C'est mon premier compte-rendu sur LPV que je lis cependant depuis longtemps
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J'en profite pour saluer Jérôme que je n'ai pas revu depuis... bien 12 ans.
Visite chez Jean-Louis Chave
En ce vendredi 14 mars, j'étais ravi comme chaque année d'aller déguster les vins du millésime, de revoir Jean-Louis pour discuter et d'emmener 2 amis amateurs de vin pour partager un bon moment. C'est enfoncer des portes ouvertes que de dire qu'on est privilégié, et je suis aussi content maintenant qu'il y a 16 ans quand Jean-Louis m'accueillait pour la première fois au domaine.
Après quelques présentations d'usage, Jean-Louis nous ouvre la porte de la cave (récalcitrante en ce jour, heureusement il y a plusieurs passages!) et, comme d'usage, on commence par les blancs.
[contrairement à une grande dame bourguignonne qui m'avait recadré lors d'un salon off à Vinexpo par un "ici, on commence par les rouges" quand j'avais eu l'outrecuidance de lui demander : "Bonjour Madame, pourrais-je déguster votre premier vin blanc s'il vous plaît?"
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[size=large]Les vins blancs[/size]
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Péléat 2012 (terroir argilo-siliceux) : vin tendu, fumé, des arômes de fleurs blanches mais aussi de noisette; la longueur repose sur un gras salivant.
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Rocoules 2012 (argilo-calcaire) : plus tendu, avec davantage d'arôme grillé.
Je l'ai dégusté un peu vite et n'ai pas noté précisément sa structure en bouche mais j'ai été surpris par cette tension alors que, dans mon idée, c'est vraiment le vin qui apporte le gras, la colonne vertébrale du gras de l'Hermitage Blanc; peut-être que cette tension est un signe du millésime tout simplement?
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'Hermite 2012 : loess + moraines glaciaires : c'est, à ce stade, le vin le plus posé, équilibré, le plus abouti (je ne parle pas des arômes que je n'ai pas notés mais qui me semblaient assez proches pour les trois vins)
À ce jour, ce vin blanc de l'Hermite me semble être des 3 celui qui aurait le plus facilement une vie autonome, sans assemblage. Il est difficile de ne pas penser au vin de Michel Chapoutier, malheureusement inaccessible par son prix, qui domine de par sa classe sa gamme des blancs, et j'aurais vraiment envie de comparer l'un à l'autre.
Remarque : nous n'avons pas dégusté Maison-Blanche dont j'apprécie beaucoup le caractère salin.
- en bouteille :
l'Hermitage blanc 2011 : je lui trouve aujourd'hui un nez d'abricot, de crème patissière et surtout une très belle tension amère/saline (j'aime beaucoup le millésime sur Condrieu également). Le vin est construit minutieusement, délicatement, il est extrèmement raffiné et me donnerait beaucoup de plaisir tout de suite (alors que je ne m'amuserais pas à ouvrir un Hermitage rouge 2011)
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Hermitage Blanc 2000 : nez mûr, avec des notes d'ananas confit que j'associe à l'Hermitage blanc mûr (trouvées dans le 1991 en janvier dernier). Le vin arrive à une certaine maturité d'arômes, et je dois dire que je lui aurais donné quelques années de plus à l'aveugle par rapport à mon souvenir d'il y a 4 ans. La bouche est ample, posée, et il se gardera encore très longtemps. Jean-Louis précise que ce vin sied particulièrement à la cuisine bourgeoise, avec de la crème, des poulardes, des truffes peut-être, je vais attendre 2/3 semaines avant de trouver les premières morilles de l'année qui devraient convenir également!
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Les vins rouges
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Saint-Joseph[/size]
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Chalaix 2012 (vignes de 12 ans, au Sud de Mauves) sur un sol granitique (granite dur, pas décomposé comme Bachasson), vignes de 12 ans. Nez captivant de cassis, lard, fumé, très pur. Bouche salivante, presque croquante mais avec du fond.
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Clos de l'Arbalestrier 2012 : le vin a manifestement besoin d'un soutirage dixit Jean-Louis; des arômes de fruits plus mûrs, structure en bouche plus veloutée?
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Bachasson 2012 : nez floral très perçant, violette. La bouche est très sapide, salivante, avec un fruit joyeux et un beau fond tannique. Il a pris une dimension supplémentaire cette année et s'il est pour l'instant assemblé avec les autres Saint-Joseph, ça ne durera peut-être pas éternellement. Vin remarquable, qui, à part l'âge des vignes, n'a rien à envier aux parcelles d'Hermitage (on voit d'ailleurs quand on est sur le belvédère de Tournon qu'il est d'ailleurs dans l'axe de granit décomposé des Vignes de l'Hospice et des Bessards).
Remarque : Jean-Louis possède également un terroir sur les Oliviers (qui font des vins d'arômes mais, je crois, un peu lâche/plat en bouche, comme on peut le déguster chez Jean Gonon) ainsi que de la Dardouille (le berceau des vins de Bernard Faurie)
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Saint-Joseph 2011 : nez très ouvert, axé sur les fleurs plutôt que la cassis, gourmand. La bouche est également dans cette direction, le vin se boit terriblement bien et ne semble pas avoir souffert de la mise en bouteille pourtant assez récente je crois.
Je repense au 2010 bu l'année dernière à la même époque qui était alors très fermé et m'avait un peu désarçonné. Pour retrouver l'équilibre
, j'en ai ouvert une bouteille le 1er janvier 2014 et le vin commence à parler, en restant aromatiquement très strict sur le cassis, les fruits noirs, une trace de violette, avec une structure sévère, un vin très racé.
Le 2010 est un vin où les terroirs granitiques ressortent davantage que les terroirs plus floraux je pense.
