Le plaisir simple et intense d’une rencontre entre passionnés[size=medium][/size]
Tout commence par un simple mail au domaine Charvin pour commenter un CDR04 dont l’amertume en fin de bouche m’a surpris et demander si les CDP04 sont actuellement en vente. Ayant eu le privilège d’en obtenir en 2003, j’annonce mon espoir d’en obtenir de nouveau cette année.
La période étant propice aux infos divergentes sur 2006, j’en profite pour demander à Laurent Charvin comment ce millésime a été vécu dans le Rhône.
Bonne surprise, enfermé à l’intérieur par des pluies importantes la semaine passée, Laurent me répond quasiment de suite et me parle de ce millésime 2006 parti sur les chemins de la réussite.
Venant dans le Rhône cette semaine, nous convenons de nous appeler afin de passer au domaine et, plaisir rarissime, Laurent Charvin me propose de me faire ma propre idée en goûtant avec lui les 2006 en cuve. :)o
Arrivée en fin d’après midi après une journée de travail. Je retrouve sans problème le chemin de terre qui part à droite dans le chemin de Maucoil à hauteur du vieux tracteur qui garde l’entrée du domaine. Pour les amateurs de grands châteaux, de tours, de meurtrières et de créneaux, passez votre chemin, il n’y a rien à voir. Pour les amateurs de vins, c’est 100 mètres plus loin à droite ! ! !
Mon bloc note étant resté dans la voiture, je narrerai ici ma visite et mon ressenti et non un compte rendu analytique de chaque vin dégusté.
Nous goûtons ensemble les 2004. Le CDR me semble un peu différent de celui bu quelques jours plus tôt. Ayant été débouchée un peu plus tôt, ceci explique sans doute cela.
On retrouve cette bouche fine, avec du fruit, un peu de cerise, du noyau et une belle fraîcheur et une belle acidité et cette pointe d’amertume qui me trouble. On en discute ensemble et Laurent Charvin me dit que l’amertume est une chose qui ne le gène guère (je pense avec l’expérience que j’y suis sensible ++) mais qu’il comprend que certains y soient plus sensibles tout en faisant remarquer à juste titre que la combinaison acide/amertume emmène et étire ce vin en finale. C’est très vrai. Ca reste un vin superbe, un vin qui peut toutefois faire de l’ombre à nombre de CDP travaillés différemment.
Nous goûtons ensuite le CDP04. Quel beau vin !
Passant derrière le CDR, on est immédiatement frappé par l’équilibre qui se dégage au nez, cette complexité. Le vin est clair, il offre en bouche une suavité, un équilibre, une rondeur remarquable. Rien ne dépasse. Ni les tanins, ni le fruit, ni l’alcool, ni les épices. Même l’ amertume (ou ce que je ressens comme de l’amertume) est beaucoup moins isolée que dans le CDR . Amertume fruit et acide étirent ce vin sur de nombreuses secondes. Grand !
On continu à discuter, on rappelle quelques vieux souvenirs de l’époque où Yves et Claudius ont rendu visite à Laurent Charvin (je ne saurais que trop vous conseiller de vous replonger dans cette interview disponible sous la rubrique ad hoc pour mieux comprendre mon interlocuteur) et on en profite pour déguster sur cuve le CDP05.
Le style maison, les points communs des deux vins apparaissent de suite.
Rien dans ces vins ne vient vous submerger par une puissance plus ou moins maîtrisée.
On est dans un monde de finesse, de sensation, de subtilité. Non qu’il y ait dans ces vins un manque de matière mais la sur-extraction n’est pas le credo de notre homme. Ici, on cherche le fruit juste, l’harmonie.
Ce 2005 offre un nez très plaisant. Instantanément, en y plongeant le nez, me remontent en mémoire des souvenirs de bonbons de mon enfance. Je n’arrive pas à identifier les arômes mais c’est plus mur, plus fruité, plus bonbon que le 2004. Ici, la sucrosité du grenache sur ce millésime est nettement apparente.
