Dégusté ce soir les
Gevrey Chambertin village et VV de S. Esmonin 2007 et 2008.
J'ai été frappé par les nez des 2007. D'abord très réduits, avec un registre animal, quasi violent. Ils demandent une franche aération pour se poser avant de se montrer assez explosif, généreusement fuités même si encore marqué par le bois.
Les tannins du 2007 sont un plus sévères, sans être rustiques moins nobles que 2008. Le 2007 a été vendangé autours du 5 septembre après un mois d'août chaud. Ce millésime gourmand et apprécié par S. Esmonin a été plus précoce que 2008 dont le cycle végétatif a pu se dérouler et s'achever jusque fin septembre.
Les vins de 2008 sont de vrais bourgognes avec une acidité vive, avec une fraîcheur et une digestibilité supérieures liés aussi à des tannins nobles et sans doute une belle maturité au niveau des pépins.
Deux expressions différentes. Maintenant, l'extraction et l'habillage boisé confèrent un style bien particulier aux vins de S. Esmonin mais je pense que la qualité du jus peut le supporter particulièrement sur VV d'un très haut niveau qualitatif.
Je n'ai pas pu goûter les Clos Saint Jacques en rupture, mais je ne peux qu'imaginer la qualité du 2008 du niveau du clos d'A. Rousseau, avec un caractère différent, selon la presse.
Gevrey chambertin village 2008.
Robe rouge rubis foncée.
Le nez est d’abord boisé vanillé, une pointe de réduction, puis c’est les fruits rouges acides qui émergent (cerises, framboises) avec en note de fond une note fumée poivrée.
En bouche, le vin est équilibré, encore monolithique au niveau aromatique, doté d’une belle structure et de tannins élégants pour un simple village. L’habillage bois est encore bien présent. A l’aération, le fruit jusque là discret apparait bien mis en valeur par un beau support acide, cerises. La finale se prolonge suffisamment et exhale des notes épicées, (poivre et muscade), mais surtout un agréable registre lardé fumé qui évoquerait presque le goût d’un "patanégra ibérique".
Gevrey chambertin village 2007.
Robe rouge foncée encore opaque.
Le 1er nez est violemment réduit presque dérangeant. Notes animales. Après aération, présence d’une belle expression de fruits toujours habillé par l’élevage avec un fort boisé. L’équilibre se fait autour d’une trame tannique plus sévère que sur le 2008 avec une perception acide moindre. Un vin plus puissant qu’élégant, relativement gourmand et qui demande à être accompagné à table. Viande rouge grillée, gibier à plumes.
Gevrey Chambertin VV 2008
Robe rouge foncée soutenue.
Nez profond et vineux, avec des notes boisées vanillées et empyreumatiques. Présence de fruits noirs, (cerises, mures) encore en retrait à ce stade, à l’aération belles notes épicées et toujours ce beau registre fumé, de réglisse et de graphite.
En bouche, on sent une volonté d’extraction de matière. Heureusement la maturité est là, la qualité du jus aussi qui permet de mieux supporter l’élevage ambitieux si l’on veut le comparer au simple village. Le vin est équilibré, franc, droit et tonique avec une acidité toute bourguignonne de bon aloi qui soutient bien les arômes de petits fruits rouges, cerises et groseilles. La bouche est tendue et digeste. La finale est réglissée, avec un boisé fumé noble et un très beau végétal délicatement amer. T. Beau vin.
Gevrey Chambertin VV 2007
Robe rouge rubis foncée
1er Nez réduit, pointe animale ressemblant au petit frère de 2007. Une fois « dompté » à l’oxydation, le nez se montre vanillé boisé et fruité compoté, (cerise burlat, cassis, mûres). Les arômes paraissent plus végétaux aussi, (ronces, herbes sauvages), le boisé épicé ressort également d’avantage avec un côté oriental exubérant.
La Bouche d’emblée se montre plus généreuse que sur 2008, construite autour de sa trame tannique d’où une colonne vertébrale plus en force qu’en beauté fine. La bouche est volumineuse sur les fruits noirs et les notes fumées réglissées, le Moka et un registre animal plus marqué, (gibier, cuir). La finale est singulièrement longue plus enveloppante que 2008 à ce stade. Un seul bémol les tannins d’une vendange précoce ajouté aux tannins du bois rendent la bouche sèche et moins élégante que 2008.
Personnellement j’apprécie les vins de S. Esmonin malgré le caractère boisé dans leur jeunesse. Ce sont des vins de grande garde qu’il faut savoir attendre, on peut se faire plaisir cependant avec les villages assez vite comme avec les vieilles vignes dans les années comme 2008.
J’apprécie aussi la vigneronne, personne d’une extrême sensibilité, et exigeante. Des vins qui sont aussi une « extraction » d’elle-même. Pour s’en rendre compte, il suffit d’observer les mains de la vigneronne qui taillent, burinent et sculptent la vigne et l’attention qu’elle porte à la perception et à l’image que l’on se fait de ses vins. Des vins qui hésitent encore entre la distinction et la puissance virile.
Pour l’avoir rencontré à deux reprises, elle sait se montrer disponible pour se mettre sans jugement à la portée de ceux qui découvrent les vins qu’elle propose, j’aurais envie de dire avec franchise et générosité, si l’on fait abstraction des prix qui sont aussi la rançon du succès.