Rencontre avec Pascal Quenard
Après une arrivée impeccablement ponctuelle des tous les participants, la petite troupe est au complet pour filer gentiment depuis le péage de Chignin jusque chez Pascal, au cœur du Hameau du Villard, véritable fief de l’appellation.
Après quelques mots d’accueil et diverses salutations, nous avons simplement le regret de ne pouvoir visiter immédiatement les vignes faute de visibilité car aujourd’hui le vignoble est tout entier dans une brume qui ne se lèvera hélas point de la journée.
Tous les vins qui ont été tirés de cuves la veille au soir, sont présentés à l’aveugle (y compris pour le producteur enthousiaste devant l’exercice du « blind testing ») ; et la dégustation commence logiquement par les jacquères 2005 du domaine Annick & Pascal Quenard.
Chignin, Pascal Quenard, C1, 2005 : Nez fermentaire de levure et de citron, l’acidité y trouve un bon équilibre avec des touches fumées et exotiques. Pas très gras, légèrement perlant et de bonne longueur. Nous apprendrons ensuite qu’il est issu du secteur Brugnon qui est un peu moins bien placé que les toutes meilleures parcelles. Bien
Chignin, Pascal Quenard, C2, 2005 : Le nez toujours fermentaire est complété par l’amande, le dessin est plus précis et tendu avec un équilibre très alcalin, très salin. La matière est belle, l’équilibre un peu trop vif mais le vin semble dans une période austère et restera le plus fermé de la série. Bien – Très Bien
Chignin, Pascal Quenard, C3, 2005 : Ici le nez est plus net, toujours réduit mais avec un caractère fumé et minéral bien intégré à l’ensemble. Le pain grillé et le levain se disputent la bouche et le vin termine tout en longueur, avec de la fraîcheur. Très bien et mon vin préféré parmi les quatre même si l’on apprend qu’il est issu d’un secteur moins bien exposé.
Chignin, Pascal Quenard, C4, 2005 : Le nez est magnifique et embaume la fleur de vigne. La matière est toujours riche et perlante mais possède une grande finesse constitutive. A l’aération, cette cuvée prend des notes lactique et beurrée intéressantes. La cuvée la plus pure qui est issu du meilleur coin de la commune : La partie médiane du coteau en exposition plein sud et avec des vignes centenaires. Très Bien aujourd’hui et sans doute la meilleure lorsque l’élevage sera complètement terminé…
Fort bien mis en bouche, nous poursuivons par l’objet même, le véritable pourquoi de cette journée : Le Bergeron. Deux vins de Raymond Quenard (le père de Pascal) ont été placés dans la série mais sont hélas identifiés bien vite car ils ne présentent aucune trace de CO2 et sont servies à une température un peu plus élevée. Nous apprenons non sans une certaine émotion que 2005 sera le dernier millésime portant les étiquettes du Domaine Raymond Quenard qui goûtera enfin une retraite bien méritée. Salutation à l’homme, au précurseur qui s’est dévoué 27 années pour le Bergeron de Chignin et qui y a sans doute cru un peu plus que les autres.
Chignin Bergeron, Pascal Quenard, B1, 2005 : Nez d’abricot et de pêche des vignes. Seule cuve où il reste des sucres résiduels (4g) car la vendange est issue d’une deuxième trie, plus tardive. La maturité est très bonne, La structure grasse évoque le beurre salé. L’archétype du Chignin Bergeron comme on se l’imagine. Bien et déjà près à boire.
Chignin Bergeron, Pascal Quenard, B2, 2005 : Les fruits du vin précédent sont ici complétés par des fleurs blanches et la résultante gagne donc en complexité. La structure est moins grasse et perlante et la matière semble un peu plus faible mais le vin est un modèle d’harmonie et de complexité aromatique. Excellent et fort heureux d’apprendre qu’il s’agit d’un assemblage de toutes les cuves du domaine à parts égales. Comme quoi, l’union fait la force !
Chignin Bergeron, Pascal Quenard, B3, 2005 : Celui ci se présente un peu moins bien avec une expression variétale du cépage et un manque d’élégance. Il ne possède ni la rondeur du premier (B1) ni la complexité du deuxième (B2) mais cependant, la matière restera la plus dense et riche de la série avec un degré d’alcool haut (15,2) qui n’est pas encore tout à fait intégré. Bien seulement et j’avoue que j’avais décelé l’expression des plus jeunes vignes de Pascal (Cinquième feuille cette année) qui rentre dans l’élaboration de la cuvée Noé depuis le millésime 2004. Pascal qui est plutôt d’accord avec cette analyse me précise qu’il reste confiant et qu’à plusieurs reprises, il a bien mieux dégusté cette cuve.
Chignin Bergeron, Raymond Quenard, B4, 2005 : Un peu déçu par ce vin qui est certes desservi par une température de service un rien trop élevée qui alourdit l’ensemble. Aucun défaut technique mais un résultat un peu plus neutre que pour les vins précédents. Assez Bien pour les jeunes vignes de Raymond.
Chignin Bergeron, Pascal Quenard, B5, 2005 : Matière superbe, riche, fruitée et grande fraîcheur pour cet échantillon ci. Il sonne un peu comme le premier mais en mieux, en plus complexe. Très Bien et à nouveau un assemblage de la parcelle des Chevrons (B7 à venir) et du second passage dans les vignes (B1).
