De passage dans ce rude pays de montagnards, balayé par les tempêtes de neige (en fait il pleut tous les jours), au froid mordant (il fait 15°), j'ai rendez-vous avec deux bisontins amateurs de raisin fermenté. Pas de bisons à l'horizon mais des cabots :

• Tophe : Le Terre-Neuve
• Morendi : Le Jack Russell Terrier
• Le sommelier : Le Chihuahua
• Le Teckel : Lui-même

Nous nous retrouvons en début de soirée, entre homme et loup, au chenil dînatoire « Aux Chiots ». Le Teckel m'a vendu l'établissement comme un repaire de croquettes d'excellence avec une carte des vins à faire frétiller un congénère truffier. Je m'en pourlèche les babines à l'avance. Le Teckel me rejoint en premier, jappant joyeusement, suivi par le Terre-Neuve, truffe au vent. On nous amène carte des vins et menu. J'y jette un rapide coup d'oeil : pas d'os à moelle. Mauvais point, un chenil digne de ce nom doit toujours avoir des nonos au menu.

On a les crocs mais on a aussi soif, nous décidons rapidement de commander un blanc et un rouge et nous reniflons la généreuse carte des vins : elles est fournie certes mais sans indication des millésimes. Le Terre-Neuve en grogne de contrariété. Nous jappons tranquillement entre nous pour faire notre choix lorsque le Chihuahua déboule comme un homme dans un jeu de quilles.

• Le Chihuahua : Avez-vous fait votre choix ?
• Le Terre-Neuve : Ce n'est pas facile sans les millésimes.
• Le Chihuahua : Demandez-moi, je les ai tous en tête.
• Le Teckel : On réfléchit, on aboiera si on a besoin de vous.
• Le Chihuahua : Choisissez les croquettes d'abord, ce sera plus simple.
• Le Terre-Neuve : On va plutôt regarder les vins pour commencer
• Le Chihuahua : La croquette du jour c'est quasi de veau et ris de veau
• Le Teckel : <Commence à bavouiller>
• Le Chihuahua : Là-dessus, il faudrait un vin pas trop costaud, pas un molosse, plutôt un chien de race, vous reniflez ?
• Le Terre-Neuve : On renifle. On vous tient au courant. Grrr, il s'est enfin éloigné, quel jaspineur. Alors on jappait pour le...
• Le Chihuahua : J'ai réfléchi à votre problème. C'est un pinot qu'il vous faut mais pas n'importe lequel. J'ai des Prieuré-Roch : c'est magnifique, fin, élégant, du velours, la quintessence de la grâce pinotisante en bouteille.
• Le Terrier : Cette proposition paraît irrésistible ! Mais on a encore besoin d'un peu de temps ; merci bien. Alors finalement on va vers...
• Le Chihuahua : Alors j'aurais bien une alternative à proposer à des chiens d'arrêt spécialistes comme vous : Jérôme Bretaudeau, la cuvée Statera. Ce vigneron a levé la patte en Muscadet et il y fait un pinot magnifique, c'est droit, gourmand, d'une pureté incroyable et ça enterre bien des Bourgognes.
• Le Terre-Neuve : Oui, ok, on verra. Grrr impossible de japper tranquillement ! Il me semble en effet qu'un rouge pas trop...
• Le Chihuahua : Bien entendu, il y a toujours le Clos Rougeard ! Le soyeux des Poyeux accompagnera divinement vos croquettes de veau !
• Le Terre-Neuve : On en jappe encore un instant et on vous aboie la commande ! Par Saint Médor, du Clos Rougeard, il nous prend pour des bichons de luxe. Ce satané corniaud revient déjà à la charge donc on se décide !
• Le Teckel : <aboie la commande>

François Rousset-Martin – Côtes du Jura savagnin Vigne aux Dames 2019
Il eût été dommage de ne pas déboucher un vin local et le Terre-Neuve recommande cette cuvée de savagnin ouillé qu'il avait beaucoup appréciée dans le millésime 2018. Le pelage est fauve et la truffe peu diserte, avec de la volatile qui parasite un peu tout.

