Comme sans doute beaucoup d'entre vous, c'est avec le millésime 1998 que j'ai commencé à augmenter significativement la part des vins du Languedoc dans mes achats. Je possède bien en cave quelques millésimes du Prieuré de Saint-Jean de Bébian, du Mas de Daumas Gassac, du Mas Jullien ou du Domaine Peyre-Rose antérieurs à 1998, mais rien de comparable en quantité à ce qui prévaut depuis ce millésime largement encensé par la presse spécialisée. Depuis quelques années, on lit cependant ici et là, et sur LPV en particulier, que ce millésime n'est sans doute pas aussi grand qu'on nous l'avait dit à l'époque et qu'il a été largement dépassé en qualité depuis.
Afin de clôturer en beauté un mois de février particulièrement riche en dégustations et en belles bouteilles, j'ai donc décidé de proposer, ce vendredi 29, aux membres de mon club de dégustation, de suivre l'évolution de neuf bouteilles issues de ce millésime en Languedoc. C'est parti !
Pour des raisons d'organisation (la dégustation ne se déroulant pas chez moi), les bouteilles ont été carafées à mon arrivée peu avant le début de la séance. Les dernières ont donc bénéficié d'un peu plus d'air que les premières... J'ai veillé à ce que la température de service ne dépasse pas les 16°. La liste des vins n'est pas connue au départ (sauf de moi bien entendu), l'étiquette est découverte après chaque bouteille.
1. Domaine d’Aupilhac – Montpeyroux – Coteaux du Languedoc 1998 - ***
La robe est brillante, encore jeune, d'intensité moyenne, avec ses reflets rubis. Nez agréable, sur la cerise, les fruits rouges, la pierre à fusil, le laurier et une note sanguine qui lui donne un côté sauvage. La bouche possède une belle fraîcheur, l'équilibre est là, le vin se boit avec plaisir malgré une certaine rusticité en finale et une longueur moyenne.
2. Prieuré de Saint-Jean de Bébian – Coteaux du Languedoc 1998 - *(*)
La robe est brillante, d'intensité moyenne, aux reflets rubis. Le nez présente manifestement un problème sérieux, même si on ne décèle pas de notes de bouchon, mais un côté végétal très désagréable, évoquant la cosse de petit pois, ainsi que pour certains des notes de chou-fleur. Tout le reste est à l'arrière-plan et difficilement analysable. En bouche c'est un peu mieux mais loin d'être au niveau attendu, la verdeur se retrouvant au niveau des tannins dont le toucher laisse à désirer, sur une longueur moyenne. Je ne peux exclure un problème de bouteille sur cet échantillon très décevant, même si les derniers CR lus sur LPV concernant ce millésime de Bébian ne m'incitent guère à l'optimisme...
3. Mas Jullien – Coteaux du Languedoc 1998 - ****
La robe est brillante, soutenue, jeune, aux reflets rubis. Très beau nez sur un fruité noir bien mûr, quelques notes animales et grillées, du chocolat de la violette, du bois de santal, avec également un petit côté mentholé. La bouche n'est pas en reste, la puissance étant très bien équilibrée par la fraîcheur, les tannins commencent à bien se fondre et la longueur est d'un très bon niveau. Une bien belle bouteille, qui au vu de son peu d'évolution et de son équilibre, a encore certainement une dizaine d'années devant elle avant de décliner.
4. Domaine Clavel – Copa Santa – Coteaux du Languedoc - ****
La robe est soutenue et encore bien jeune. Le nez étonne quelques dégustateurs par son côté fruit à l'alcool mais surtout par une note très prenante de chocolat noir, associés à la réglisse, l'écorce d'orange et le tabac. En bouche, la grande force alcoolique est cependant bien domptée et l'équilibre est bien là, dans un style certes plus puissant que fin, peut-être même un peu too much pour certains, mais qui ne manque ni d'attrait ne de longueur. Il devrait continuer à bien évoluer dans les cinq ou dix prochaines années.
