Charles Legend - Blanc de blancs
Lorsque j'ai lu le communiqué de presse concernant cette marque de Champagne, je me suis dit en parfait amateur de vin passionné, un peu pointu et un peu connaisseur, que ça sentait le marketing à plein nez. J'ai trouvé assez gonflée la démarche de l'attachée de communication de venir nous narguer, nous, LPVien, tenant de la qualité et de la sincérité. Je me suis piqué au jeu, certain d'une victoire par ko assez rapide, un peu avant la fin du premier round et j'ai répondu un truc du genre « quels arguments pouvez vous développer pour prétendre intéresser un tant soit peu un public très averti ? ». Elle ne s'est pas dégonflée et m'a proposé de goûter un des vins et d'interviewer l'une des trois associés de cette marque. On devrait dire quatre puisque le vin est quand même produit, assez loin de Paris par un vrai vigneron, dans la côte des Bars, précisément.
La lecture des flyers m'avait déjà un peu agacé : un vin réduit en ajout de sucre, de soufre et faible en acidité : oui, oui, vous avez bien lu. En fait un discours pour le vulgus pecum qui trouve le Champagne fatigant et lourd, douloureux au réveil par les maux de tête et trop raide : on brosse le consommateur dans le sens du poil sur des reproches très généraux faits au Champagne d'ordinaire à moins que ce ne soit aux Champagnes ordinaires … J'allais oublier les 6 mois de barrique pour faire joli et ajouter au chic.
Quand fier de moi et sûr de mon effet, je demandais à mon interlocutrice si le vin avait fait sa malo, je savais parfaitement que je la mettais en difficulté et qu'elle n'en savait fichtrement rien : mais comment le pourrait-elle finalement et était-ce réellement son problème ? Chargée de communication ne veut pas dire œnologue. Chacun son truc !
Conscient de ma fatuité, j'ai accepté le deal : je recevrais une bouteille et je m'entretiendrais avec l'une des têtes de la marque Charles Legend : déjà des questions me titillaient et je me demandais bien quel producteur avait accepté de vendre tout ou partie de sa production dans cette aventure. Tout ce que je trouvais sur le web au sujet de Charles Legend sentait le papier glacé, le glamour, le strass, en tout cas rien qui personnellement me rattachait au vin. Bouteille à la forme d'une quille de bowling, étiquette épurée, habillage très chic qui devait sans doute en partie justifier les tarifs peu tendres de la maison. 45 euros environ pour le blanc de blanc que j'ai dégusté. Dosage à 4 grammes donc pas totalement nature, un poil de soufre, donc pas totalement nature (désolé, mais le vocabulaire pose problème), 6 mois de barriques donc pas totalement un an dans des barriques pas totalement neuves … un Champagne de l'à peu près ?
Et bien non : c'est bon. Si la bulle n'est pas aussi fine que l'annonce l'affirme, la belle robe dorée dénote d'une bonne concentration que l'on retrouve en bouche avec des saveurs de mirabelle et de fruit blanc. C'est assez corsé, l'élevage reste très discret et l'équilibre est très correct, sans agressivité, il est vrai, mais sans mollesse. La longueur est sans doute le point faible de ce vin mais assurément, il donne du plaisir et ne fatigue pas.
Nous voilà bien ! ll ne manquait plus que ça, ce Champagne est très correct ! Il se trouve qu'il a réussi à me convaincre malgré l'a priori négatif qui pouvait me tenir, certain que j'étais d'être en face d'un montage « piège à bobos ». Je me demandais comment j'allais pouvoir relooker mon projet d'entretien, mais finalement, les choses se sont faites assez facilement : la jeune femme que j'ai eu au téléphone connaissait son affaire et savait de quoi elle parlait : sauf peut-être sur le côté de la faible acidité où elle s'est un peu emmêlée les crayons, le reste était assez convainquant. Même sur la malo, elle n'a pas hésité une seconde. On pense ce que l'on veut de la démarche, mais elle semble sincère. Le cahier des charges est donné au producteur (que j'ai quand même retrouvé en dégustant le vin, je n'en étais pas peu fier d'ailleurs ! ) et les vins ne sont pas les mêmes que ceux vendus par le vinificateur, assez connu des côtes des Bar.
Reste le prix : c'est à mon avis là où ça coince un peu parce qu'à ce niveau tarifaire, n'importe quel habitué du forum Champagne de LPV est capable de trouver pas mal de références de ce niveau à un tarif nettement inférieur. Mais j'ai compris aussi qu'une telle démarche marketing coûtait et qu'il fallait bien manger ! (à trois, en plus …)
Donc, j'ai bien conscience de servir une cause qui pourrait me faire fuir a priori, mais j'ai décidé de publier ce compte rendu par honnêteté car le vin le vaut bien.
Ce vin n'est distribué que dans la restauration et chez des cavistes : il connaît paraît-il un beau succès.
J'ai hâte de lire d'autres commentaires que le mien, juste pour savoir si je ne me suis pas trompé.