Avec un peu de retard, je publie à mon tour le compte-rendu de la dégustation à laquelle Florian et moi avons participée. J'espère que la comparaison des impressions de dégustation sera intéressante et permettra des rebonds.
Il me reste quelques photos à insérer, je terminerai demain.
DC
Verticale Cornas Clape 1988-2013
Présentation
La famille Clape vue par Kermit Lynch
Dans le monde du vin, on trouve beaucoup de « bons » vignerons ; cependant, seul un nombre restreint d'entre eux peuvent être qualifiés de « grands » et Auguste Clape fait partie de ceux-ci. Les critiques et les amateurs se rejoignent sur le fait qu'il est l'un des pionniers des vins du Nord de la vallée du Rhône, et ses syrah de l'appellation Cornas font partie des vins les plus prisés en France. Les Clape sont vignerons depuis des générations mais la crise viticole de 1907 contraignit le grand-père d'Auguste à fuir le Languedoc pour rejoindre la vallée du Rhône en repartant de zéro. La famille Clape a reconstruit un patrimoine terrasse après terrasse sur les pentes escarpées de Cornas. Pendant de nombreuses années, la plupart des vignerons de l'appellation a vendu ses raisins à des négociants et Auguste fut le premier à mettre en bouteille son propre vin ouvrant ainsi la voie à d'autres de ses collègues. Humilité, discrétion, sagesse, envie d'apprendre caractérisent Auguste qui a transmis le flambeau à son fils Pierre et son petit-fils Olivier.
La famille Clape a en charge 8ha, dont 5,5ha dans l'appellation Cornas. Tout le travail est effectué à la main car les terrasses et les fortes pentes rendent toute mécanisation impossible. Aucun dogme œnologique, aucune règle immuable dans la vinification, le travail est ici affaire de tradition, d'expérience, d'instinct et de bon sens. Le vignoble repose sur un substrat de granite, derrière le village de Cornas, avec une exposition optimale. Les parcelles majeures du Cornas sont les Reynards, la Côte, les Mazards et le Pied de la vigne, ainsi qu'une parcelle récemment acquise dans les Sabarottes auprès de Noël Verset parti à la retraite. La qualité des vins réside dans le matériel végétal constitué de vieilles vignes et la vendange à un degré optimal de maturité du raisin, en tâchant d'éviter les pluies mais également la surmaturité. Toutes les parcelles sont vinifiées de manière séparée, dans de vieux foudres ovales. De longs élevages de 22 mois apportent de la profondeur et de la complexité aux différents vins qui sont ensuite assemblés pour en deux cuvées : le Cornas Renaissance essentiellement constitué de jeunes vignes (jeune étant relatif ici, puisque les jeunes vignes des Reynards ont 30 ans) et le Cornas issu des vignes les plus âgées. Les vins ont un très grand potentiel de garde, mais il est intéressant d'en ouvrir une bouteille sur le fruit, lorsqu'ils sont jeunes pour percevoir leur évolution à venir. Pour qui souhaite déguster une syrah traditionnelle des fabuleuses côteaux du Nord de la vallée du Rhône, le Cornas de la famille Clape est le vin idéal.
Informations techniques
Saint Péray Blanc : Marsanne, vignes de 40 ans en moyenne, Argile, granite, 0,2 ha
Vin des Amis Rouge : Syrah, vignes de 40 ans en moyenne, Galets roulés, 1 ha
Côtes-du-Rhône Rouge : Syrah, vignes de 30 à 50 ans, Granit, 1 ha
Cornas Renaissance : Syrah, vigne de 15 à 30 ans, Granit, 1,2 ha
Cornas : Syrah, vignes de 35 à 90 ans, granite, 4,3 ha
• Tous les vins sont ramassés à la main, triés et non égrappés.
Saint Péray :
• fermentation en cuve de béton
• Fermentation malolactique complète
• 8 mois d'élevage en cuves inox
Vins rouges :
• Grappes entières qui fermentent avec des levures indigènes dans des cuves en béton ouvertes. Pigeage et remontages 2 fois par jour pendant 12 jours.
• Fermentation malolactique en foudres.
• Cornas et Cornas “Renaissance” sont élevés pendant 22 mois dans des foudres de 6 ou 12 hL.
