« Tu connais Chablis ?
- Non, moi je suis plutôt chabite…
- L’un n’empêche pas l’autre. T’as deux mains.
- Ça tombe bien, je fais rien demain.
- Demain, à l’heure où blanchit la campagne, je partirai.
- Moi, je viendrais bien, mais pas par la forêt. J’aime bien les bons rouges.
- Tu leur diras en arrivant ; des chances qu’ils aient une montée de tonnerre.
- En février, ça serait pas de pot de tomber sur un orage.
- Va au lit, je te dis, y aura du taf demain. Evite les chabites aux viticulteurs, ça évitera les coups de pied aux fûts.
- Mon mont de milieu est inox…
- Inoxydable…
- Ils vinifient aux coups de pied aux fûts sur Chablis ?
- Seulement pour les mecs comme toi… »
Cinq heures du mat’, j’ai des frissons, je claque des dents et je mets mon caleçon. Seul en dehors du lit qui montre ses draps bleus froissés, c’est la petite nuit du sommeil cassé. Je m’en vais me réparer rapidement parce qu’on va filer doux vers la bourgogne faire un petit état des lieux des domaines connus et moins connus, des styles et des méthodes de vendange (encore trop mécaniques pour beaucoup) et de vinification. On a juste la journée alors on va essayer d’être le plus efficace possible sans non plus se presser. C’est parti mon kiki.
9h00 arrivée au domaine
Droin (attention à l’orthographe parce qu’il y a Drouhin et Droin). Le domaine est vaste avec 15 vins, 8 premiers crus et 8 grands crus. Domaine souvent cité par les guides, la vendange reste mécanique avec vinification en cuve inox sauf pour les grands crus et certains premiers crus où la vendange est manuelle et où le raisin voit le fût.
La gentille dame qui nous reçoit a l’air gênée avec les questions techniques, voire avec les questions tout courts. Elle trouve une parade en nous disant qu’il y a tout sur le site internet du domaine. Nous sommes contents de l’apprendre. Nous avons fait 4 heures de route pour le savoir.
Chablis 2008 : nez citronné avec une bouche simple et fraîche sur le fruit jaune.
Moyen+.
Chablis 1er cru Mont de Milieu 2007 (vignes de 50 ans) : nez avec de nets parfums de citron vert ainsi qu’une pointe de mousseron. La bouche est opulente sur les fruits blancs. Simple sans complexité…
Moyen+
Chablis 1er cru Mont de Milieu 2008 : nez concentré sur le citron. La bouche est encore un peu verte avec une acidité mordante. De nouveau sur les fruits à chair blanche.
Moyen+
Chablis 1er cru Montmains 2008 : beau nez avec une pointe de beurre. La bouche est minérale et harmonieuse mais demeure simplette pour un 1er cru.
AB+
Chablis grand cru Vaudésir 2008 : nez iodé, bouche serrée avec un gros volume. Prometteur.
B.
Conclusion : une gamme cohérente quoique un peu poussive en début de gamme. Nous sortons assez déçus en nous dirigeant vers la claque, vers la vague immense de la journée.
Vincent Dauvissat devait être absent, mais il est bien là, souriant dans le froid. Je suis excité comme une puce et je le remercie de nous recevoir. J’ai été totalement ébranlé par l’homogénéité esthétique de la gamme, avec un
Petit Chablis qui n’a rien de petit et des 2008 qui se goûtaient déjà très bien malgré le froid et la récente mise en bouteille (sauf pour les clos encore en fûts)
« Quand on écrivait en hiéroglyphe, le vin avait le même symbole que le mot mystère » (V. Dauvissat)
On commence par le
Petit Chablis 2008 (Calcaire dur): « ça va réchauffer le bonhomme » nous dit Vincent. Le nez est salin et racé. Le vin vient à vous. La bouche est sur la minéralité et les fruits blancs. Quelle justesse et quelle droiture !
Bien.
Chablis 2008 : Le nez est abricoté. Le volume en bouche est impressionnant même si le vin reste ciselé. La finale est sur les amandes et la pierre à fusil.
Bien +.
L’élevage en bois, nous dit Vincent, donne des vins moins aromatiques, mais de plus grande garde. On gomme le primaire, le fermentaire, les arômes de fruits au profit de la minéralité.
Chablis 1er séchet 2008 : nez profond et minérale, bouche opulente et explosive.
TRB. Nous sommes sur du calcaire dur coquillé, un sol kimméridgien, nous dit Vincent.
Chablis 1er cru vaillons 2008 : le sol est ici plus profond et sur les argiles. L’exposition solaire est plus précoce et s’oppose à Séchet. Le nez est iodé, sur la coquille d’huître. Longue vague de beaux amers.
TRB
Chablis 1er cru forest 2008 : vraiment un entredeux entre séchet et vaillons. Le nez est floral et la bouche demeure volumineuse en mélangeant les arômes des deux 1er crus. Du volume et de la minéralité.
