De plus en plus , j'entends ici et là , des voix critiques envers le plaisir que procure les vins de bordeaux.
Je précise que dans tous ce qui va suivre, je me cale sur les impressions et les réactions d'amateurs simples ( c'est à dire qui boivent sans fouiller , sans chercher à en apprendre comme on peut le faire sur ce site ) .
Deux causes majeures à mon sens :
L'insuffisant discernement dans la qualité des différents millésimes ( attitude favorisée par certains professionnels qu'ils soient producteurs ou journalistes ).
L'impatience de ceux qui achètent et boivent.
Je le dis de suite, je pense que ces critiques sont fondées dans les millésimes petits ou moyens.
Et totalement infondées et ridicules dans les bons millésimes et les exceptionnels.
Je pense que tout ceux qui ne distinguent pas, comme il se doit et plutôt de manière binaire ( binaire, oui je sais ça fait américains mais j'assume ce mot ) , les millésimes dans le bordelais ( au moment d'acheter et au moment d'ouvrir une bouteille) auront effectivement beaucoup de déceptions.
En ce sens, je pense qu'il s'agit paradoxalement d'une erreur de ‘débutant' et une erreur que font beaucoup de spécialistes qui veulent avoir et divulguer à tout prix, une approche intellectuelle du vin ( il faut avant tout comprendre chaque millésime, on dirait qu'ils veulent personnifier la notion de millésime et ainsi se montrer d'une grande tolérance intellectuelle ).
Le discours de ces derniers fait tomber les amateurs dans une grande perplexité à la dégustation.
Exemple : Léoville Poyferré 94 : ‘un vin d'anthologie !'
L'amateur le déguste : cruelle déception, si ce vin est un vin d'anthologie alors c'est bien simple aucun bordeaux ne va m'apporter du plaisir.
Erreur grave pense celui qui fait la distinction entre les grands millésimes et les petits et il aura raison.
De plus en ce qui concerne les grands millésimes , d'après mon expérience et d'après les discours que j'entends de la part de simples amateurs : peu ont dans la tête la terrible nécessité d'attendre les grands vins bordelais comme il se doit. C'est pourquoi, je dis souvent qu'un grand vin bordelais ne vient pas à vous mais c'est vous qui devez aller à lui au bon moment, c'est vous qui êtes maître du plaisir qu'il va vous procurer, encore faut-il le savoir ( je ne parle pas ici de ceux qui ayant trois caisses de calon 2000 vont en goûter une aujourd'hui pour ‘ voir ‘ ) .
Trop de gens pensent que puisqu'il s'agit d'un soit disant grand vin alors il va venir à vous avec une grande charge de plaisir à tout bout de champ, aussi facilement qu'un grand vin du Languedoc ou du Rhône.
Peut-on dire aujourd'hui que ces nouveaux grands vins ( Languedocs entre autres ) font du mal au bordelais ? Oui, je le pense mais cela est dû avant tout aux modifications que ces vins entraînent dans l'approche des amateurs , on veut tout et tout de suite et comme cela existe dans certaines régions on critique les bordeaux qui demandent du temps.
Souvent on dit de ces vins du Languedocs :
Quel plaisir immédiat, il peut se garder mais pourquoi se priver d'un tel plaisir que l'on est pas sûr de retrouver.
En ce qui concerne les bordeaux, j'entends souvent, pfff pas terrible...vaut mieux un bon languedoc ou un côtes du rhône.
Quelquefois: c'est fermé...on verra bien dans quelques années mais malgré ce ' on verra bien dans quelques années' il y a une déception en arrière fond.
De plus et ça je l'ai déjà dit, plus on doit attendre un vin et plus on est à la merci d'un accident de bouchon ou d'un plateau court de maturité. Mais c'est le risque à prendre pour toucher la magie d'un grand bordeaux.
En ce qui concerne le plateau de maturité, je vous fais un aveu :
Je n'attache pas beaucoup d'importance aux commentaires des bordeaux quand ils ont entre 3 et 5 –7 ans puisqu'ils ont tendance à se refermer en règle générale.
Quel ridicule il y a à prendre au sérieux aujourd'hui la note précise d'un calon-ségur 2000.
Que doit nous apprendre la note d'un Gruaud 90 qui passe de 93 à 97 ?
Je voudrais en profiter pour dire aussi que peu de dégustateurs qui vantent l'avenir d'un vin ‘ fermé ‘ expliquent de manière pédagogique pourquoi il sera bon dans l'avenir, à quels indices concrètement détectés ils se fient pour pouvoir le dire.
Il y a peu j'ai lu un post qui précisait que étant poli d'une certaine manière, les tanins n'étaient pas seul présents, il devait y avoir beaucoup de fruit caché..j'ai bien aimé ce genre d'explication développée.
Ainsi, je me dis que pour apprécier la magie du bordelais pour l'amateur simple , il faut avant tout acheter les très bons millésimes et être très patient en acceptant une part de risque
Le plaisir est à ce prix bien avant le prix des bouteilles quand on les achète.
En conclusion je pense que la réelle magie des grands Bordeaux provient des ‘arômes nobles' et de cette extrême finesse or elle se mérite en faisant preuve de beaucoup de patience et de confiance dans le temps qui passe.
Cela n'est pas incompatible avec une cave bien fournit en d'autres vins vite prêts mais que l'on ne dise pas que les bordeaux ne savent pas procurer de plaisir.
Ce malaise sur le plaisir des vins de bordeaux provient donc , à mon sens, plus des gens que du vin , il y a donc une sorte d'injustice qui se dessine et qui prend de l'ampleur.
L'amateur est beaucoup plus responsable de son plaisir en achetant un bordeaux qu'un vin du sud !
Jmm