• Côtes du Rhône et “Vin des Amis” sont élevés pendant 6 mois en cuve béton et 6 mois en foudre
• Côtes du Rhône: les raisins proviennent d'une parcelle sur granit de vieilles vignes de syrah près de Saint-Péray et d'une parcelle près de Cornas poussant sur des alluvions et des galets roulés.
Genèse et organisation de la dégustation
L'idée de cette journée était, au-delà du plaisir de la dégustation, de rendre hommage au travail de la famille Clape qui m'accueille chaque année depuis que j'ai découvert leurs vins au Marché de Cornas avec le millésime 2000. Il y a 3 ans environ, des échanges de vins avec 2 particuliers m'ont permis d'acquérir, sans concertation, les millésimes 1992 à 1999. Dès lors, l'idée d'une verticale depuis 1988, année de prise de fonction de Pierre dans le domaine, a germé... Un lecteur de LPV m'a proposé d'acquérir le 1988 à prix raisonnable, et je remercie John Livingstone ainsi Pierre et Olivier Clape qui nous ont gracieusement offert les recherchés 1991, 1990 et 1989.
La dégustation a été organisée par doublettes ou triplettes de vins de millésimes de caractéristiques supposées proches ; j'ai fait une première proposition à Olivier qui m'a suggéré quelques modifications que nous avons évidemment suivies : millésimes pluvieux et difficiles, tendres/souples, classiques/équilibrés/fins, mûrs/pleins/complets, tanniques, ensoleillés mais de maturité tardive, solaires/caniculaires, grands millésimes équilibrés...
Olivier a amené les bouteilles la veille au restaurant La Ruche de Saint-Péray dont le propriétaire Florian a accepté d'accueillir la dégustation. Olivier et Pierre ont ouvert tous les vins de la matinée à 8h30 et ceux de l'après-midi à 14h30 puis les ont transférés dans des bouteilles vides pour les aérer.
Dégustation du matin
Mise en bouche
Côtes-du-Rhône 2014 : Nez de fruits rouges, de raisin frais, sanguin, de bonbon acidulé, caractéristique des jeunes vin de Clape selon mon goût. À l'aération, des notes de cassis mais aussi d'herbes sêchées, de thym. En bouche, le vin est mûr, mais avec une petite acidité piquante ; les rafles permettent de lui donner un peu de corps.
(Assez bien, 13/20).
Le millésime 2014 au domaine : Année compliquée : printemps et juillet pluvieux, mais année précoce. Vendanges le 11/09 pour le Cornas, 20/09 pour le Côtes-du-Rhône (avec 80mm de pluie la veille). Des vendanges en vert ont été nécessaires. Une bonne référence pour juger de la forte pluviométrie de l'année : en 2015, 200 baies pesaient 200g, en 2014...460g.
Millésimes difficiles : 2002, 1993 et 1992
Cornas 2002 : robe grenat avec des reflets plus évolués, soutenue, profonde. Superbe nez de suie, de lard, ainsi qu'une note plus surprenant de vernis/colle à l'aération. En bouche, le vin pinote, il est certes marqué par une certaine acidité mais, à l'ouverture, il prend une certaine ampleur grâce à des tannins qui le portent et une chair que je n'attendais pas.
(Bien+, 15/20).
Le millésime 2002 au domaine : été humide, frais, moyen, temps très humide pendant les vendanges où il est tombé 100mm de pluie cumulés (600mm à Châteauneuf-du-Pape). Beaucoup de tri a été nécessaire car le botrytis : pour Patou (0,6ha), 1 jour et demi de travail a été nécessaire avec une équipe de 16 vendangeurs.
Cornas 1993 : couleur plus évoluée, moins soutenue que le 2002. Nez de feuilles mortes, un petit relan de vieille syrah au premier nez, qui laissent la place à de beaux arômes d'écorces d'orange, de pot-pourri, de réglisse, très élégant, qui pinote finalement. En bouche, l'acidité est présente, mais les tannins chocolatés l'équilibrent et en font un vin assez harmonieux.
(Bien, 14/20).
Le millésime 1993 au domaine : année arrosée, avec 1/3 d'une récolte normale de Côtes-du-Rhône… Tout allait bien jusqu'à début septembre où sont arrivés 8 jours de pluie en continu, 500mm de pluie cumulés, une véritable inondation délavant tous les raisins. Jean-Louis Chave m'avait dit en 2008 que l'Hermitage 1993 ne serait plus mis en bouteille 15 ans plus tard.
