Clos Mogador Verticale 1989-2001
1ère série : 2001-2000-1999-1998
2001
Nez typé Priorat, ouvert, déjà très charmeur, le boisé ne domine pas le fruit et le sillage minéral qui le sous-tend. La bouche est très riche, explosive, aromatique, puissante, avec une matière dense, du gras, des tannins doux et mûrs. Ca reste très digeste. Grande longueur. Un grand vin qui donne déjà beaucoup de plaisir.
2000
Le nez s'est maintenant un peu refermé et n'est plus celui que j'avais trouvé lorsque j'avais bu ce vin au printemps 2003. Le bois est plus présent, le caractère explosif du fruit a disparu. Le carignan surtout, mais aussi le grenache, sont bien présents dans ce bouquet.
La bouche est équilibrée, les tannins et l'expression aromatique sont moins impressionnants que dans le 2001. Belle finale. C'est quand même vachement bon.
1999
Au nez, le grenache domine. Le bouquet, d'abord un peu austère, s'est sans cesse amélioré à l'aération. La bouche donne plus que le nez, avec du fruit, des tannins enrobés, une texture suave, mais tout de même moins d'harmonie et de séduction que les précédents. Jolie longueur. Un beau vin qui s'est sans cesse amélioré à l'aération.
1998
Beau nez ouvert, sur les petits fruits avec de fines nuances musquées.
La bouche est de grande classe, puissante, compacte, très aromatique, mûre, avec des tannins qui évoquent le 2001. Un vin large, massif mais d'une grande harmonie. Très belle finale, où ressortent des notes tertiaires. J'ai été emballé par ce vin après l'avoir laissé un peu respirer.
Impression générale de la série :
J'avais adoré le 2000 lorsque je l'avais bu au printemps 2003. Lorsque je l'ai goûté dans cette série, à côté des 1998, 1999 et 2001, il m'a un peu déçu car j'en attendais plus. Je me suis dit qu'il s'était refermé. Lors du repas qui a suivi la dégustation, on nous a servi le même vin après Le Laurona 2000 et, de façon étonnante, je l'ai trouvé en bien meilleure forme que lors de la verticale. Quid ? voici mon explication : 1°le 2000 nous a d'abord été servi dans un verre INAO, ensuite dans des Spiegelau Authentis. La différence est énorme sur de tels vins. 2° si 2000 est objectivement très beau et donne beaucoup de plaisir maintenant, il s'est trouvé placé à côté de vins de très haut niveau, avec les 1998, 1999, 2001. Le 2001 est monumental, de même que le 98, et le 99 est très réussi, dans un millésime apparemment plus difficile et moins solaire.
Par ailleurs, tous ces vins sont d'un charme irrésistible. On retrouve un style commun : une matière dense et crémeuse, un fruité intense, des tannins doux et mûrs, bien fondus dans la matière et pas du tout surextraits.
2ème série : 1997 – 1996 – 1995 – 1994
1997
La robe est moins intense que d'ordinaire chez Clos Mogador. Le nez est un peu simple, la bouche manque aussi de complexité à côté de ses pairs. C'est un bon vin, mais il manque un peu de profondeur.
1996
Le nez est un peu réduit et manque de noblesse. En bouche, le vin est d'une grande densité, compact, avec des tannins serrés, des notes de figue et une pointe de vivacité . Ce vin me paraît demander encore un peu de patience. Il n'a, à l'heure actuelle, pas le moelleux et la complexité des grands Mogador, même s'il en a l'allure.
1995
Bouquet complexe, mûr, mais un peu réduit, qui passe un peu à l'aération. La bouche est phénoménale, très aromatique et concentrée, avec des tannins nobles et une trame serrée. Très grande longueur et belle largeur. Un grand vin.
1994
Nez réduit, dans une phase intermédiaire. S'améliore à l'aération. Le vin est structuré, concentré, mais le 94 est un peu plus austère que les grands Mogador, avec des tannins un peu moins mûrs.
Impression générale de la série.
1997 manque de structure et de profondeur. Le 1996 me paraît fermé actuellement et bien armé pour l'avenir. 1995 est grand, au début de son apogée. Le 94 est marqué par une certaine austérité et une pointe de verdeur, cela pourrait correspondre aux caractéristiques des millésimes du Bordelais. Il faut dire que les régions ne sont pas si éloignées, même si les terroirs et les climats sont tout de même différents. Les nez m'ont souvent gêné par leurs notes de réduit, qui généralement s'atténuaient fortement à l'aération. C'est un avis personnel, mais je trouve personnellement que le bouquet de cette série de vins plus âgés n'était pas meilleur que celui de la première série. Cela dit, nous avons constaté que ce réduit s'atténuait, voire disparaissait, à l'aération, et que petit à petit le fruit revenait, accompagné de jolies notes tertiaires et épicées.