5. Domaine de l’Aiguelière – Côte Dorée – Coteaux du Languedoc 1998 - ****(*)
D'emblée, on est frappé par le nez évoquant une très belle syrah du Rhône septentrional, que j'aurais sans doute placé en Côte-Rôtie à l'aveugle, avec son fruité explosif agrémenté de quelques notes animales, de girofle, de violette et d'un boisé grillé particulièrement bien intégré. La bouche pourrait également facilement nous égarer plus au nord, tant la fraîcheur est ici intense, sans être excessive pour autant, donnant un équilibre plutôt axé sur la finesse, mais accentuant également légèrement la sensation tannique, toujours bien présente à ce stade, mais qui commence à se fondre par rapport à mes dégustations précédentes de cette remarquable bouteille, en pleine forme actuellement.
6. Mas de Daumas Gassac – Vin de Pays de l’Hérault 1998 - ***(*)
Le nez semble assez peu expressif, sur des notes de cerise, de tabac, avec une petite pointe végétale, ainsi que des notes plus élégantes de cèdre et d'épices. En bouche, c'est la fraîcheur et les tannins qui dominent légèrement l'équilibre à ce stade, sans devoir porter préjudice à la bonne évolution de ce vin de bonne facture (du moins si on l'a acheté au prix primeur...
), qui se présente dans un style plus fin que puissant, peut-être un peu trop fin pour certains qui le trouveraient même à la limite de la minceur.
7. Domaine de la Grange des Pères – Vin de Pays de l’Hérault 1998 - *****
Dès l'examen du nez, on est conquis par ce mélange de complexité et de finesse qui se dégage avec ses notes de fruits rouges frais, de chocolat, de poivre, de truffe et de tabac, avec un côté légèrement viandeux lui apportant une touche sauvage qui n'est pas pour me déplaire. La bouche est la hauteur des espérances apportées par le nez, avec la fraîcheur typique du cru, des tannins fins en voie d'être fondus, un équilibre exemplaire et une finale fraîche et très longue, qui en font le plus beau vin de la soirée. Grange des Pères est et reste décidément mon Languedoc préféré et ce n'est pas ce 1998 qui semble avoir désormais quitté sa phase d'austérité qui me fera changer d'avis.
8. Domaine Moulinier – Terrasses Grillées – Saint-Chinian 1998 - ****(*)
La robe ne s'est pas encore départie de ses atours de jeunesse et nous invite à venir humer ses parfums. Et c'est là que je suis pris d'une furieuse envie de m'écrier putain, quel nez ! Je suis cependant rapidement remis sur le droit chemin par ma voisine de table qui me rappelle qu'une telle exubérance (je parle du nez, pas de moi), qu'une telle explosion de parfums et de plaisir immédiat ne peut s'accommoder avec l'éducation judéo-chrétienne qui a été la nôtre et qu'un minimum de retenue serait de bon aloi. Tout ce la pour dire qu'elle le trouve un peu too much ce nez de fruits noirs, d'épices poivrées, de girofle, de violette, de truffe, avec ses notes grillées et torréfiées. Moi j'aime ça et j'irai faire pénitence dès demain. La bouche fait quant à elle l'unanimité car sa grande fraîcheur lui évite toute lourdeur, son soyeux de texture, son équilibre et sa longueur, tous de haut niveau, finit de me convaincre qu'on se trouve en face d'une superbe bouteille.
9. Domaine Peyre-Rose – Clos Syrah Léone – Coteaux du Languedoc 1998 - ****(*)
La robe est intense, toujours très jeune. Le nez est sauvage, animal, agrémenté de réglisse, de poivre, de fruits noirs très mûrs, de fumée et de goudron. En bouche, l'équilibre est placé très haut, entre une puissance considérable et une heureuse fraîcheur, des tannins encore assez présents mais bien mûrs et d'une très belle texture tout au long d'une finale qui s'étire très longuement pour notre plus grand plaisir. Un superbe vin, qui n'en est encore qu'à ses balbutiements.
Au final, hormis le Bébian, une dégustation de haut niveau qui rassure totalement quant à la qualité du millésime 1998, même si la sélection est ici plutôt "haut de gamme". Les vins possèdent encore tous des robes jeunes et ne montrent aucun signe de fatigue. Ils semblent sortis de la phase un peu ingrate dans laquelle ils se trouvaient il y a quelques années et devraient nous ravir pour encore de nombreuses années.
Et vous, quelles sont vos expériences récentes avec ces 1998 languedociens ?
Luc