Mon premier SVI.
Depuis plusieurs années, je reçois deux invitations pour le SVI de la part de Robert PLAGEOLES.
Je n'avais, jusqu'à présent, jamais franchi le pas. La faute à un emploi du temps pas forcément compatible avec le SVI ; cette agoraphobie qui se fait chaque année un peu plus forte et, il faut bien le dire, une bonne dose de fainéantise.
Cette année, je ne sais pas pourquoi, me voilà subitement pris d'une envie de capitale. Pour paraphraser Georges :
"Chérie, prends ton cabas, on va à Paris" !
Nous voici donc arrivés porte de Versailles ou le pavillon 7 avale une foultitude de retraités. Réception du verre INAO gravé "40 ans du SVI" et nous découvrons l'immensité du salon. Cela ne va pas être facile pour tout goûter... Notre stratégie sera donc de faire toutes les allées et de nous arrêter chez des noms connus. Pas de prise de notes car, en ce 50e anniversaire des événements de mai 68, j'ai décidé de jouir sans entrave.
Chez
CACHAT OCQUIDANT, nous n'avons goûté que les blancs. Le
bourgogne blanc à 9 € est marqué par la vanille, mais présente un coefficient de torchabilité proche du maximum. Le Pernand Vergelesses s'exprime dans de belle notes fumées/minérales. C'est un joli vin. Le Beaune Monsnières combine la vanille du bourgogne blanc et les notes minérales du Pernand. C'est un peu plus rond, mais rudement bon. Enfin, le Meursault village couronne cette première approche par un supplément de tout.
Gamme de blancs cohérente et proposée à des tarifs encore accessibles (de 9 à 35 €).
Direction l'Anjou et passage au
domaine CADY.
Nous goûtons au pas de charge le
CHENINSOLITE, toujours très bon, plus secs et tranchant que les millésimes précédents. La vanille apporte un petit côté friand à ce beau jus de chenin.
La gamme des vins doux est très cohérente. Le simple coteaux du Layon est joyeux, facile.
Bien qu'encore un peu timide, contrit, le
Premier cru Chaumes développe une belle liqueur et une belle note de pamplemousse rose.
A suivre avec intérêt !
Arrivée chez un personnage :
Bruno CORMERAIS :
Première rencontre avec le bonhomme et je dois dire que je n'ai pas été déçu. En serrant la main au vigneron, j'ai eu l'impression d'empoigner un cep centenaire : noueux, sec, rapeux. Ces mains-là ont travaillé toute leur vie. La démarche claudiquante révèle le poids du travail sur le corps de l'homme.
La gamme est assez étoffée et les vins sont vite présentés. On goûte les
Vieilles Vignes et l'impression générale est de sucer du caillou. Puis
Clisson, avec toujours, cette puissante expression limpide et cristalline de ce terroir que j'adore !
Enfin, Bruno CORMERAIS propose
TESS 2012 : un Clisson qui ne revendique pas l'appellation, élevé durant 70 mois avant d'être proposé à la vente. TESS est une cuvée spéciale célébrant la petite fille du viticulteur. Sa collerette rose et son étiquette du même ton font un peu girly, mais le contenu de la bouteille est viril, avec une "concentration de la minéralité" (concept personnel
) jamais vue jusqu'à présent. C'est la première fois que je vois un muscadet titrer 13°. Je pensais que l'AOC ne tolérait que 12°, pour conserver de la fraîcheur, Bruno CORMERAIS me répond qu'il n'y a pas de limite... Je pars du stand sonné par cette dernière bouteille et, à vrai dire, un peu perplexe à l'idée que le réchauffement climatique engendre un jour des vins à 13, 13,5 voire 14°...
Et c'est là qu'entre en scène LADIDE !
Tout concentré que j'étais à goûter les explications et les vins de Bruno CORMERAIS, tel un félin s'approchant de sa proie, LADIDE est arrivé sans que je ne m'en aperçoive. Je me retourne et croise un visage souriant.
"Oh, lui, ce serait bien un LPVien"... Bingo ! Les présentations se font avec beaucoup de joie. La joie de nous découvrir, de mettre un visage sur des mots, de discuter découvertes et points communs. Il est temps d'aller déjeuner ; nous nous retrouverons plus tard.
13 h 30, retour au salon et arrêt chez
CAUHAPE :
La présence d'Henri RAMONTEU, sur le stand désert, m'a poussé à m'arrêter. Salutations cordiales et la question fatidique :
-
"Monsieur RAMONTEU. J'aime beaucoup vos vins, mais je m'interroge depuis trois ou quatre ans sur la pertinence de votre gamme. En sortant Quatuor et 4C, j'ai l'impression que vous avez déshabillé Noblesse du Temps et La Canopée "...