Cornas 1992 : Nez plus profond, des arômes de champignons plus marqués. La bouche est plus concentrée, plus charnue que le 1993 mais la rétroolfaction est plus simple, plus usée que le 1993. La bouteille a certainement souffert d'un problème de conservation car ce millésime est supérieur au 1993 normalement.
(Assez bien+, 13/20).
Le millésime 1992 au domaine : sortie des années de 1988 à 1991 qui étaient sêches où la vigne poussait de moins en moins. Pas du tout de printemps, peu de grappes mais la pluie a permis à la vigne de reprendre de la vigueur. La note de pinot des 1992 et 1993 font dire à John qu'on accède à une forme de vérité, à savoir que le terroir de Cornas est plus nordique que ceux du Rhône Sud.
Millésimes tendres/souples : 2011, 2004 et 2000
Cornas 2011 : Robe aux reflets violets, jeune. Nez très floral (aubépine), avec des odeurs de fruits rouges (raisin frais, grenadine, cassis), très élégant ; à l'aération, le nez perd de son expression, et un côté plus sec ressort. La bouche débute elle aussi sur des notes de raisin frais, avec une structure assez souple ; l'aération durcit là encore le vin : les tannins ressortent, peu fondus en l'état. Vin assez monochrome en l'état, qui ne se goûte pas très bien en ce jour.
(Bien, 14/20).
Le millésime 2011 au domaine : Olivier trouve des points communs entre 2011 et 2014. Printemps frais mais précoce, été long à venir (mois de juillet pluvieux) puis fortes chaleurs en août entraînant du stress. Baies gélatineuses au moment de la récolte. La question de la date des vendanges était difficile à résoudre : elles ont fini le 11 septembre, juste avant de fortes pluies.
Cornas 2004 : Le nez du 2004 est plus évolué, avec des arômes de viande fraîche, de fourrure, il pinote un peu. En bouche, la trame tannique, sableuse, donne de la fraîcheur au vin. La rétroolfaction permet de retrouver des fruits rouges à l'eau de vie, ainsi que les arômes secondaires de viande et de fourrure. Le vin est assagi, posé, sphérique, parfaitement équilibré, un régal.
(Très bien+, 17/20).
Le millésime 2004 au domaine : 2004 est le millésime qui suit la canicule de 2003. Le démarrage de la végétation a été compliqué (hiver froid, gel), on note la présence d'acariens sur les vignes et de petites pousses sêchées. Des orages fin août qui ont engendré des baies grosses et des foyers de pourriture (notamment aux Mazards) qui ont sêché ensuite. 2004 est un vin qui s'est fait en septembre.
Cornas 2000 : Robe aux reflets brique, plus évoluée. Nez de viande marinée, un peu plus camphré que le précédent. La bouche est superbe, apaisée, posée, pleine, cohérente, avec des tannins sableux qui lui donnent de la longueur.
(Très bien+, 17/20).
Le millésime 2000 au domaine : 2000 est un millésime marqué par le manque d'eau, mais où tout s'est bien passé.
Millésimes classiques : 2006, 2001 et 1998
Cornas 2006 : À l'ouverture, Splendide nez floral, de menthol, de myrtille, puis cendré, fumé. La bouche est davantage chocolatée, cendrée. Après 15 min d'aération, le bouquet se referme, devient plus sévère, plus jeune avec des relans de cassis voire de bois sec ; le corps redevient plus ferme, avant que le côté terreux puis finalement le menthol ne ressortent. C'est un vin frais, complet, qui amorce un début d'évolution mais qui a l'avenir devant lui.
(Excellent, 18/20).
Le millésime 2006 au domaine : 2006 a connu un bel été, une belle maturité. C'est un vin qui était assez facile à apprécier dès le départ, sur le fruit, mais qui a progressé continuellement, prenant du corps. Mon souvenir est celui d'une grande transparence des terroirs lors de la dégustation sur fûts, au domaine, mais aaussi dans l'ensemble de la vallée du Rhône septentrionale et à Chambolle/Gevrey pour ce que j'ai dégusté.
Cornas 2001 : Fleurs, viande fraîche, arômes fumé, lard. Plus complexe et plus massif que le 2006 à ce stade. La finale ferme signe Cornas. Avec l'aération, des notes de rafle, de végétal noble reviennent, accompagnées de jus de viande. Le vin n'est pas libéré à ce stade, il lui faut encore du temps.
