Verticale château Grillet vins jeunes – 21/06/07
Château-Grillet dans tous ses états :
Une dégustation inédite, pour un vin réputé (dont l’aura s’accompagne de polémiques) mais rarement dégusté ou même commenté.
Les vins :
Château-Grillet 2002 : 16+/20 – 21/6/07
Robe brillante aux reflets verts. Nez délicat, bien mûr, avec un poil de réduction (où est-ce le terroir et/ou l'élevage ?), d'influence marine. Il transporte des senteurs intéressantes d'iode, de fleurs, d'amande, d'agrumes, de minéral. Bouche grasse, dense, fine, qui annonce sa classe sans tapage (car le vin n'est pas prêt à boire) par une longueur certaine. Il n'y a pas d'explosion gustative mais un fuseau bien dirigé, aux goûts nets (aux flaveurs décelées au nez s’ajoutent des notes de fruits blancs, de réglisse, de guimauve et de rose propres au cépage, mais ici sans aucun caractère variétal). Boisé (légères notes lactées) et alcool bien dosés. La cohérence entre le nez et la bouche est remarquable. On commence dès le premier vin à deviner la spécificité attachante de ce cru.
Château-Grillet 2001 : 15,5+/20 – 21/6/07
Nez plus débridé que celui du 2002. La gamme aromatique est la même, en plus développé : minéral, fruits blancs, agrumes, abricot, fleurs de pommiers, miel. La bouche s'exprime plus en puissance (alcool plus sensible) : elle s'avère plus large mais également moins longue. Elle est en tout cas servie par sa complexité, sa saveur imprégnante. On peut ici penser à un Hermitage ou à un Condrieu (sans notes caricaturales toutefois).
Château-Grillet 2000 : 18/20 – 21/6/07
Robe aux subtils reflets verts. Nez plus viril, réduit/grillé, très "infusion de roche". Exhalaisons complémentaires (récurrentes) de miel, d'amande, de fleurs de vergers, de tilleul, de menthol. En bouche, ces goûts fins et complexes sont finement architecturés. On profite d'une magistrale amplitude minérale et fruitée (jus d'orange, grenade), la générosité n'excluant nullement la rectitude. Un grand vin, à la finesse ultime, sûr de lui, parfaitement sculpté.
Château-Grillet 1999 : 14/20 – 21/6/07
Nez proposant des senteurs de minéral, de végétal (fougère), d'amande, de fleurs de citronnier. Caractère appuyé, dans un registre austère (on peut penser à un Chablis ou à un Muscadet). La bouche, plus simple, citronnée, déçoit : elle est étriquée, dure, courte. Sa sapidité est relativement épargnée mais il semble que le domaine ait récolté une vendange manquant de maturité (Chave blanc 99 est lui grandiose).
Château-Grillet 1998 : 18,5/20 – 21/6/07
La livraison aromatique est celle d'un viognier littéralement magnifié, racé, unique : des notes muscatées éblouissantes (pêche, rose, abricot, pêche abricot), fumée, bâton de réglisse, fusent du verre. On se croirait en Alsace avec ces notes fruitées tellement girondes en liberté (réduction et minéralité plus en sourdine). En bouche, c'est un développement d'un équilibre souverain, qui monte brillamment en puissance. Elégance florale et panier d'épices délicatement grillées. Tout est en place sur une grande longueur, rien ne déborde. Tenue en bouche magique pour ce vin à part, lumineux.
Château-Grillet 1997 : 15/20 – 21/6/07
La robe commence à doucement jaunir. Le nez, nettement plus limité, ressemble à celui du 1999 : il conjugue amande, fumée, agrumes et pierre à fusil. Bouche peu charnelle pour le coup, axée sur une colonne vertébrale acide relativement abrupte (mais ici sans verdeur). Fraîcheur et austérité pour ce vin auquel on s'acclimate malgré tout facilement, même s'il ne consent pas vraiment à "se mettre à table". Belle personnalité et finale sur l'acidité.
Rappel :
Château Grillet 1997. Notes entre 14 et 15 – déc 1999 (cr par Pierre Citerne)
Belle robe très pâle, mais grasse, dotée de curieux reflets rosés. Nez expressif et capiteux, muscaté, abricoté, pêche blanche, puis des notes plus lourdes de parfumerie, on retrouve le viognier. Bouche indéniablement concentrée, fortement acide, mince, austère, mais sapide et longue. Ce vin se goûtait mieux après une nuit en carafe fermée, il était un peu plus exubérant aromatiquement et moins sévère en bouche.
Château-Grillet 1996 : 14,5/20 – 21/6/07
Nez littoral avec ce mélange désormais mieux connu d'agrumes, de minéral, de fleurs. Peu expressif et un poil disgracieux (mais j'aime bien ce style). En bouche, on trouve une acidité dominante associée à une belle tension minérale. Les flaveurs sont plus simples (citron) et la longueur moyenne. Il reste en surface mais il a du goût toutefois.