-
"Non car j'ai décidé de travailler autrement; d'effacer le style habituel des jurançons pour rendre une image fidèle du millésime dans ce qu'il a de meilleur. Je cherche à travailler sur la finesse, sur l'expression du terroir, plutôt que sur les marqueurs habituels du jurançon. Quatuor est beaucoup moins rentre-dedans que La Canopée. Maintenant, je n'ai pas encore d'idée sur la façon dont ces vins évolueront dans le temps. Je n'ai pas encore assez de recul ".
A moitié convaincu, je remercie le Béarnais et vole vers le
Château des Coccinelles.
Un jolie gamme, cédée à prix très attractif. Nous avons particulièrement aimé le
Côtes du Rhône Château des Coccinelles 2017, fruité en diable et, plus puissant, le CDR village
SINARGUES qui devrait s'affiner d'ici trois ou quatre ans. Un domaine certifié biologique tout à fait recommandable.
LADIDE nous ayant vanté les champagnes de la
maison Saint Chamant, père de Stéphane COQUILLETTE, et ces derniers se trouvant juste devant notre nez, nous nous arrêtons.
Nous goûtons le BSA 2009. Un BSA pas millésimé mais présenté comme un millésimé. Explications incompréhensibles de la dame toute ambijoutée qui nous reçoit en nous expliquant bien que
"ces champagnes n'ont rien à voir, mais alors rien à voir du tout avec Stéphane COQUILLETTE". On sent comme une certaine tension, voire un contentieux...
Ce 2009 sans année
est très bon, bien vineux. J'aime beaucoup et son tarif de 21 € est bien calibré.
Nous passons ensuite au blanc de blancs 2006 : grosse matière, vineux, volumineux, finement oxydatif, calcaire, fumé, ça envoie lourd. Un vin qui appelle une belle gastronomie. Pas cher non plus, celui-là (aux alentours de 25 € si ma mémoire est bonne). J'aime beaucoup.
Il faut insister pour goûter le 2008, qui est beaucoup plus tranchant, moins expressif, plus cistercien dans sa construction. C'est un champagne d'ascète, mais il a du charme. Il devrait aller loin, mais je lui préfère la rondeur confortable du 2006.
La p'tite dame embijoutée préférant discuter avec des retraités, nous partons sous d'autres cieux. On ne devait pas être crédibles...
Cap à l'est chez Florian
BECK HARTWEG et sa compagne Mathide. SURPRENANTE DECOUVERTE.
Je salue l'effort pédagogique de Florian
qui a ramené du Bas-Rhin trois caisses contenant chacune un échantillon de sol. Les trois couleurs - notamment une belle terre rose comportant des inclusions de grès rose - confirment la grande diversité des sols alsaciens.
Je ne présente pas le domaine puisqu'il a une belle rubrique sur LPV. Je suis néanmoins très heureux d'avoir pu découvrir la quasi totalité de la gamme qui, je dois le dire, m'a interrogée.
En effet, les expressions habituelles des cépages alsaciens sont totalement bouleversées. J'ai bu des vins jusque-là inconnus dans leur aromatique et leur saveur. Notamment un riesling aux notes de poivre de Timut et, me semble-t-il, un pinot gris aux notes de camphre. Chez Florian et Mathlide BECK HARTWEG, tous les repères sont dynamités et cela réinterroge notre connaissance du vin. Une cuvée m'a particulièrement surprise. Elle fera l'objet d'un compte-rendu ultérieur.
Je repars du stand avec l'envie viscérale de m'arrêter chez les BECK HARTWEG à l'occasion d'un prochain séjour en Alsace, afin de mieux savourer ces expressions sortant totalement des sentiers battus.
Chez
BONNET HUTEAU :
Didier m'ayant indiqué qu'il souhaitait découvrir ce vigneron, je m'y arrête. Nous nous y retrouverons quelques instants pour partager nos impressions.
J'ai goûté trois des vins présentés, dont, notamment, un muscadet primeur. Cela tombe mal... J'ai rentré les lapins de 6 semaines des
Bêtes curieuses et, malheureusement, le 2018 de BONNET HUTEAU soutient très mal la comparaison. Fermentaire et encore un peu brouillon, il s'efface devant le beau jus de poire proposé par les deux Jérémie.
Les deux autres muscadets sont certes bon, bien fait, mais classiques. Ils représentent bien ce que l'on attend d'un muscadet mais souffrent difficilement de la comparaison avec d'autres productions. En d'autres moments, j'aurais probablement été séduit. Mais voilà... Je commence à avoir un peu de bouteille et mon goût n'est plus à ce genre de vin.