(Excellent+, 18,5/20).
Le millésime 2001 au domaine : Comme 2006, le millésime 2001 a connu un bel été, une belle maturité, avec parfois un peu d'alcool. Les conditions des vendanges étaient idéales. Le vin était ouvert jeune, pendant 5 ans, puis s'est refermé en 2006, dans la lignée du 1995 à une moindre échelle.
Cornas 1998 : Le vin met du temps à s'exprimer. Des premières notes d'herbes fraîches, puis de fruits rouges, de rafle, et des notes plus mures, presque sudistes de fraise écrasée/très mure. En bouche, la structure est plus ferme, le vin est resserré. il a besoin de temps. leurs, viande fraîche, arômes fumé, lard. Plus complexe et plus massif que le 2006 à ce stade. La finale ferme signe Cornas. Avec l'aération, des notes de rafle, de végétal noble reviennent, accompagnées de jus de viande. Le vin n'est pas libéré à ce stade, il lui faut encore du temps.
(Excellent+, 18,5/20).
Le millésime 1998 au domaine : l'année a été marquée un été chaud ayant occasionné du stress hydrique, une forte maturité dans les vins mais aussi des tannins un peu durs. La couleur a évolué durant les 10 premières années de bouteille mais s'est stabilisée depuis.
Millésimes mûrs/pleins/complets : 1999 et 1989
Cornas 1999 : Arômes tout d'abord floraux, puis de griotte/cerise, qui se resserrent ensuite vers des notes de chocolat et de terre ; nez posé, serein, dynamique. La bouche est à la fois veloutée mais droite, sérieuse, fraîche, jeune, avec une finale fumée et minérale qui s'étire. Vin exceptionnel, vivant, qui commence à révéler son terroir.
(Grand Vin, 19,5/20).
Le millésime 1999 au domaine : Très bon millésime dans de nombreuses régions de France, mais particulièrement notamment en Rhône Nord avec une belle homogénéité dans la qualité. Été un peu tardif mais temps parfait après, de belles vendanges où le tri n'était pas nécessaire. L'équilibre du vin est idéal depuis le début.
Cornas 1989 : Couleur d'une jeunesse extraordinaire, bien difficile de dire quel vin semble le plus jeune par rapport au 1999. Nez de viande, cendré, mais aussi floral, ne fait pas son âge. La bouche révèle du fruit, des touches cendrées encore, mais se distingue surtout par une belle acidité et de la rafle qui apportent une fraîcheur inattendue dans ce millésime (le vin ne fait d'ailleurs que 12,5 % d'alcool).
(Grand Vin, 19-19,5/20).
Le millésime 1989 au domaine : 1989 est un millésime très sec à Cornas, il n'est tombé que 2 mm de pluie entre juin et les vendanges, dans l'esprit de 2015. Les grains de raisins étaient petits, semblables à des myrtilles , concentrant non seulement le sucre mais aussi l'acidité. Comme en 2015, Côte-Rôtie a reçu un orage en août qui a été bénéfique pour la vigne, mais pas Cornas.
Millésimes tanniques : 2013, 2005 et 1995
Cornas 2013 : Robe sanguine. Nez de raisin frais, mais aussi d'acétate d'éthyle et de vernis, très jeune et pas encore posé. En bouche, les tannins sont fermes, serrés, sévères mais pas assêchants. Vin très jeune, austère et bousculé aromatiquement pour l'instant, qui nécessitera une longue garde.
John le qualifie de « Hardcore Cornas ».
(Très bien+, 17/20)
Le millésime 2013 au domaine : Printemps compliqué marqué par la pluie ; été correct mais superbes vendanges très tardives. 30 % de récolte en moins de par le moindre nombre de baies et leur petite taille. Durant l'élevage, certains fûts étaient très marqués par l'acétate d'éthyle (vernis) rendant le vin très capricieux.
Cornas 2005 : Robe sanguine. Nez de raisin frais, retenu, compact. En bouche, le vin possède un côté charnu de raisin frais que l'on croque, un côté mûr presque sudiste, mais avec une grande fermeté tannique. Le vin est très jeune et aura besoin de beaucoup de temps pour se faire.
(Excellent, 18/20)
Le millésime 2005 au domaine : le profil météorologique de 2005 est assez proche de celui de 2013, mais avec un meilleur été.
