A la guerre comme à la guerre,
Il faut sauver le soldat Gunthard
Bon, ce coup-ci, les copains, c'est du sérieux !
L'Europe a été envahie par une saloperie brune à moustaches, le genre bien fourbe et bras levé qui vous déclare les hostilités avec une lâcheté rare !
Pendant que des Covidiots se faisaient attraper en train de palucher l'ennemi comme si la guerre était un picnic et partaient en exode sur les routes du pays, le Soldat Gunthard réussissait à rejoindre sur une coque de noix la terre bénite de son enfance heureuse, répondant autant qu'il le pouvait à l'appel du général Prudence qu'à celui de la nécessité.
Les nounours sont toujours là et même le vieux Playboy des années boutonneuses est encore planqué derrière l'armoire...
Rien n'a changé même si c'est plus la peine d'essayer de rentrer dans le jean slim de mes 20 ans.
Chambre d'ado, havre d'adulte...
C'est donc en terrain connu que depuis des temps qui lui semblent infinis, Gunthard fourbit les armes revanchardes du rentramaison en attendant le Délivrance Day...
Mais encore faut-il tenir ?! Et là, force est de constater que les pénuries commencent à s'faire sentir dans la population indigène...
Refusant de rentrer dans les combines du marché noir, le soldat angoissé va toutefois tenter de remplir sa gourde d'eau de feu avant l'assaut sur les plages...
Le
LCVP
ouvre ses portes...
Prêts à monter au front, camarades ?
Dans la barge qui nous amène vers la mitraille, à peine embarqués et alors que les premiers embruns nous tombent sur la gueule, voilà que chaque soldat du commando PasFier sort comme par un miracle inattendu un flacon de sa gibecière...
Ne jamais sous-estimer les capacités de la troupe à se redonner du courage avant la castagne !
A ma droite, Owen F, un Britton à la gueule fière de rugbyman doté d'un accent à décoller le papier peint me tend un bidon cabossé qu'a dû faire la retraite de Dunkerque.
"La Qyouvée de ma Glaaaand Mummy" qu'il dit...
Old Lady's, Dry Gin
Robe comme de l'eau.
Nez... comme pas d'leau ! La vache, ça fouette comme un vieux sapin d'Noël distillé dans la baignoire, ce machin.
La bouche est plate comme la main, sur un splendide moelleux éthéré qui rappelle le Zippo du général ricain qui nous a briffé ce matin. La Lady a du mile sous le bouchon et les bas de contention sacrément distendus.
La finale possède ce délicieux goût de dentifrice qui nous a tant manqué en cette période de privation.
Perfide Albion, tu portes bien ton nom...
A côté d'Owen, j'vois que Seamus Maclarinett se frise les rousses taches en me voyant grimacer...
"Don't drink that booze, froggy, I have a better stuff for you ! "
Froggy ? Je me prends à rêver de Bonnes Mares...
Telle une cigogne posée sur le nid, le v'la qui me sort de dessous son kilt une flasque à l'air suspect, le genre de machin tanné par des décennies de chasse à la grouse et de contact intime avec ses roubignoles...
Label 5, Scotch Whisky, Finest Blend
Robe caramel blond.
Nez d'infusion de boîte d'allumettes, d'entretien d'embauche chez 3M trempé dans la vanille en pire des Indes, quand les Maharadja vivaient en slip de feuilles de bambou et que les épices étaient encore accrochées aux arbres.
Bouche à écoeurer un menuisier, présentant plus d'échardes qu'une mygale a de poils urticants, indigne de partouzer avec un Cola sans marque.
Redoutable de vacuité !
Euh, thank you my friend but ce genre de rince gosier, c'est comme jouer du Debussy à la cornemuse.
C'est un art d'initié qui tient du sport et j'ai pas fait d'solphège...
La vache, ça tempête autour de nous, je sens la barge qui tangue et je commence à suer sous mon casque !
E Gunthard, vieni qui !
Là, c'est Jeromo Zarrella, le rital de la bande, un sarde, sniper hors pair mais soupe au lait comme pas possible qu'a fini au mitard plus souvent que Gunthard n'a eu de corvées d'chiottes.
Il serait capable de me foutre à la baille si je refusais de goûter ce qu'il sort de la gourde en peau de chèvre qu'il me tend avec un sourire carnassier.