Chignin Bergeron, Raymond Quenard, B6, 2005 : On reconnaît tout de suite le style de Raymond avec un côté fumé et caramel bien présent. Même si la température de service n’est pas idéale, la note de menthol, toute en fraîcheur rehausse l’ensemble. Cet échantillon est très au dessus du B4 et je me ferai un devoir d’acheter un carton de cette cuvée VV qui comme précisé plus haut sera le dernier millésime de Raymond. Très Bien
Chignin Bergeron, Pascal Quenard, B7, 2005 : Arômes bizarres de réduction et de champignon mais qui s’estompent à l’aération. La bouche n’est pas très nette comme si le vin n’avait pas encore trouvé ses marques et chercher son équilibre. Toutefois, on perçoit de la race dans ce beau jus qui a besoin de beaucoup d’aération pour s’exprimer. Bien mais en deçà de l’expression habituelle des vieilles vignes de la Parcelle Chevrons (plantées en 1930). Le bien bel assemblage B5 semble indiqué que cette cuve n’a pas encore dit son dernier mot !
Chignin Bergeron, Pascal Quenard, B8, 2005 : A nouveau une expression plus variétale et puissante qui rappelle un peu l’échantillon B3 en plus maîtrisé, plus bridé, plus complexe aussi. Un must de ce que l’on peut trouver sur la commune et il aurait même été le plus beau de toute la matinée s’il n’y avait eu Grande Orgue 2000. Excellent et il s’agit en fait de l’ébauche de la future cuvée Noé (B3 + B7 + B1).
Chignin Bergeron, Pascal Quenard, B9, 2005 : On termine sur un échantillon plus fermé, un peu plus vert, moins expressif avec de la réduction et du gaz mais il cache bien son jeu et l’aération lui fait plus que du bien en domptant son caractère minéral très marqué. Bien pour la cuve issue du premier passage dans les vignes (avant la récolte de B1 qui présente plus de maturité).
On continue ensuite sur deux millésimes plus anciens dégustés à l’aveugle, juste pour voir si l’on ne tombe pas trop loin.
Chignin Bergeron, Pascal Quenard, 1999 : Le nez est superbe avec un profil aromatique riche de fenouil, fumé et minéral. Avec ce millésime le temps des fruits est dépassé pour entrer dans la phase d’apogée mais la bouche est moins engageante que le nez avec un équilibre un peu incertain qui trahit une année moins parfaite. De la race mais le millésime ne permettait guère mieux même si j’ai un meilleur souvenir du 1999 de Raymond dégusté en mai dernier. Bien
Chignin Bergeron, Pascal Quenard, 1991 : Beaucoup de pureté malgré les premières traces d’évolution oxydative. La palette est très riche : Epices douces, térébenthine, tabac avec un fumé noble. L’évolution sur le miel et la cire d’abeille gêne quelques dégustateurs mais personnellement, je reste conquis par ce résultat, et encore plus en apprenant qu’il s’agit du bien difficile millésime 91. Bien même si cette année se situe qualitativement en dessous des 90 et 92 de Pascal, encore insolents de jeunesse en mai dernier.
Il nous reste à présent un petite ½ heure pour ouvrir quelques bouteilles d’autres producteurs, juste pour compléter l’interprétation du terroir de Chignin par d’autres Maestro. La même partition donc mais avec des compositeurs différents.
Chignin Bergeron, Berlioz, 2002 : Hélas, triple hélas, l’échantillon est irrémédiablement bouchonné et nous ne pouvons même pas partager ce qui reste le plus beau millésime de Berlioz, par ailleurs un très bon ami de Pascal. Echantillon défectueux.
Chignin Bergeron, Compard, 2002 : La « cuvée des amis » de Compard est une rareté. Mais sa confidentialité n’est malheureusement pas à la hauteur puisque après un beau nez, pur et engagent, la bouche de bonbon et d’hydromel (Merci à Pat qui a identifié l’arôme que j’avais sur le bout de la langue) est plutôt neutre, marquée par le sucre (doucereux) et l’acidité qui trace légèrement déséquilibre quelque peu l’ensemble. Moyen
Chignin Bergeron, Louis Magnin, Grande Orgue, 2000 : Il s’agit d’un vin élevé en barrique mais les notes d’élevages sont complètement imperceptibles. Un seul mot pour décrire ce jus : la complexité, avec peu de fruits mais plutôt des épices, le minéral, très floral, fleur de cassis et pralin. Patrick s’interroge et nous dit qu’à l’aveugle (pour de vrai), il lui semble qu’on pourrait confondre avec l’expression d’un Hermitage rouge ! Un équilibre puissant mais sans violence, toutes les forces sont ici complètement intégrées. Sublime et hors classe. Un immense merci à Louis Magnin qui a gracieusement offert ce nectar, spécialement pour notre journée de dégustation alors que je venais chez lui pour la toute première fois. Bravo l’artiste !
Chignin Bergeron, Louis Magnin, Grande Orgue, 2003 : Un millésime plus récent et surtout moins classique que j’ai directement sorti de ma cave pour faire apprécier l’interprétation solaire du millésime de canicule. Très épicé et plus chaud que le 2000, il impressionne par sa puissance non dissimulée et sa démesure. Bien. On peux noter que le millésime 2003 se comporte bien mieux à table qu’en dégustation pure comme nous le verrons un peu plus tard dans la journée avec une bien belle Bergeronnelle 2003 vinifiée par Jacky Quenard.
Il est temps en cette fin de matinée d’adresser un sincère et non moins énorme MERCI pour le sublime accueil de Pascal, toujours malicieux avec son sourire au coin des lèvres, et emprunt d’une générosité non dissimulée.
A suivre…