La gueule est plus réussie, avec des agrumes et une pointe citronnée qui ressort avec vivacité sur le bouillon dashi qui accompagne le foie gras poêlé. Le vin semble déjà quelque peu évolué tout en restant grognon comme un bouledogue dérangé pendant sa sieste. A attendre.

Jérôme Bretaudeau – vin de France Statera 2022
Le pelage est rubis un poil foncé et la truffe évocatrice sur les traditionnels fruits rouges et un rien de réduction qui disparaît bien vite à l'aération.

La gueule est très réussie : d'une grande finesse, souple, avec une belle intensité fruitée qui me rappelle quand, jeune chiot, je jouais dans les mûriers ronces. Le vin s'améliore encore à l'aération. C'est excellent et étonnamment ouvert pour un 2022. Belle découverte.

Jappements amicaux au Teckel et au Terre-Neuve pour cette bonne soirée (et au Chihuahua pour ses bons conseils) et aboiements taquins à tous les LPViens qui sont allés au bout de ce CR ! 

Bravo pour ce CR à quatre pattes

Statera proposé dans un chenil !
Le patron était de bon poil, mais vous risquez de déclencher une (e)meute.
 

Faut reconnaitre que ce CR a du chien.

Bon j’avais préparé un CR mais qu’il est dur de passer derrière celui de Serge !!! Magnifique  
Normalement, je devrais le remettre dans ma culotte mais vu qu’il est fait...

Après quelques MP échangés il y a quelques temps, Serge alias Moriendi (dont j'apprécie particulièrement la "prose" humoristique qui accompagne chacun de ses CR) me fait part d'un passage dans le coin et me propose de croiser le verre.
Je propose à Tophe que je sais rarement contre ce genre de rencontre et rendez vous est pris hier dans un restaurant bisontin bien achalandé en vins. Si le choix de faire 1 blanc + 1 rouge fut rapidement validé...ce ne fut pas la même histoire pour sélectionner les victimes.

On s'arrête finalement sur :
Domaine Rousset-Martin - Côte du Jura - Vigne aux Dames 2019
Il s'agit d'un savagnin ouillé.
Nous avions goûté avec Tophe la version 2018 et il avait conclut par "un des plus beaux savagnin ouillé qu'il m'est été donné de boire". De la bouche d'un maître du Jura, ça situe le niveau.
Autant le dire tout de suite, ce 2019 n'a pas atteint le niveau de son aîné.
Nez ouvert et mûr, sur des notes de prunes, d'alcool et avec un poil de volatile. Serge ajoute qu'il ressent une pointe oxydative et je partage.
En bouche, il y a du vin, c'est assez concentré, et l'aromatique est plus agréable sur des goûts d'agrumes plus typique du cépage, et qui se renforceront sur le plat (foie gras poêlé dans un bouillon). Il y a une jolie longueur, du fond, mais je reste un peu sur ma soif quand je me remémore le 2018.

 

On a beaucoup tergiversé pour le rouge mais notre choix s'est arrêté sur ce domaine et cette cuvée un peu "hype"...et bien nous en a pris.
Domaine de Bellevue - Vin de France - Statera 2022
Déjà la robe fait envie...par contre le nez est vraiment pas causant, à peine peut on y déceler quelques notes de petits fruits type cassis. En tout cas, le pinot est très loin d'être une évidence à ce stade.
En revanche, la bouche est très belle, sur des goûts bien fruités complétés par de légères notes épicées. Les tannins sont hypers fins, dignes d'un très joli pinot (même si l'aromatique ne m'y emmènerait pas forcément à l'aveugle) et la structure et l'équilibre sont sans faille. Vraiment un vin très "digeste" et qui appelle à se resservir.
Vraiment une belle découverte, mais il parait que c'est quasi introuvable. Dommage...

 

Vraiment content d'avoir rencontré Serge. Une belle soirée où nous avons parlé vins...mais pas que !
Wouaf !