Salutations.
J’ai fait parmi vous un pas à découvert sans intention croyez-le bien, de créer les moindres doutes, suspicions ou aigreurs. C’est juré et je ne souhaite pas qu’il en aille autrement. Je m’inscris comme un homme de paix, heureux d’avoir franchi le Rubicon pour oser s’exprimer ici, en toute sincérité, libre de ton et d’action. Mais je fais perdre du temps à tous en écrivant ces lignes car cette doctrine est probablement vraie pour tout le monde, n’est-ce pas ?
Ceci dit, merci pour ces clins d’œil que j’ai reçu comme tels. S’agissant de François, je ne le connais pas du tout et ne me ferai pas son avocat, ni ne le condamnerai du reste. A charge pour lui, s’il le juge opportun, de convaincre son auditoire et aux autres d’apprécier ses arguments. Pour ma part, un haussement épaules suffira. En ce qui concerne mon pseudo, celui-ci est né de la contraction des majuscules des prénoms de mes Lionnes-Reines et du mien. Je l’aime assez bien finalement et on peut y attacher quelques clichés sympathiques.
Bon, mais le vin dans tout ça ?
Je vais en quelques lignes vous conter 3 anecdotes qui feront peut-être bondir certains hors de leur fauteuil, un peu comme s’ils s’asseyaient sur une chaise électrique alimentée. Alors prêt ?
- La dernière expérience en date du 1er janvier de cette année a eu lieu avec un Riesling alsacien de 1997 qui est le seul vin depuis 1982 que je déguste, qui se soit montré à ce point si mauvais. Un tel désagrément à la vue, au nez, et en bouche que je fais encore la grimace en rédigeant ce paragraphe alors que mes cheveux restants se dressent à nouveau à la verticale. Brrr ! Je suis pourtant un garçon poli, mais là je n’ai pas pu m’empêcher de tourner la tête et presque de crier à mon hôte coupable l’ignominie de la chose: couleur de vieux Calvados fané, nez complètement madérisé, bouche acide et sans corps accentuant encore cette odeur abominable. Affreux ! Il s’agissait en l’occurrence d’un Riesling basique distribué par le négoce en grande surface. N’ayant plus osé regarder le flacon, j’en ai stupidement oublié les références. Je loue habituellement les mérites de cette belle région, et mon hôte qui s’est rattrapé par ailleurs avec Domaine de Chevalier 83, a dû me prendre un instant pour une fieffée girouette. Une expérience amusante et sous certains aspects enrichissante. Point trop n’en faut cependant.
Pour faire se desserrer les poings des amateurs de ces crus justement nobles et complexes de la belle région d’Alsace, que ceux-ci comprennent bien qu’il s’est agi là d’un cas isolé, que ces lignes ne visent nullement à jeter une quelconque opprobre. Tout bec fin accorde à juste titre une presque pleine confiance aux plus méritants producteurs locaux et ce n’est que justice.
- Une autre fois en 1990, j’avais promis à mon épouse la dégustation d’Yquem 1979, ce qui fut fait. Il m’a fallu cependant à cette occasion m’affranchir de bien des préjugés et vaincre moult réticences qu’un adepte orthodoxe de la dive bouteille n’aurait en toute décence probablement pas acceptés. J’étais ce jour enrhumé au delà de l’imaginable, J’ai éternué des milliards de fois, usé un stock de mouchoirs à saturer une poubelle de 500 litres, et glané en fin de compte un nez de clown visible de la lune. Alors la décision d’une telle dégustation, un crève-cœur ? Que néni. Bien évidemment, l’appréciation des qualités du mythique grand cru s’en est trouvée pour moi grandement altérée mais nullement pour mon épouse qui l’a goûté à sa juste valeur. En fin de compte, nos deux personnes ont parfaitement estimé ces instants de bonheur, mon épouse qui a ainsi pu accéder aux trop rares dégustations d’Yquem, et moi de même, parce que j’ai tenu mon engagement mais aussi parce que j’ai bu et n’en ai pas moins souri de cette dégustation malgré les affres du moment. Et d’ailleurs le lendemain j’étais guéri. Soit dit en passant cette bouteille m’avait été offerte en 1986 par un jeune négociant en vins du monde, en complément d’une commande de 6 Lynch-Bages 82 et 6 Lafaurie-Peyraguey 83. Bonne pratique à l’époque non ? Un savoir-vivre tombé maintenant en désuétude me semble t-il !