Cornas 1995 : Nez droit, frais, du menthol et des arômes de viande fraîche. En bouche, le vin est posé, assez retenu, encore jeune. Avec l'aération, des arômes de suie, de jus de viande apparaissent. La finale fait ressortir des tannins presque secs, en béton, qui me rappellent ceux de la Viallière 1995 de René Rostaing.
(Excellent+, 18,5/20)
Le millésime 1995 au domaine : Maturité correcte, petits rendements, élevage chaotique. En bouteille, le millésime qui nourrissait beaucoup d'espoirs après la trilogie difficile 1992-1993-1994 s'est révélé très serré, très tannique, et à mis très longtemps à s'exprimer (je rajoute dans toute la France : cf l'Hermitage de Jean-Louis Chave qui a commencé à se goûter en 2012, le Côte-Rôtie de Jamet sec/dur, la Viallière de René Rostaing avec des tannins en béton, Rayas inhabituellement sombre…).
Dégustation de l'après-midi
Mise en bouche
Cornas 2011 : nez de raisins frais, sanguin, avec la gangue minérale qui s'impose. Plus sanguin, minéral que le matin, plus posé, son caractère gourmand ressort également davantage. Il se déguste mieux l'après-midi en apparaissant plus sanguin, plus minéral, plus posé tout simplement.
(Très bien, 16/20).
Millésimes frais/pluvieux/compliqués : 2008, 1996 et 1994
Cornas 2008 : Un bouquet de fleurs, du poivre blanc, et une petite pointe herbacée qui signe un millésime pas facile (odeur de géranium/cosse de petits pois comme les Bourgogne 2004). La bouche se présente sur le chocolat, des fruits rouges, une composante florale et on trouve le poivre blanc avec un trait de vert. Le corps est modeste pour un Cornas mais le vin est très équilibré.
(Bien+, 15/20).
Le millésime 2008 au domaine : Du mildiou en juin du fait de l'humidité et des températures élevées qui est inhabituel à Cornas et qui a pu être stoppé. Début septembre, un déluge s'est abatu sur la région avec 180mm de pluie (180L/m² !) en une seule fois, avec des arbres charriés. Une partie des Reynards a été endommagée et a dû être rebâtie (avec l'aide de Joël Durand lui aussi touché). Les baies avaient beaucoup gonflé de fait de la pluie. Au total, 600mm de pluie, dont 300mm en septembre.
Cornas 1996 : Couleur nettement plus évoluée, nez de viandox. En bouche, une certaine chair, des notes chocolatées qui s'étiolent. Une belle trame acide, pas une énorme longueur tout comme le précédent, frais. Plus anguleux que le 1994 qui suit.
(Bien++, 15,5/20).
Le millésime 1996 au domaine : Été froid, année tardive, maturité compliquée mais le vin est moins dilué que le 2008. Remarque : le Reynards 1996 de Thierry Allemand est, dans ce millésime, très réussi et ne laisse pas transparaître à l'aveugle les difficultés du millésime évoquées par Pierre.
Cornas 1994 : Nez plus éthéré, avec plus d'arômes de terre, plus apaisé. En bouche, le vin présente plus de chaleur que le 1996, un goût viandé mais on ne lui donnerait jamais 20 ans. Fin sur les arômes chocolatés, presque bourguignon mais plus mûr que le 1996.
(Très Bien, 16/20).
Le millésime 1994 au domaine : Après les années 1992 et surtout 1993 pour le moins compliquées, et dans le souvenir de la série d'excellents millésimes de 1988 à 1991, les vignerons avaient envie de dire que l'année serait bonne. En fait, l'année a été difficile, une maturité tardive mais insuffisante, un millésime sec/tannique qui a donné 75 % d'une récolte normale.
Millésimes enseoleillés mais tardifs : 2007 et 1997
Cornas 2007 : Bouquet floral, de pivoine, aérien, ouvert mais profond. La bouche se montre gourmande, avec des notes de confiture de mûres, facile mais pas simple pour autant. Le vin possède un charme certain mais le corps qui lui permettra de se garder.
(Très bien++, 17,5/20)
Le millésime 2007 au domaine : beaux mois de septembre et d'octobre, du stress hydrique qui a bloqué la maturation. Pierre ajoute que, par le côté solaire, 2007 était sur le chemin de 2003. Pour John, le profil aromatique du millésime (belle ouverture) est une trace du changement climatique qui se produit sur les vins de la la maison.