TRB
Chablis grand cru les Preuses 2008 : note d’amandes séchées, légèrement grillées. Bouche divine et orgasmique (déjà !). Une synthèse de puissance et d’équilibre incroyable et intense.
Excellent +++
Chablis grand cru Les Clos 2008 (encore sur fût) : plus sur des arômes de vanille avec des marques d’élevage plus patentes, ce qui est somme toute normal. Un chef d’œuvre enceinte de lui-même.
Excellent +++.
Je resors de la cave sonné, ému, dévasté par une dégustation de haut vol. Un hommage à la gentillesse de Vincent, à sa simplicité et à sa générosité !
Nous sommes en retard et nous nageons dans le bonheur ainsi que sur la route pour trouver le
domaine Bessin. Nous arrivons très en retard. Jean-Claude n’est pas content, il ne peut pas nous recevoir, il a du travail. Mon ami veut quand même lui acheter du vin. Jean-Claude nous demande qui on est, il nous dit qu’il n’aime pas les blogs, les sites sur le vin. On le sent marqué, blessé par ce qu’il a pu lire. On discute un peu. Il nous fait goûter deux vins en cuve. Il n’a pas le temps. Il ne peut pas non plus envoyer ses tarifs. C’est dommage. On est un peu refroidis même si on est compréhensifs, ça dénote avec le rendez-vous précédent. Sans doute Jean-Claude n’aurait pas dû nous recevoir.
Nous nous arrêtons pour une pause repas au bistrot des grands crus. Bien utile quand on veut faire vite.
Nous sommes d’attaque pour nous rendre au
domaine Servin célébré par les guides avec une gamme de vins impressionnante pour une superficie de 35 hectares avec 4 grands crus. Nous sommes reçus par une ravissante jeune fille qui nous donne immédiatement le tarif des vins.
Petit Chablis 2008 : Beau nez sur les fruits blancs. Bouche mûre et simplette.
Moyen +.
Chablis 2007 : Beau nez sur les fruits blancs. Bouche mûre et simplette.
Moyen +. Seule l’étiquette change.
Chablis VV 08 : Ce chablis provient de sélection massale sur le secteur de Pargues qui possède une très belle exposition. Le nez est sur l’élevage. La bouche est molle et manque d’acidité.
Moyen +. Proche du petit chablis.
Chablis 1er cru 2008 Montée de tonnerre : Le nez est sur l’élevage. La bouche est molle et manque d’acidité. Moyen +. Proche du petit chablis.
Moyen +
Chablis 1er cru 2007 Vaillons :nez salin. Bouche mûre avec une belle acidité, peu complexe.
AB+.
Chablis 1er cru 2007 Butteaux : nez iodé avec une note de bois. Bouche un peu molle.
Moyen +
Chablis 1er cru 2005 forêt : nez oxydatif et abricoté. Bouchonné.
Chablis grand cru 2003 Blanchot : nez de miel et d’amande. Bouche mûre avec un gros manque d’acidité.
AB.
Chablis grand cru 2004 Bougros : nez amande. Bouche sur la vanille. Manque de fond.
AB.
Chablis grand cru 2006 Les preuses : nez fermés. Bouche sur la vanille et l’acidité. Manque de puissance.
AB.
Chablis grand cru 2007 les clos : beau nez vanillé. Bouche citronnée avec une finale sur les amandes.
Bien -.
La gentille demoiselle nous emmène visiter les cuves monumentales du domaine ainsi que la cave non enterrée du domaine. L’accueil est irréprochable. Je suis un peu désemparé devant ces vins que je n’ai pas « compris » et mon ami conducteur du jour a le même jugement. Il faudra que d’autres vérifient cet écart entre les critiques érudits et le simple dégustateur que je suis.
On termine notre périple au
domaine Grossot où Jean-Pierre nous accueille en avance (on se rattrape) avec gentillesse et simplicité.
Chablis 2006 : nez frais et ciselé. Fruits à chairs blanches et notes florales. Bel équilibre.
Bien.
Chablis 2004 : élevé en barrique : nez frais et vanille. Bouche sur les fruits blancs.
AB.
Chablis 1er cru Cote de Troëmes 2007 : nez iodé. Bouche fine sur une minéralité caressante. Belle réussite.
Bien.
Chablis 1er cru fourchaumes 2007 : nez citronné et vanillé. Minéralité serrée et fermée.
Bien.
Chablis 1er cru fournaux 2006 : nez amande, miel. Bouche sur les amandes et finale sur le poivre.
Bien.
Chablis 1er cru Vaucoupin 2006 : nez et bouche saline sur la coquille d’huître.
Bien.
De beaux vins ciselés et une belle fraîcheur. Domaine vraiment recommandable !
Conclusion : Pas de scoop mais un constat qui montre une hétérogénéité radicale entre tous ces domaines pourtant encensés par les guides. Pas de conclusion hâtive, mais un compte-rendu honnête des dégustations. J’espère que Tchoule aura l’occasion de nuancer, de compléter, de contredire ou de corroborer ces impressions d’un jour.