Château-Grillet 1995 : 16/20+ – 21/6/07
Encore de la retenue aromatique dans un panel muscaté, iodé, miellé. L'abricot pointe ici sous forme d’un fruit pas trop mûr. Senteurs supplémentaires d'ananas, de réglisse, de fruits blancs, d'épices (genièvre, cumin, girofle sont difficiles à discriminer). Un style ici encore différent (mais avec la griffe maison), compact, résolument blindé. Bouche de grande concentration, constrictive, valorisée par une réelle noblesse d'amertume. Cette sève d'une puissance rare (qui a tout de même plus de 10 ans) attend encore un futur épanouissement. Sa garde est stupéfiante.
Note : le vin s'est mieux dégusté dans l'après-midi (il semble s'être curieusement recroquevillé). Il était alors particulièrement frais et savoureux (Chave blanc 95 fut énorme aussi, dans un style plus délivré).
Château-Grillet 1994 : 17/20 – 21/6/07
Le vin produit des notes vraiment jeunes, dans un registre réduit, très minéral. Le nez est donc encore une fois spécifique, plutôt ébouriffant : réglisse blanche, mirabelle, agrumes, rose, pomme, poire, poivre blanc (on se sent un peu en Alsace, de nouveau). Bouche à la fois exigeante et libérée, capable d'une percussion conséquente (elle me rappelle le formidable Gewuztraminer Hengst 2003 de Zind-Humbrecht, au caractère puissant et sec). Gros tempérament pour un vin carré qui possède encore un fort potentiel.
Château-Grillet 1993 : 14,5/20 – 21/6/07
Ingratitude olfactive, réduction marquée. Approximation, pesanteur et quelques notes plus diffuses sont concédées : fruits blancs, pierre chaude, citron lacté, réglisse. Bouche clairement plus neutre, très gainée (à la limite de la raideur).
Château-Grillet 1992 : 12,5/20 – 21/6/07
Un nez qui se distingue de tous les autres, pittoresque, véhiculant des odeurs balsamiques en diable (résine, eucalyptus, lavande, romarin). Le citron s'adjoint dans une matière assez acide, trop expéditive. les arômes interpellent mais la bouche n'est pas en mesure de suivre, dommage ! Le vin de loin le plus décevant de la série, avec une matière effondrée.
Château-Grillet 1991 : 16,5/20+ – 21/6/07
Nez réduit, minéral, dont on devine la force sous-jacente. C’est un puits de senteurs : rose flétrie, citron confit, menthe fraîche, propolis (comme un beau Corton-Charlemagne qui sentirait l'abricot sec). Bouche performante, sapide, stable. Elle ressemble un peu à celle du 1995 avec plus de générosité aromatique. Ici encore un vin (pourtant déjà âgé) qui donne l'impression de ne pas encore avoir donné son maximum.
Château-Grillet 1990 : 15,5/20 – 21/6/07
On passe ici dans une gamme plus tertiaire en raison de ces notes de rose, d'abricot confituré, de citron, d'épices, de lavande, de fumée, mêlées à des odeurs plus vieilles de cire et de champignon. Le vin est capiteux, corsé. Cette matière à la maturité prononcée, moins calibrée "Grillet", qui a tendance à se prélasser, est donc riche et parfumée mais malheureusement passablement alanguie. La précision, la percussion et pire la longueur sont un peu oubliées.
Conclusion :
- Contrairement à ce que l'on pouvait craindre en fonction des rares bruits qui courent sur ce vin (et en fonction de la seule dégustation du 1997 il y a déjà quelques années), nous avons découvert avec bonheur un vin de haut niveau en effectuant une dégustation décapante (la suite en juillet 2007, avec des vins plus âgés)
- Quelques remarques :
- L’austérité est relative, intégralement au service du vin (et de sa longévité).
- On y retrouve un réjouissant fonds commun (attirail aromatique muscaté, minéral, végétal (noble), accents sudistes) avec des variations aromatiques et structurelles appréciables.
- Il y a donc une vraie signature et les spécificités des millésimes (ce qui ne rend jamais le parcours lassant), avec l’impression que le vin ne cherche pas à tout prix à plaire
- Château Grillet est un vin d'esthète (même la forme et la couleur de la bouteille sont originales), à mettre en scène (il réclame je crois un minimum d'attention). Un vin de bouche (de table), net, salivant, fort mais merveilleusement délicat, savoureux
- Ces terrasses rhodaniennes granitiques en cirque sont un lieu de véritable consécration du viognier en permettant :
- Un micro cru à part, méconnu, sensible, sans esbroufe, singulier, impactant, au long cours, nullement caricatural
- Un viognier ciselé, spécial, qui sait se minéraliser, se fortifier, se complexifier, résultat d’un travail incomparable sur un cépage pourtant peu souvent coopératif
Des variations fréquentes entre am et soir (elles seront transmises dans le cr global).