Cornas 1997 : on retrouve un nez ouvert, sur les épices, le tabac blond et le menthol; le nez est solaire sans que ce ne soit 2003 évidemment. En bouche, on note de beaux arômes de chocolat noir. Le vin possède une certaine forme de tendreté, de nonchalance, mais de la fermeté en finale.
(Très bien+, 17,5/20)
Le millésime 1997 au domaine : le profil du millésime est proche de 2007, à savoir chaud, de beaux mois de septembre et d'octobre et du stress hydrique qui a bloqué la maturation. Quelques bouteilles de Reynards Vieilles Vignes ont été mises à part pour la propriété, mais en 2015, le Cornas d'assemblage se montrait plus harmonieux, meilleur que cette cuvée parcellaire.
Millésimes classiques et fins : 2012 et 1988
Cornas 2012 : robe violette, nez de fruits rouges (raisin frais), de myrtilles, de vanille, assez facile/charmeur. En bouche, le vin est marquée par une trame tannique présente mais pas trop, équilibrée, une belle ampleur, du fruit, un caractère sapide. Ce vin frappe par son classicisme, son équilibre, son ouverture, ce qui ne veut pas dire qu'il ne se gardera pas bien sûr !
(Excellent+, 18,5/20).
Le millésime 2012 au domaine : un millésime classique mais assez accessible, gourmand, qui va prendre de l'ampleur durant les prochaines années...
Cornas 1988 : couleur plus claire, brune mais limpide. Superbe nez à point sur la suie, la fumée, la rose, la fraise écrasée, de cuir. En bouche, le vin est fondu, presque moëlleux mais frais, sapide. Par la noblesse du bouquet, et l'alliance de la fraîcheur et de ce côté moëlleux, il rappelle un Barolo.
(Grand Vin, 19/20).
Le millésime 1988 au domaine : premier millésime d'une superbe série de 4. Cornas a été à l'abris du vent mais l'année n'a pas été forcément riche (tannins secs, rustiques). Le millésime est manifestement plus sur le nerf et la tension en Côte-Rôtie, avec des tannins plus évidents.
Millésimes solaire et caniculaire : 2009 et 2003
Cornas 2009: nez de fruits rouges mûrs, de crème de mûre, mais pas surmûr. La bouche est enveloppante, caressante avec des notes de cassis, de fruits noirs, pleinement mure sans aucune sensation d'alcool, mais avec une acidité surprenante qui tend le tout et une masse de tannins impressionnante! Le vin est hors du commun selon moi, immense, hors-norme, nullement écœurant/lourd/chaud, sans déséquilibre, aussi extrème que l'on se représente 2003 tout en restant équilibré. Mais il se sera fondu dans 20 ans seulement.
(Grand Vin, 19/20).
Le millésime 2009 au domaine : Millésime chaud avec la peur de repartir sur une année de type 2003. Vendanges précoces le 1er septembre mais au final, les réserves en eau accumulées durant 2008 ont atténué le côté chaud de l'année et permis d'éviter que les grains soient trop dessêchés. Le vin présentait sur fût quelques arômes chauds comme 2003 (cassis Teisseire) qui se sont estompés au cours de l'élevage.
Cornas 2003 : la couleur est plus évoluée, avec des reflets marron. Nez solaire de figue, de cassis Teisseire. La bouche est plus chaude, plus confite, mais aussi nettement plus simple que les vins précédents. Malgré cette évolution plus marquée, le vin est stable dans le verre. Pas facile à déguster ce jour, mais je ne l'enterre pas pour autant.
(Bien, 14/20).
Le millésime 2003 au domaine : Gel au printemps, deux orages de grêle le 27/07 et le 01/08, et la canicule en août qui a occasionné un jaunissement précoce des vignes. Millésime extrême, subi plus que vécu où un gros tri a été nécessaire pour éliminer les raisins secs. Les fûts allaient de 14 % à 15,5 %, du jamais vu… (12,5 % pour le 1989!)
