Bonjour,
En la bonne ville de Besançon, quelques amateurs de vins du Jura se réunirent pour une dégustation de chardonnays du cru... Autour d'un sujet d'actualité: pour ou contre le voile, histoire de voir où en était l'ouillage, le non-ouillage et tutti quanti. On a donc passé en revue les bouteilles suivantes à l'aveugle, sans carafage, sitôt débouchée, sitôt bues:
1/ Une belle robe lumineuse, un peu "jaune suze", un nez agréable, fruité, on sent le bois sans excès, beurre, pomme mûre, sucrée, juteuse. La bouche est assez puissante, sur le fruit, la pomme encore, assez rond, pas d'oxydation, rondeur contre-balançée par une acidité sans agressivité, un vin où le fût est quand même marqué.
C'est un
Côtes du Jura 2002, Cuvée Florine Ganevat, de JF Ganevat à Rotalier.
2/ Le nez de ce 2e vin n'est pas agréable, liégeux, cartonneux, cave humide. En bouche une pointe de C02, vin dilué, court, passé, un petit côté cidre. Semble avoir refermenté en bouteille.
C'est un vin du
Moutherot 1998, une cuvée artisanale avec une étiquette écrite à la main, du bizarre quoi...
(PS: Pour pour les ignares qui ne connaissent pas le vin du Moutherot, si vous me demandez gentiment, je veux bien vous révéler les secrets de ce cru ultra-confidentiel, secrets que jusqu'ici je gardais jalousement par devers moi!)
Et si quelqu'un sur LPV m'écrit pour me dire: "mais bien sûr je connais le vin du Moutherot depuis ma plus tendre enfance," alors là , je serais sur le cul!
3/ Bref, passons à la 3e bouteille, qui présente une sympathique robe dorée, un premier nez de levure, du grillé, des touches florales... En bouche on retrouve une certaine austérité, une droiture, c'est un vin vert dans le bon sens du terme (pomme verte, notes un peu végétales). Tout cela est soutenu par une belle acidité et une subtile typicité jurassienne, sans que ce soit pour autant de l'oxydation.
Nous avons là un
Arbois cuvée Les Crêts 2001 de Michel Gahier à Montigny.
(Je suis top-vexé, je ne l'avais pas reconnu)
4/ En 4e position: un nez voluptueux, rond, fruité, pomme-calva dit quelqu'un... La bouche est ronde, boisée, un peu chaude, avec toutefois une acidité bien perceptible, mais c'est l'alcool qui est au premier plan dans l'équilibre général. Tout cela est plutôt bien, avec de l'amplitude, une certaine persistance, mais c'est un tout petit peu lourdingue à mon goût.
Il s'agit des
Grands Teppes vieilles vignes 1999 de JF Ganevat.
5/ L'aspect de ce vin nous montre une belle couleur dorée mais pas de brillance, il reste mat en raison de particules en suspension. Au nez on sent qu'il a vu le voile, avec ces notes végétales, de pommes, presque de gentiane, tout cela reste élégant et fin.
La bouche est à l'avenant: belle finesse, c'est long, subtil, complexe,
un oxydatif bien loin d'une caricature de jaune... Ce vin me dit fortement quelque chose, et sachant qu'il y a du Gahier dans l'air j'épate la galerie en lançant:
La Fauquette 1999, Michel Gahier.
Bingo!
6/ Une bouteille de dernière minute, invitée surprise ramenée par l'un des participants. On nous dit qu'elle a déjà des années au compteur. Jolie robe brillante, nez très réduit, un peu caoutchouc un peu moisi, cette sensation désagréable va s'estomper petit à petit, mais sans disparaître complètement. Dommage car derrière ce défaut, on trouve quand même encore une belle impression de jeunesse, tout est fondu, mais l'acidité maintient encore une belle colonne vertébrale. Une douceur acidulée, des notes subtiles de tilleul, une légère amertume en fin de bouche. Ca pourrait être superbe, mais c'est parasité par ce nez caoutchouteux.
Maximum respect quand même à ce
Côtes du Jura chardonnay 1983 du Caveau des Byards au Vernois.
7/ On part sur quelque chose de complètement différent: le nez se démarque d'entrée par sa grande fraîcheur, une vivacité citronnée et une grande finesse. On retrouve cette acidité en bouche, le citron, des notes de bergamote, c'est puissant, ample, et en même temps aérien. Un peu trop d'acidité à mon goût, d'autres apprécient ce caractère particulier; S'en suit un débat, pour certains il faut l'oublier quelques années en cave (c'est mon avis) , pour les autres il faut profiter dès maintenant de cette vivacité aérienne (ce n'est pas l'avis de mon oesophage qui l'a senti passer!)
En tout cas c'est une bouteille originale, on est en fait revenu à Montigny avec cet
Arbois 2001, melon à queue rouge, Réserve du caveau, Cuvée des Docteurs de Lucien Aviet.
8/ Celui-là , rien qu'à le verser dans le verre, on voit déjà que c'est pas de la gnognotte... Robe dorée, aspect quasi-huileux. Un nez d'abord discret, fruité, boisé, fruits jaunes voire ananas, de surprenantes mais fort discrètes notes un peu balsamiques. En bouche, c'est du rhaa lovely: gras onctueux, beaucoup de matière, très long, avec un boisé encore fort sensible mais ça lui passera. Ceux qui vont chercher dans un premier cru de Puligny-Montrachet ont tout faux, on avait dit que du Jura, même si dans l'esprit on n'y est plus du tout... Mais il est magnifique cet OVNI de Rotalier:
Le Grands Teppes vieilles vignes 2000 de JF Ganevat dans sa lourde bouteille bourguignonne... Si le chardonnay de base du Caveau des Byards a tenu 20 ans sans mollir, cette bouteille a l'éternité devant elle!
9/ Terminons cette petite ballade avec un vin à la robe plutôt pâle, au nez agréablement oxydatif, assez fin... En bouche, c'est de loin le plus typé Jura au sens classique du terme... C'est plutôt fin, mais court en bouche, et sans vouloir parler de caricature, j'ai l'impression qu'on a voulu forcer un peu le côté oxydatif. Cette bouteille est la seule a avoir été débouchée 12h à l'avance, versée en carafe pour l'aérer puis remise immédiatement dans la bouteille.
C'est un
l'Etoile, la cuvée spéciale 1999 du Domaine de Montbourgeau. Un déception pour moi qui avait entendu çà et là parler de cette bouteille plutôt en bien... Mais il est vrai qu'elle n'avait pas le beau rôle en 9e position et derrière le super-Ganevat...
Pas de classement pour finir, juste le sentiment d'avoir participé à une très belle dégustation, de laquelle on retiendra que voile ou pas voile, l'uniformité n'est décidément plus de mise dans le vignoble jurassien. Sur un même cépage on a des expressions très différentes, les 4 points cardinaux de la soirée étant (sans les classer par ordre, à chacun ses goûts...):
- Le Ganevat 2000, la bombe... (superbe découverte pour moi)
- Le melon de Bacchus pour son originalité
- La Fauquette 99, la finesse. (mon coup de coeur mais c'est pas un scoop)
- Le Montbourgeau, la typicité (pas mon truc)
Et puis malgré son petit problème, le Byards 83 a montré à ceux qui en doutaient encore que les Jura vieillissaient très bien.
Bref, que du bonheur!
Tophe