L’entrée en bouche est plus volumineuse que sur le 2004, tout aussi ronde et lissée mais plus intense. Ce volume supérieur amène une sensation moins intense en deuxième partie de bouche avant que la finale ne s’étire.
Là encore, on est face à un vin somptueux qui n’est encore que dans sa tendre enfance à l’abri dans sa cuve.
Un vin que j’espère pouvoir acheter l’an prochain.
En l’état, ma préférence va au 2004 qui, sans avoir cette magnifique entrée en bouche du 2005, offre par contre un équilibre et une bouche toute en longueur absolument parfaite. Par certains cotés, (et DanielS commence à me déformer le goût), ce vin offre quelques similitudes avec un style cher à Daniel, à la mode à St Emilion (Je ne parle ici que du style en longueur et non du vin ni du type d’élevage).
Après avoir goûté ces deux CDP, on ouvre un autre CDR04 pour mieux cerner ainsi la différence entre CDR et CDP. Le vin reste beau, mais n’a pas l’équilibre parfait des CDP.
Aller, sans perdre de temps, on file dans le chai où sont les cuves de 2006. Nous grimpons à l’échelle et nous voici perché sur quelques hectolitres de plaisir à venir.
Première cuve : Première cuve et première émotion….Je n’avais jamais fait ça avant. Sympa comme sensation
Au nez, sur cette cuve de CDR06 le fruit submerge mes pauvres capteurs. Manque d’habitude. Laurent Charvin me fait remarquer que les FML sont terminées depuis une semaine et que le vin est techniquement terminé. Il précise aussi qu’il me faut oublier ce fruit pour tenter de percevoir le reste. Le vin est coloré, plus que les vins dégustés jusque là. Il semble que ce soit une caractéristique du millésime (Ou j’ai mal écouté…). Surprise, ça se goûte très bien. La bouche est ample, goûteuse, bien en place…c’est bon. Je n’imaginais pas.
Deuxième cuve : Plus sucrée et fruitée que la première. C’est bon, équilibré avec de l’amertume sur le fruit. Si la première cuve fait penser au 2004, alors celle-ci fait penser au style 2005.
Troisième cuve de CDR : Celle-ci est plus épicée. Les trois sont globalement de composition égale et pourtant toutes trois sont différentes. Ce 2006 promet.
Quatrième cuve…quel nez !
Rien à voir avec les trois autres, tout est plus équilibré, plus en place. Cette cuve de CDP06 marque encore plus sa différence CDR/CDP que les vins en bouteille (enfin pour moi).
On traverse la salle sur la passerelle et nous voici au-dessus d’une nouvelle cuve. Etonnant, ce vin ne ressemble pas aux autres, c’est plus austère. Cette cuve vient d’être soutirée et ça marque ici beaucoup le vin. Etonnant comme différence.
Dernière cuve, on revient au CDR cette cuve contient du Grenache mélangé avec le Carignan du domaine. En bouche, on perçoit une matière beaucoup plus importante, plus de densité. Je préfère les purs grenaches par goût mais là encore, ça se goûte très bien.
J’espère ne pas en avoir oubliés… !
Le bilan de cette visite est extraordinaire. Je vais arrêter là avec les superlatifs mais quelle dégustation. Les 2006 sont absolument superbes. Avec la faillite probable sur Bordeaux à l’exception de Pomerol, mes achats 2006 s’orienteront sans doute sur le Rhône.
Une chose est sure, après les commentaires de JLCC sur la météo des dernières semaines précédant les vendanges, après les infos de la maison Chapoutier, 2006 n’est pas ratée pour toutes les régions et le Rhône pourrait bien être le phare dans la tempête bordelaise.
-D
Vincent
PS: je me répète, mais pour tous ceux qui pensent (c'est leur point de vue...) que rendre visite au domaine n'est pas forcément judicieux, il me semble important de relire l'interview de Laurent Charvin pour sans doute mieux le comprendre.