Grands millésimes équilibrés : 2010, 1991 et 1990
Cornas 2010 : Nez floral (rose, pivoine?), de bergamote, de violette, d'épices, d'écorces d'orage, de menthol, dense et complexe. La bouche est une caresse avec ce côté floral et fruité mais aussi un aspect crémeux, apparemment moins massif/tannique mais tout aussi long que 2009, moins extrême, plus accessible aujourd'hui. Vin d'un grand équilibre, classique, avec tout pour lui.
(Grand Vin, 19,5/20).
Le millésime 2010 au domaine : conditions climatiques idéales, sans excès. John nous dit que le vin nous allège de 10 ans de notre vie
Cornas 1991 : Un nez magistral d'épices fines, de cuir, de cendre, tendu, frais comme le 1988 avec un soupçon de richesse en plus. La bouche débute sur des arômes floraux, puis les tannins poudreux arrivent, avec un côté crémeux, très long, posé, merveilleux d'équilibre. Je trouve le vin bourguignon par sa finesse, dans la lignée de l'Hermitage 1991 de Chave, la Côte-Rôtie 1991 de Jamet ou la Côte-Blonde 1991 de René Rostaing. C'est remarquable !
(Très Grand Vin, 19,5-20/20). Bouteille d'autant plus remarquable que John l'a amenée spécialement d'Angleterre le lundi précédant la dégustation…
Le millésime 1991 au domaine : Conditions idéales… Un millésime moins sec/solaire que 1990 où le terroir de Cornas s'exprime parfaitement (alors que le 1990 présente un aspect solaire qui évoque l'Hermitage
Cornas 1990 : Robe plus évoluée que le 1991. Nez mûr sans côté confit de d'épices, de thym, de garrigue, assez sudiste. En bouche, le vin présente du glycérol mais pas d'alcool qui lui donne de l'ampleur, du moëlleux, avec les arômes de thym qui reviennent. On note peut-être une légère oxydation qui tient à la bouteille qui a été rachetée par le domaine.
(Excellent Vin, 18,5/20).
Le millésime 1990 au domaine : Été sec avec 25-30mm de pluie en août qui a conduit à une explosion du fruit. Maturité fin septembre. 1990 s'est fait comme 1999.
Conclusion
- Quelle verticale impeccable, quelle régularité et quel niveau d'ensemble! Cette verticale sans faille de 26 ans, démontre de façon éclatante un savoir-faire hors du commun, la personnalité d'un terroir d'exception qui se dévoile au cours des années de vieillissement et porte les vins vers des sommets.
- En vin jeune, il y a pour moi un « nez Clape » de raisin frais, sanguin, avec une trame minérale que l'on retrouve dans le Côtes-du-Rhône 2014 et les vins de moins de 5 ans, certes parfois un peu remué avec la présence d'acétate d'éthyle dans le 2013 comme dans beaucoup de Cornas du millésime, mais fidèle à une ligne directrice que l'on retrouve année après année. Entre 5 et 15 ans disons, le vin s''affine, se pose, s'harmonise, s'affine. Mais la grande leçon de cette dégustation pour moi a été la dimension supplémentaire que les vins prennent à partir de 15 ans, où ils semblent enfin se révêler et donner toute la mesure d'un potentiel que l'on ne soupçonnait pas forcément. John Livingstone nous rappelait fort opportunément que l'on sous-estime souvent le potentiel de garde des vins de Clape. Mis à part le 1992 et le 1990 qui semblaient avoir un petit problème de stockage, il faut aller chercher une telle régularité et un tel potentiel de garde de presque 30 ans, notamment dans les petits millésimes, du côté de la Côte-Rôtie de Jamet (dont la verticale 1991-2011 organisée il y a 2 ans était là aussi impeccable), de l'Hermitage de Jean-Louis Chave ou, avec plus d'élevage mais d'une qualité exceptionnelle, la Landonne de Philippe Guigal que je connais malheureusement moins bien mais qui défie le temps. Une telle régularité, une telle évidence en vin épanoui, une telle diversité dans un vin m'a littéralement stupéfait et j'avoue très humblement, du fait de mon inexpérience des grands millésimes classiques épanouis dans la maison, que j'ai été bluffé par de tels sommets.
- Comme dans le cas de la Côte-Rôtie de Corine et Jean-Paul Jamet, il faut remarquer que l'assemblage fait que les vins possèdent une constance mais aussi une complexité plus grande peut-être que des cuvées d'une parcelle. Pierre m'avait dit en janvier dernier que la famille gardait des bouteilles de Reynards Vieilles Vignes pures dont, je crois, le 1997, qui ne se sont pas avérées meilleures que le Cornas d'assemblage, de même que la Côte-Brune de Jamet ne se goûte pas toujours mieux que la Côte-Rôtie classique.