- En 1983 je tâte de Château Latour 1971 et là alors, alors là euphorique, j’ai plané. Une expérience personnelle incomparable encore à ce jour, réalisée au restaurant des frères Chabrol à Brantôme en Dordogne (cuisine très bonne et riche, mais pas gastronomique ), qu’accompagnait dans une harmonie idéale une brochette de cèpes et Saint-Jacques. Qui plus est à un coût, c’était souvent le cas à l’époque, parfaitement acceptable pour un oenophile débutant. Le contexte a joué à fond : un restaurant qui jouissait d’une fameuse réputation, un choix de mets heureux, un service ad hoc et accompagné…de ma jeune épouse. Pour nombre d’esthètes ce cru apparaîtra banal, largement dépassé dans les tablettes par des millésimes beaucoup plus vantés. C’est fort possible je veux bien le croire. Mes expériences personnelles ont toutefois souvent battu en brèche ces supposés meilleurs crus ou meilleurs années. Peu importe, imaginez-vous les bras tendus au ciel azur d’été, pressant une poignée de bigarreaux mûrs à point, et voyez le liquide qui s’écoule de vos mains. Un jus d’une couleur et d’une intensité incroyable, rouge sang, d’une belle brillance. C’est déjà une première surprise lorsque vous observez le sommelier verser le précieux breuvage aux mêmes vertus dans son aiguière, vous en roulez alors les yeux de contentement enthousiasmé par le beau et doux écoulement. Après repos, vient la traditionnelle dégustation liminaire, génératrice de jugement péremptoire. Le verre est lourd de son poids et de la supposée densité du vin, en tous cas c’est ainsi que je l’ai imaginé. Je porte celui-ci à mon visage et reconnais ce même carmin profond et éclatant de la robe, à faire se pâmer Christian Lacroix lui-même. Après avoir estimé cette couleur, j’approche mon nez du verre et relève instantanément mon visage vers mon entourage, non pas pour chercher de l’aide, mais pour exprimer mon étonnement. Incrédule, mes premiers mots ne sont qu’interjections. La surprise passée, je replonge mon nez comme si j’avais du me pincer pour être sûr de bien vivre la réalité. J’arrive enfin à exprimer quelques monosyllabes : fabuleux, un trésor, hors du commun, de l’essence de vin, etc… Et c’est vrai que ces parfums me sont apparus exubérants, riches, multiples, se régénérant et se complexifiant sans jamais perdre une once de cette inattendue et insurpassable élégance. Un feu d’artifice sensoriel, un raz de marée de sérotonine, un hymne à la beauté, au génie de la nature et aux œuvres humaines d’exception. La bouche du même tonneau bien sûr, s’est révélée d’une extrême douceur, féminine mais ample et longue, d’une cohérence sans faille et offrant toujours cette élégance unique. Quels fruits évoquer ? Quelles fleurs auxquelles songer ? Quelles combinaisons ont pu permettre ces fragrances inimaginables qui m’ont fait toucher à la féerie du vin, je n’en sais plus rien aujourd’hui. Je retiens de cette dégustation un moment de grâce, exceptionnel.
Certaines personnes verront dans ces dernières lignes quelques excès dithyrambiques et je les comprendrai. D’autres ayant touché au sublime comprendront mieux ce miracle. Que chacun soit convaincu cependant de la sincérité de mes propos, que le bonheur existe !
Bien à vous. Bonne journée.