La bouche bien nette, nous nous arrêtons chez
FILHOT. ("
prononcez fi-yo", m'a dit la personne qui m'a reçue)
Filhot : domaine star des foires aux vins. Sauternes abordable qui, reconnaissons-le, ne fait pas partie des cadors de l'appellation. La faute, probablement, aux mauvaises notes qui lui sont attribuées lors des "primeurs". Goûtons cela.
Une première bouteille, dont je n'ai pas retenu le nom, nous est présentée. Il s'agît d'une nouvelle vision du sauternes, vinifiée pour plaire au plus grand nombre. Etiquette moderne, contenant plus contemporain... Je me dis que Sauternes essaie de se diversifier pour maintenir ses parts de marché.
Mais avec ce type de vin, on n'y arrivera pas. Une très désagréable odeur de soufre ? caoutchouc brûlé ? bref, de quelque chose de très désagréable marque le premier nez. Franchement, si les Filhot se sentent comme ça en primeur, on comprend les notes faibles qui lui sont attribuées. C'est proprement imbuvable en l'état. Pour le reste, la matière est légère, le fruit sommaire (ananas et pamplemousse). Je ferme ma gu... et je passe au suivant.
Filhot 2015 : expression aromatique classique d'un sauternes, mais comme emprisonnée. Trop jeune pour être ouvert.
Filhot 2014 : un peu plus d'expression, mais c'est encore fermé. A attendre.
Filhot 2009 : l'aromatique est plus ouverte : ananas, mangue, clémentine. Le botrytis commence à se révéler par une petite pointe de safran. C'est bien meilleur, mais on est encore loin du compte.
N'ayant dégusté, jusqu'à présent, que de vieux millésimes, je pars de Filhot en me disant qu'il s'agit de vins à attendre, qui ne se livrent vraiment qu'au bout de 15 à 20, voire 30 ans.
Je retrouve LADIDE au
Domaine des Varinelles. Mon calvaire commence !
Du Cabernet franc en long, en large et en travers.
Dire que j'avais tout fait pour ne pas me retrouver piégé par des rouges de Loire... Et voici qu'un LPVien - que je pensais sympa - ouvre un chausse-trappe. Englué comme une grosse mouche dans les sécrétions d'une plante carnivore, me voici contraint de tendre un verre qui se remplit de saumur champigny.
Et ce que je redoutais arrive : toutes petites, insidieuses, traîtresses, vicelardes, une note de poivron et de lierre émergent d'un beau raisins mûr. Il n'y a rien à faire : je ne m'y fais pas.
Le reste de la dégustation sera à l'identique. Les vins sont bons, soyeux, mûrs, bien travaillés, représentatifs de beaux saumur-champigny. Mais je ne vais pas tortiller du cul pour chier droit : le cab' franc : ce n'est pas pour moi.
Le voyage s'achève chez
Raymond USSEGLIO.
Ne buvant que très peu de châteauneufs, je suis heureux de m'arrêter sur ce stand.
Le Côtes du Rhône CLAUX fait bien le job.
J'ai beaucoup aimé le C9P blanc. Cette cuvée "pure roussanne" est vin qui devrait évoluer vers une expression plus minérale, peu-être plus fumée. J'ai bien aimé le style avec ce qu'il faut de tension pour éviter de tomber dans l'équilibre molasson de certains blancs du sud.
Le châteauneuf 2016 est également très bon. Avec ses notes cacaotées, il est savoureux.
La Part des Anges est imparable. Le mourvèdre est encore un peu tanique, mais le vin devrait évoluer admirablement.
Nous goûtons, pour finir une nouvelle cuvée - dont je n'ai malheureusement pas retenu le nom - issue des meilleurs raisins cueillis à la main sur les meilleurs ceps. Une cuvée vendue 55 € et qui, il faut bien l'avouer, assure quand même pas mal.
Première expérience réussie aux
Vignerons indépendants. Le fait d'y être allé le jeudi permet d'arpenter les allées sans trop piétiner.
Nous avons, globalement, passé un bon moment, même si quelques bons-français-moyens témoignent - à tout âge et quel que soit leur sexe - d'un manque flagrant de savoir-vivre. De 18 à 78 ans, c'est
"pousse-toi d'là que j'm'y mette".
Difficile d'avoir un crachoir sur les comptoirs dont la petite taille permet à peine d'exposer les bouteilles.
Il faut cracher dans les seaux placés au pied des stands et quand des piliers de comptoir sont accoudés, l'exercice devient dangereux. Les regards furibards qui se sont multipliés durant 5 heures tendent à prouver que le cracheur n'est pas vraiment apprécié à Paris...
Je pensais voir plus de "grands noms". Or, 90 % des exposants me sont inconnus.
Il faudra donc revenir, avec l'idée de se perdre dans les allées pour faire des découvertes. Et pas que LADIDE !