mardi 25 décembre 2012
Tout a déjà été dit sur cette nouveauté des dolia. C’est cependant à replacer dans le contexte du domaine.
Notre philosophie, je l’ai déjà dite et redite ici-même. Mais il convient de la redire pour faire sentir la logique globale de la démarche.
Notre travail à la vigne vise à l’expression la plus pure du terroir supprimant toutes les actions qui peuvent le masquer ou en donner une interprétation faussée.
Ainsi, rognage, effeuillage et vendange verte, ont été bannis. Les vins sont issus d’équilibres naturels des pieds de vigne.
La biodynamie, instrument et moteur de cette philosophie permet d’obtenir des vins ayant une expression à la fois plus minérale, une plus grande pureté aromatique et un équilibre différent.
La vinification vise à respecter cette volonté pour la transformation du raisin en vin. Ce n’est presque plus qu’une simple infusion que nous réalisons, loin de la technologie ou des modes ; voire des technologies à la mode.
Le passage à l’élevage se fait maintenant en ayant supprimé les fermentations malo-lactiques en barriques car j’estimais qu’elles n’allaient pas dans le sens de cette pureté recherchée.
L’arrivée des dolia s’inscrit donc dans la continuité du travail réalisé depuis le terroir.
On va chercher à maintenir cette pureté aromatique sans la masquer par un excès de bois.
La proportion de bois neuf a été réduite dans les derniers millésimes.
On reste donc à 50% de bois neuf. Les dolia vont remplacer une partie des barriques de un vin.
50 dolia ne représentent cependant qu'une proportion assez faible de la production.
Nous travaillons sur la question depuis le millésime 2009; d'abord avec un élevage dans une de nos cuves de 80 hl. Mais la taille de ces cuves était trop importante pour avoir une bonne évolution des tanins du vin. La pureté du fruit était respectée mais au prix d'une évolution trop faible des tanins. L'épaisseur de la paroi était trop importante et le volume trop élevé. La surface d'échange progresse moins vite que le volume de la cuve quand on va vers des cuves de plus grande taille. C'est un intérêt de la barrique qui a une bonne surface d'échange par rapport à son volume.
C'est pour cela que sont arrivées 10 cuves de 6 hl en béton. L'épaisseur de la paroi était plus faible et le volume de seulement 3 barriques.
La forme très médiatique nous importait peu car on ne fait pas d’élevage sur lies.
On a fait des tests sur le millésime 2010, en comparaison aux cuves. Nos attentes se sont concrétisées.
On conservait la pureté du fruit tout en ayant une bien meilleure évolution tannique.
Et on a décidé de franchir le pas, il y a un an. J’ai dessiné une cuve nouvelle et nous avons fait construire le moule, qui de ce fait nous appartient.
La forme de la cuve a été réfléchie. Une forme évasée en partie basse privilégie le gras dans le vin, car il y a plus de surface de contact avec les lies. Une partie basse plus resserrée laisse les vins plus tendus. Cela risque aussi de faire réduire les vins par un entassement des lies. La forme choisie est un équilibre entre les deux versions, gras et tension.
Elle a aussi l’avantage d’être équilibrée visuellement.
Même si ce n’est pas fait exprès, sa hauteur divisée par son diamètre moyen est pratiquement au nombre d’or (1,60). C’est pour les puristes…
Pendant ce temps, les œufs ont eu un deuxième millésime, le 2011. On a pu tirer de nouveaux enseignements de cet élevage et faire évoluer le projet en conséquence.
J’ai pris contact avec un maçon local qui avait aussi une bonne expérience dans les cuves béton traditionnelles. Après avoir été un peu effrayé par ma demande, il a finalement accepté le challenge ; non sans avoir conservé une certaine angoisse !
Nous ne voulions pas que l’information circule avant les cuves ; comme c’est souvent le cas par exemple quand les gens communiquent sur la biodynamie avant même d’avoir commencé; tout en disant qu'ils le font pour le vin..
Deux cuves ont été moulées au printemps, pour être remplies en début d'été.
En septembre, après dégustation des vins, la production a été lancée.
Je voulais aussi lier les cuves au terroir de Pontet-Canet ; qu’elles en aient la mémoire.
Pour cela, la moitié des cuves a reçu dans le béton, au moment du moulage, du calcaire provenant de notre meilleur terroir argilo-calcaire et où nous produisons le meilleur merlot du domaine.
Ce calcaire a été broyé pour l’intégrer au béton.
L’autre moitié a reçu des galets de graves que j’ai ramassé un à un sur la croupe de Pontet-Canet en respectant la diversité des couleurs pour avoir tous les types de graves du domaine.
Le maçon m’avait donné la taille maximale admissible pour des cailloux entiers. Je ne voulais pas broyer les graves, étant persuadé qu’elles émettent une énergie. N’est-ce pas Luc ?
Enfin, pour le badigeon extérieur, j’ai pensé que le gris traditionnel était un peu triste. On lui a préféré du ciment blanc dans lequel on a ajouté de l’argile orange. Cette argile provient d’une lentille de quelques mètres carrés repérée entre deux parcelles pendant mes tours dans le vignoble.
Plusieurs argiles ont été essayées mais c’est celle-là qui a été choisie. Il a fallu la purifier car naturellement, cette terre argileuse contient 50% de sable alors qu’on pense qu’il s’agit d’argile pure.
Calcaire, Argile et Graves représentent 3 éléments (Terre, Eau et Feu). L'Air c'est tout simplement celui qui traverse la paroi poreuse pour aller rencontrer les tanins. Ainsi, on retrouve bien les 4 éléments. Ouf!
Actuellement, 48 des 50 cuves fabriquées ont été livrées ; les deux dernières le seront au début janvier car elles n'étaient pas assez sèches..
Dès la rentrée, on va les préparer puis les remplir. D’abord avec des lots séparés puis avec l’assemblage lorsque celui-ci sera réalisé. Les vins de Merlot iront préférentiellement dans les cuves contenant du calcaire. Les autres sont pour le Cabernet Sauvignon.
Voilà, pour la précision demandée…
Jean-Michel Comme