Bonjour,
ces questions tournant autour du "fameux" millésime 2003 en jurançon et du sec Clos Marie en particulier de Charles Hours sont passionnantes et aussi un cas d'école.
Pour rappel :
Selon le décret d'AOC Jurançon sec du 17 octobre 1975, le rendement de base est fixé à 60 hl/ha (40 hl/ha pour le moelleux). Le vin doit provenir de moûts récoltés à bonne maturité (187 g/l minimum de sucre contre 212 pour le moelleux) et présenter un titre alcoométrique naturel minimum de 11°. Sauf dérogation, le vin fini doit présenter une teneur en sucre résiduel maximum de 4 g/l (35 g/l minimum pour le moelleux).
Il ne peut donc y avoir de vin de jurançon comportant plus de 4 g de sucres résiduels mais moins de 35 g.
Certains, parmi les anciens, évoqueront la dégustation d'excellents jurançons demi secs d'avant1975 et notamment le fameux « Clos Joliette ».
On peut se questionner sur les contraintes nées se ce nouveaux décret.
A diverses occasions liées à la nature du millésime, un vin blanc peut se situer entre moelleux et sec.
Aussi, imposer contre nature un vigneron à « normer » son vin pour des raisons administratives peut apparaître pour certains puristes comme une hérésie et une atteinte aux valeurs du Terroir.
En présence d’un millésime caniculaire comme 2003, atypique pour le cycle végétatif, certains vignerons de jurançon ont pu regretter de ne pouvoir élever des demi-secs en présence de degrés alcooliques importants.
Aussi, après s’être sûrement posé la question en cours d’élevage, c’est le choix intelligent qu’à opérer Charles Hours.
Il a considéré qu’à déjà 15° d’alcool, son Clos Marie pouvait supporter quelques grammes supplémentaires de sucres résiduels.
Il s’est donc volontairement situé hors appellation et a choisi de déclasser son vin en « vin de Table ».
J’avais eu la chance de déguster ses 2003 en cours d’élevage au domaine. Je n’ai pas eu l’opportunité de regoûter ce sec 2003 depuis. Par curiosité, je vais le faire. Mais, on ne peut appréhender ce vin qu’en le rapportant à l’histoire de Jurançon et à celle de ce drôle de millésime. Peu de dégustateurs ont en effet des éléments de comparaison sur des demi-secs à Jurançon. Je pense qu’il convient d’attendre plus d’une décennie pour se faire une opinion définitive sur une telle curiosité.
Par ailleurs, et hors sujet par rapport au propos, dans mon souvenir, au domaine le grand millésime 2001 avait souffert en cave de l’été caniculaire, Charles Hours avait produit de somptueux 2002 moelleux dans un millésime de vigneron. Peut être les meilleurs du millésime, au moins sur Monein.
J’étais surtout resté « à l’arrêt » en 2003 en dégustant avec un de ses stagiaires un millésime sec du milieu des années 90, (à l'image du millésime 1993 de JB larrieu lors de la même visite) ; le vin présentait une robe jaune dorée avait des arômes olfactifs sucrés évoquant le miel sec, les fruits exotiques et la truffe. En bouche il était vif, avec cette belle acidité des mansengs, étonnamment sec, tendu et droit. Une pure merveille avec une longue finale sur de délicats amers.
Jurançons secs, des vins que l’on n’a pas souvent la volonté d’attendre et que l’on mésestime à tort par purisme à force de vouloir les comparer aux historiques moelleux qui restent des vins d’exception!
Charles Hours est un grand formateur. Il vous fera comprendre les spécificités des vins de Jurançon, en vous expliquant, outre les facteurs climatologiques, (précipitations et vent Balaguer), la nature des sols, les spécificités des cépages mansengs, le travail parcellaire, le travail à la vigne et la sélection massale, la très grande importance de l’eau et du drainage des sols dans la viticulture de Jurançon.
Il a initié les jeunes talents comme Sébastien Bordenave-Coustarret (Lasseube) pour son travail à la vigne, les frères Bordenave du Domaine Montesquiou, que je ne saurai vous recommandez, le premier pour sa recherche permanente de l'élégance et de la finesse, les seconds pour la richesse et la complexité mais aussi l'équilibre de leurs vins produits sur le territoir de Monein.
Pour ceux que cela intéressent en matière de Bibliographie, je les renvoie aux publications suivantes :
« Jurançon, un vin d’hier pour aujourd’hui », Jean Loubergé, J&D Editions, 1993.
« Vignobles du piémont pyrénéens », J Delfaud, Editions les feuilles du pin à crochet, (pour le fantastique travail du Professeur Delfaud de l’université de Pau)
« Le Rouge et le Blanc » et La RVF ont repris dans leurs articles sur Jurançon les travaux de ce dernier accompagnés de notes de dégustation.
Lilian Colin