacité au vieillissement. Est-ce différent pour les coteaux du Loir ?
La réponse reste, à mon sens, au niveau de l'équilibre du vin, au cas par cas.
Qu'est-ce qu'un bon millésime pour le chenin en Touraine ?
Certainement, un bel été, pas trop chaud, une arrière-saison sans trop de pluie, mais juste ce qu'il faut pour que le raisin arrive doucement à parfaite maturité, sans trop de maladie donc de traitement et de manipulation à la vigne comme au chai. Bref, au final, une acidité mûre (plutôt tartrique, pas malique) avec une matière organique saine comprenant tout ce qu'il faut pour développer la complexité et préserver la fraîcheur au fil des années. 2002 fut un grand millésime, nous le savons. J'avais, ici même, douté de la capacité des 2005 à retrouver voire dépasser la beauté des 2002, dans les secs en tout cas. J'ai aussi écrit que j'aimais bien les 2006, car, comme tu le soulignes, ils possèdent beaucoup de fraîcheur, une structure assez classique, mais une matière quand même beaucoup moins intéressante sur Vouvray.
Je crois, que ce soit à Vouvray/Montlouis comme dans la vallée du Loir, que chaque millésime produit un type de vin privilégié :
Je retiens, essentiellement sur Vouvray, mais en partie valable pour la vallée du Loir :
- 2001 : les demi-secs étaient les plus équilibrés, les plus complexes. Quelques secs intéressants.
- 2002 : les secs étaient parfaits.
- 2003 : millésime de liquoreux à Vouvray/Montlouis, de demi-sec/moelleux à Jasnières.
- 2004 : année difficile, seuls les secs s'en tirent chez ceux qui bossent bien (pas de demi-secs, sauf exception). Mieux à Jasnières avec de belles maturités.
- 2005 : année que j'aime plutôt en moelleux. Des secs peut-être un peu trop opulents en l'état. A voir comment ils vont évoluer.
- 2006 : proche de 2004, mais moins sévère, avec des secs qui sont plus tendres.
Voilà en quelques mots ma pensée dominicale.
@mitiés
Phil