Bonjour erig,
Si c'est juste multiplier les cuvées pour produire n'importe quoi, je suis entièrement d'accord avec ton point de vue, c'est du marketing fumeux et de l'attrape-pigeon. Mais lorsque les vignerons explorent de nouvelles pistes avec succès, c'est quand même très intéressant. Je suis ravi par exemple, d'avoir dans ma cave des savagnins ouillés à côté des savagnins sous voile, ou de pouvoir goûter des chardonnay provenant de terroirs différents vinifiés par le même vigneron. Ce sont (entre autres) les nouvelles tendances du vignoble jurassien, ce serait malheureux qu'il reste figé dans une "tradition" (avec les gros guillemets de rigueur)...
Heureusement que le vignoble ne tourne plus en rond en ronronnant tranquillement autour du sempiternel assemblage chardonnay-savagnin bien typé noix... Le Jura mérite mieux que cette caricature, même s'il y a d'excellents assemblages. Après, comme le suggère Raymond, si un domaine multiplie les cuvée pour se faire mousser et faire moins bon que le blanc unique qu'il produisait avant, c'est sûr que ce n'est pas la peine... Il fut un temps où Henri Maire était le seul à faire du marketing dans les vins du Jura, ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Concernant les prix, j'adhère à ton constat, ça a sérieusement augmenté, mais il ne faut pas généraliser. Un Stéphane Tissot, vu sa réputation et sa surface médiatique, peut se permettre de monter ses prix, il trouvera acheteur. Mais quand je vois à combien il vend son Clos de Curon, je passe mon tour, même si c'est considéré comme le plus beau terroir d'Arbois. Je salue son travail, mais je ne suis pas client chez lui. Il y a suffisamment d'autres producteurs qui font bon aussi, en restant dans des prix plus raisonnables, voire même encore très doux parfois.
Par ailleurs, le fait que le Jura commence à être connu et apprécié en dehors de la Franche Comté n'est pas étranger à la hausse des prix. L'arrivée d'une nouvelle génération de vignerons, la recherche par le consommateur de vins pas chers en dehors des sentiers battus bordelais, bourguignons et autres, une certaine mode aussi dans les revues, guides et compagnie, et puis la montée en puissance d'internet (y compris LPV) font que le Jura, même s'il y a encore du chemin à faire, occupe aujourd'hui dans le paysage vinique français une place bien plus visible qu'il y a ne serait-ce que 10 ans en arrière. Et les vignerons jurassiens seraient bien bêtes de ne pas vouloir en profiter.
Alors faut-il le déplorer ou s'en féliciter? Si je tombe sur un vigneron inconnu qui fait une cuvée à pas cher, mais à se taper le cul par terre tellement c'est bon, je fais quoi? Je garde ça pour moi, ou j'en parle ici ou ailleurs? Car si la mayonnaise prends, le vin en question risque de prendre quelques euros au fil des prochains millésimes... Mais si le gars fait du bon vin, ça mérite aussi d'être dit et répété, LPV est notamment là pour ça.
Pour finir, je rejoins ta conclusion:
"Tout cela manque d'humilité et de simplicité, attention à la dérive médiatique . Conservons un esprit critique quelque soit le nom du domaine pour ne pas encourager ce phénomène". A chacun de goûter, et de choisir s'il est prêt à mettre tel ou tel prix pour telle ou telle bouteille, et si le jeu n'en vaut pas la chandelle, d'aller voir ailleurs. Quel que soit le domaine effectivement, sinon on boit des étiquettes au lieu de boire du vin.
Ouf! Ca fait bien longtemps que je n'ai pas pondu un message aussi long! Merci à toi d'avoir soulevé ces intéressantes questions!
Bien cordialement,
Tophe (
Crazy Yellow
)
PS: Petit complément par rapport à l'exposition médiatique dont je parlais plus haut: je viens de parcourir les 16 pages du forum Jura-Savoie... Stéphane Tissot arrive très très largement en tête du nombre de messages consacré à un viticulteur jurassien avec 399 messages, Macle est loin derrière avec 280... En 2e position, le domaine Dupasquier à Jongieux se détache nettement côté savoyard avec 330 messages, les amateurs de Savoie constatent-ils le même phénomène de hausse chez ce producteur?