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Hermitage[/size]
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Péléat 2012 : (sol de sable) plus tendre, plus rond que Bachasson, avec des arômes de rose; c'est typiquement le vin qui apporte les arômes dans l'assemblage, pas la structure.
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Beaumes 2012 : un peu plus de fermeté en bouche, et au nez, arômes de cassis.
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La Mortine 2012 : (l'Hermite) : nez ouvert d'un cassis bien noir, juteux mais frais, bouche tendue, tannique, mais pas austère. Il me rappelle le blanc et Bachasson en ce sens que ce sont des vins complets en eux-mêmes. C'est depuis 2009 la parcelle de l'Hermitage que je goûte le mieux chaque année.
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Méal 2012 (moraines glaciaires, galets, mûr exposé plein Sud et particulièrement chaud) : de la chair, un côté pulpeux, ample, particulièrement réussi. Jean-Louis précise l'importance du travail du sol pour éviter, dans la mesure du possible, le côté solaire/confit; il existe d'ailleurs une deuxième parcelle dite du Petit Méal qui rentre souvent dans l'Hermitage de négoce Farconnet je crois où, quand je l'avais dégustée, ce côté confit ressortait davantage que dans le Grand Méal.
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les Bessards 2012 : nez mûr (pas compoté évidemment), toujours plus solaire que la Mortine, qui aurait tendance à faire oublier la trame tannique très présente.
Au final, je vois un millésime aromatiquement plus frais/resseré que 2011 en rouge, mais bien mûr mine de rien (compte tenu de l'été difficile), avec plus de structure il me semble que 2011. Jean-Louis m'avait fait remarquer que c'était un millésime où les collines n'avaient pas souffert du stress hydrique des années chaudes et apportent donc toutes leurs qualités, sans surmaturité; c'est vrai en goûtant les vins que le Méal possède la chair et le caractère juteux de l'exposition sans une once de surmaturité.
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L'Hermitage 2011 rouge : un nez Péléat nous dit Jean-Louis... Le nez est effectivement ouvert, rond sur des arômes de rose plutôt qu'un cassis bien noir. À l'aveugle, il peut donner l'impression d'être facile, mais sa complexité au vieillissement, qui ne repose pas sur l'austérité racé comme en 2010, va nous surprendre (il me fait penser à 1997 peut-être, 2000, qu'on est bien content de boire quand les 2001/1995 étaient dans un stade de fermeture qui les rendaient difficilement accessible et qui sont très fins/complexes).
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Hermitage 1995 : le premier nez est assez ouvert, bien mûr; en revanche, la bouche est plus ressérée, fait saliver et ne fait pas l'âge du nez. C'est un vin de type "granit" (où les terroirs granitiques dominent le vin) à l'opposé du type "argile" comme 2011. Un vin pour le pigeon.
Remarque : 1995 est resté longtemps fermé, austère, ne donnant pas de plaisir; il s'est ouvert depuis 3/5 ans seulement; Jean-Louis fait remarquer que dans cette période ingrate, le vin peut décevoir et apparaître trop sévère (et je dirais, manquant de chair?).
"Je vais aller chercher un vin plus vieux" entend-on. Oui, la robe est très claire, indiscutablement, mais brillante. Le nez de cuir, champignons est plus frais, plus appaisé que le 1995. La bouche est sapide, digeste, patinée mais nullement évoluée. À l'aveugle, je pensais à 1985, j'ai seulement 14 ans d'écart :
Hermitage 1971!
C'est un vin véritablement remarquable! Je ne sais pas quel millésime récent lui ressemble mais son caractère intemporel est fascinant! (quand on commence à se tromper de 14 millésime à l'aveugle, c'est que certes le vin est vieux mais également qu'il se passe quelque chose, ça s'appelle peut-être le terroir...).
[size=x-large]Conclusion[/size]
- la progression des Saint-Jo en 2012 m'a semblé particulièrement marqué et Bachasson (mais aussi Chalaix je crois) franchissent un cap avec l'âge des vignes.
- le millésime 2011 me semble plus tendre, plus accessible, que ses glorieux ainés (et je pense que 2012), avec des qualités différentes? on les boira en attendant les 2010, notamment pour les Saint-Joseph, et... dans 20 ans, il sera intéressant de comparer 2008-2009-2010-2011-2012 aux profils très différents.
- le 1971 est un monument, un vin remarquable, profondément émouvant par son caractère intemporel, un vrai produit de civilisation.
- On est toujours accueillis à bras ouverts et avec force générosité. Tout est fait pour passer un bon moment. Des personnes qui nous accompagnaient se sont levées à 4h00 pour venir ici... Il ne faut jamais oublier cette chance que l'on a d'être là. Merci Jean-Louis pour ton accueil.
David Chapot.
Remarque pour la personne qui m'a accompagnée au domaine :
La liberté de ton et la spontanéité d'un dégustateur ne doivent pas faire oublier, même si c'est involontaire, que la courtoisie la plus élémentaire impose, si l'on publie un commentaire, de remercier celui qui nous a accueillis et offert ses vins et son temps. En outre, si on est invité chez quelqu'un qui propose un moment privé à ses clients/amis, on ne peut pas forcément publier les mêmes commentaires que quand on déguste la bouteille chez soi ou dans un marché aux vins, a fortiori sans avoir discuté préalablement avec lui de ces questions qui peuvent être très légitimes (élevage, culture de la vigne...) et pris tous les éléments d'information pour affiner et mettre en perspective son jugement.
Faute de quoi on risque d'une part de se mettre en mauvais termes avec le propriétaire si ce message lui revient et d'autre part et de mettre la personne qui invite dans un grand embarras, ce qui n'était pas le but de ce moment de convivialité.