3ème série 93-92-91-90- - 89
93
nez un peu réduit, avec des notes animales, sur les fruits noirs. La bouche est d'envergure moyenne et n'a pas la richesse et la profondeur des grands millésimes. C'est agréable.
92
nez réduit, animal, presque désagréable.
La bouche est homogène, avec un fruit un peu vert (pour Mogador) et des tannins qui sèchent u peu. Le vin s'est amélioré à l'aération et s'est révélé sous un meilleur jour après oxygénation. Je pense que c'est un vin qui doit au moins être carafé 4 heures pour pouvoir être jugé.
91
Pas de réduit au nez, la bouche est racée, presque vive, avec un beau fruit, mais moins gras et mûr que le 2001, le 98 ou le 95.
90
pas de réduit et étonnant nez lactique et caramel sur ce vieux millésime. Il y a aussi des notes tertiaires, que l'on retrouve en bouche. Les tannins sont fondus. Un vin équilibré, mûr, très bon, mais pas meilleur que les 95-98-99-00-01.
89
bu à titre anecdotique.
Nez un peu oxydé, c'est un vin sans beaucoup de charme, il manque de fruit et a dépassé son apogée. L'émotion est plus sentimentale que gustative.
Produit à 300 bt, c'est ce vin qui avait fait connaître Clos Mogador, après que la revue Gault & Millau avait parlé en termes élogieux et lui avait attribué un 18/20.
Impression d'ensemble de la série :
Pas d'impression d'ensemble. Les vins sont fort disparates et évoluent diversement à l'aération. Mon préféré reste le 90. Il est encore très fringant, avec une texture séductrice et une belle expression de terroir. Le 91 est un peu différent, mais agréable. 93 manque de charme et de finesse et 92 était impossible à juger.
Impression générale sur cette dégustation :
Les robes sont sombres, les vins fruités, avec du moelleux et des tannins généralament bien enrobée. les vins sont puissants, complexes, aromatique, et de belle envergure. On joue dans la cour des grands.
Cela dit, il est très difficile de décrire et de juger ces fins dans une dégustation en série, surtout au plan olfactif. Le impressions évoluent sans cesse au gré de l'aération du vin, parfois de minute en minute. Les plus vieux millésimes auraient mérité d'être carafés, parfois longuement, pour laisser le temps aux notes de réduction de se dissiper. De plus, ces vins du Priorat se sentent un peu à l'étroit dans les INAO. Ils méritent des verres grand format et, souvent, un carafage pour s'exprimer pleinement. La dégustation en série ne donne qu'un instantané d'un vin qui n'est qu'une facette de sa personnalité. Il est très difficile d'en faire une description un tant soit peu objective tant les vins évoluent à l'aération. Cela dit, c'était passionnant de faire un instantané de tous ces vins à quelques minutes d'intervalle et de pouvoir les juger les uns après les autres. Une expérience unique.
Par ailleurs, il eut peut-être mieux valu servir les vins dans l'ordre inverse. La série des 2001-2000-1999-1998 était de toute beauté et les autres millésimes, à l'exception du 1995, ont eu de la peine à faire oublier ces vins. Le Priorat, c'est avant tout le fruit mûr et moelleux, les tannins doux et enrobées, une texture moelleuse et sensuelle et il est difficile aux vieux millésimes de résister aux charmes et à l'explosivité de la jeunesse.
Une chose est certaine : Les vins de Clos Mogador n'ont pas besoin d'être attendus des années pour exprimer leur grandeur. Le 2001 fut pour moi le meilleur vin de la soirée. Le vieillissement peut être intéressant au niveau de la texture et de tannins, mais, si ces vins sont résolument sudistes par leur richesse et leur onctuosité, les tannins sont doux et enrobés dès la mise, surtout dans les bons millésimes. Je ne trouve pas que ces vins acquièrent au vieillissement une évolution qui les sublime. La pureté fruitée de la jeunesse me séduit plus que les notes évoluées, mais pas toujours nobles, du vieillissement. Cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas vieillir, le 95 l'a prouvé, mais je me demande si le vieillissement leur apporte vraiment quelque chose de plus. Clos Mogador 2001 peut-il être meilleur dans dix ans que maintenant ? La question reste posée !
Personnellement, je continuerai à acheter des vins du Priorat, Clos Mogador en particulier - je suis d'ailleurs reparti avec quelques bouteilles du 2001 - mais je ne les réserverai pas à la longue garde, sauf une bouteille, pour voir.
Bravo et merci à l'Oenothèque de la Treille qui a organisé cette exceptionnelle dégustation, suivie d'un excellent repas, pour un prix très modique.
Yves Zermatten