- Cette verticale impeccable est également l'occasion de s'interroger sur le savoir-faire technique et, notamment, la question de l'élevage en fûts neufs qui sont proscrits de la cave et, je crois, rincés plusieurs années par le Côtes-du-Rhône avant d'être utilisés pour le Cornas. Cornas a la réputation d'un vin dur, accrocheur, parfois rustique, et pourtant tous les vins dégustés étaient d'une grande noblesse, sur la finesse, certes aux tannins accrocheurs mais pas au-delà des caractéristiques du millésime dans la vallée. Cette verticale est pour moi la preuve éclatante que l'argument des longs élevages en bois neuf censés arrondir les angles de millésimes tanniques ne tient pas… (la question se posant avec peut-être plus d'acuité dans les caves de Rayas).
- Je suis profondément ému d'avoir eu la chance de rassembler cette verticale retraçant la carrière de Pierre depuis 1988 car je ne ne suis client « que » depuis le millésime 2000. Entre outre, j'ai apprécié que des compte-rendus écrits sur d'autres domaines ont permis que des bouteilles nous ont été proposées à prix d'ami, dans l'esprit de cette dégustation, permettant ainsi de rendre hommage à la gentillesse et au savoir-faire d'Auguste, Pierre et Olivier. Nous avons passé rien moins que la vie professionnelle de Pierre en revue, seul le vin permet cette remontée dans l'histoire.
- À notre table ont été évoqués les comparaisons entre le terroir de l'Hermitage et celui de Cornas voire de Côte-Rôtie dans des millésimes tendres. Je vois là l'occasion de futures verticales parallèles de vins de vignerons d'appellations différentes mieux appréhender cet aspect des choses, sans oublier évidemment des verticales de vignerons de l'appellation dans quelques années.
Remarciements
- je commence par remercier, évidemment,
Pierre et Olivier Clape (ainsi qu'Auguste) pour m'avoir patiemment accueilli depuis 2000 et donné beaucoup de leur temps, de leurs connaissances depuis que notre première rencontre en 2000, sans parler des bouteilles qu'ils m'ont permis d'acquérir. Merci de nous avoir offert le 1989 et le 1990 que je n'ai pas réussi à trouver à prix raisonnable par moi-même...
- Merci à
John Livingstone-Learmonth, que Pierre et Olivier m'ont présenté au début des années 2000, d'avoir accepté de nous accompagner lors de la journée consacrée à ce domaine qu'il connaît comme aucun autre et de nous avoir offert cette merveilleuse bouteille de 1991. L'expérience que nous a apportée John qui parvourt la vallée depuis 1973 je crois, le recul sur les vins, sa connaissance de la famille sont précieux et nous ont éclairés. L'ouvrage de John « The Wines of the Northern Rhône Valley » est une œuvre sans commune mesure sur les vins de la vallée du Rhône Nord.
- je remercie le
restaurant La Ruche de Stain-Péray et son propriétaire
Florian de nous avoir accueillis pour la journée et de nous avoir proposé un repas pour accompagner ces vins.
- Je remercie les 3 personnes qui se reconnaîtront qui ont contribué à cette dégustation en me vendant le 1988 et les flacons de 1992 à 1999 que je n'avais pas en cave. Aucune d'elle n'a pu être présente pour des raisons diverses, je le regrette. Je suis particulièrement ému du fait que la lecture de compte-rendus écrits sur des vins d'autres domaines ait conduit des amateurs à me proposer de vieux vins à prix raisonnables, dans l'esprit de partage qui nous animait.
- Merci à tous les participants qui m'ont fait confiance, dont certains sont venus de Paris, sans parler de John venu exprès d'Angleterre, et qui ont rendu possible l'organisation de cette dégustation exigeante en terme de disponibilité et de concentration mais tellement éclairante et placée sous le signe du partage et de l'amitié.
- Merci à
Dominique Bordes d'avoir partagé les photos qu'il a prises qui ont permis d'immortaliser cette belle journée.
- Merci à
Eckhard Bose ainsi qu'à
Anne, Kilian et Julian qui m'ont fait découvrir le vin il y a 25 ans.
David Chapot.