E pericoloso sporgersi là dessus ? Non ?
Bon ben, andiamo
Antonio Casano, Marsala all'Uovo
Robe jaune pisse de bouc des collines de Cagliari.
Nez à faire fantasmer un colleur de papier peint, sur le marc mais plutôt le saint de la lessive que celui de la place de Rome.
Bouche aux goûts splendides d'allume barbecue et d'encaustique.
Finale qui mêle avec un talent certain ses faux goûts douteux aux odeurs de gazoil du moteur de la barge qui en deviendraient presque réconfortantes.
Marsala grâce de Dieu...
Grazie mille, frangin !
Non non, pas besoin de la ripassa, j'ai déjà suffisamment la trachée qui ressemble au fût du canon pendant la mitraille et les oreilles qui bourdonnent, ça va bien comme ça...
Juste devant moi, y'a Jack RagaMuffin Onoa et Robert Marley, deux gars qui s'quittent plus depuis qu'on s'est débaroulés de Dunkerque !
On sent qu'ils viennent de loin, par leurs costumes bariolés, leur accent chantant et le soleil qu'ils ont dans les yeux.
On voit que le froid les assaille plus que les autres mais ils se plaignent jamais.
Ils me tendent chacun deux mignonettes enroulées dans un vieux paquet de cibiches.
Yeah, pisse, brother, tu vas voir, c'est d'la bonne !
Rum Fregate, Mauritius
Robe sans info.
Nez d'apnéiste, abyssal de vacuité, le grand bleu sans les dauphins ni le sourire de Rosana.
Bouche à l'avenant, à dissuader une polonaise de démarrer sa journée.
Finale tellement éthérée que j'vois l'doc qui vérifie qu'il y a pas d'fuites dans son nécessaire d'urgence.
Allez zou, celui-là, je l'garde, il sera parfait pour nettoyer les poignées d'porte.
Par les temps qui courent, on est jamais trop prudent...
Rum Bacardi, Bahamas
Euh, les copains, vous remplacez la cornemuse par un steel band, le grain par la mélasse et vous avez le clone caribéen de son homologue des Hébrides décrit plus haut !
Seamus, t'as refile ton fond d'godet à Bob ou quoi ?!
Ou alors, c'est la Old Lady de Farell qu'a distillé sa canne...
Oh punaise, ça commence à devenir duraille cette affaire !
Le lieutenant demande qu'on vérifie les cartouchières et qu'on s'accroche à nos slips.
La côte approche, les visages se tendent et je sais pas pourquoi, j'ai comme l'estomac noué !
Pourtant, jusqu'ici, j'ai encore rien avalé. Vous croyez que c'est lié ?
C'est le moment que choisit le soldat Zorba Zouka pour tenter sa chance.
Issu d'un pays où l'olive est chérie, Gunthard rimerait-il avec espoir sur ce tuelasoif de dernière seconde ?
Maison Ralatouf, Ouzo
Robe au regard cristallin comme de l'eau qui devient torve dès qu'on la mouille.
Premier nez d'anis, second nez d'anis, troisième nez d'anis.........
Attaque sur l'anis, avec une belle présence anisée sur le milieu de bouche qui propulse une superbe finale d'une persistance anisée remarquable.
Bon dans son genre, on a connu Pyrée mais faut reconnaître qu'il faut aimer l'anis..
M'est avis que va pas falloir que je refoule du bec quand j'aurai débarqué.
Car finir sur un machin pareil, le berger allemand qui arpente le bocage, habitué au schnaps et au calva depuis 5 ans d'occupation, il risque pas de m'rater avec mon haleine à dégouter un natif de Flavigny...
Là, j'avoue, entre les vapeurs d'alcool de ces petits bijoux, le mélange des provenances et le tangage, ça y est, j'ai la tuyauterie qu'a décidé un retour à l'envoyeur...
Le lieutenant risque de pas apprécier la perruque que Gunthard lui a laissée dans son casque quand il va monter à l'assaut...
Quand on parle de tord boyaux, moi j'vous l'dis, c'est pas une vue de l'esprit...
Bon, les copains, désolé mais faut que j'vous laisse !
C'est que j'ai une guerre à gagner, moi...
Allez zou, un coup de flotte dans ma gourde et à dieu va !
Gunthard