Catherine et les garçons goûtent leurs nouvelles pépites corses. 14 Juillet 2018
Vacances obligent, nous nous retrouvons
at home en petit comité (Philippe Barret, Philippe Modat, Catherine, Olivier et nous deux). Nos randonnées au long cours, séjours et locations de maison, à nous tous aux quatre coins de la Corse, nous ont permis d’engranger sur place quelques belles cuvées ; certaines, incontournables, à regouter, et surtout beaucoup d’inédites parmi les nouvelles grandes cuvées des domaines de référence et d’autres moins connus, à découvrir.
Toutes ou presque, ont en commun d’être en bio certifié ou biodynamie ; chacune par son terroir, son encépagement spécifique, son mode d’élevage (3 cuvées en amphore) présente une facette de l’identité corse. Ah, comme j’aurais aimé que M Bettane, grand amoureux des vins corses et rédacteur d’un article très complet sur ses terroirs, cépages et vignerons (revue Magnum n°11 Mars Avril Mai 2018) soit là pour nous éclairer, verres en main, sur les avantages comparés du minustellu, carcagholu, sciacarellu, niellucu, bien sûr, et tant d’autres cépages participant à la multiplicité corse.
Coup de chapeau aux uns et autres sur la justesse des accords, avec une daube de sanglier (quoi, Modat, chasseur ?) et une tarte au citron meringuée d’anthologie.
Allez, il fait soif !
rosé
1 Domaine Stéphanie Olmeta. Patrimonio rosé 2016.
tomates marinées, tapenades d’olives, gressins
A l’aveugle, la robe foncée, loin des rosés palots, évoque un Tavel. Nez gourmand (laissant pressentir le coté charnu du vin), harmonieux, tendu comme il faut par ses accents de groseille rehaussant la fraise. Prometteur !
La bouche à l’aveugle, ferait presque pencher vers un pinot noir léger qui aurait fauté avec la grenade sur fond de grand soleil. Confirmation de cette impression charnue, dynamique, à la vinosité gourmande, dont la vivacité un peu saline éclaire les amers ronds à souhait et rend ce rosé hors du commun, définitivement lumineux.
blancs
2
Nicolas Mariotti Bindi. Mursaglia vieillissement prolongé.2014. Vin de France. vermentino. 24 mois œuf béton.
carpaccio de thon rouge et d’espadon aux lamelles d’avocat.
Le nez droit, tonique, profond, structuré par son empreinte calcaire - presque à l’accent chablisien bien mur - dessine un grain parfumé d’agrumes et de fleurs blanches mêlées aux herbes aromatiques (fenouil, anis).
La bouche puissante, harmonieuse, animée d’une tension idéale, comme ordonnée autour de son axe vertical, développe un joli jeu de saveurs anisées ; la rémanence parfumée, succédant à chaque gorgée comme un ressac, laisse un coté vibrant, joyeux, sur le palais.
3
Clos Canarelli blanc - BG (Bianco Gentille) 2013. Corse Figari. Hélas, la bouteille était dans une cave lyonnaise et comme 6 rouges suivaient (un de plus que prévu), ma proposition de remplacer l’absent par un Bianco Gentile d’Arena ou d’Yves Leccia, fut
sauvagement réprimée sagement écartée.
3
Antoine Arena. Carco 2015. Patrimonio. Vermentino. Elevage en cuves ? à confirmer.
filets de rouget au fenouil.
Aux qualités évidentes du vin précédent, se rajoutent ici un surcroit de finesse, de complexité, de précision. A l’avis de tous, son grain soyeux et sensuel - « délice de finesse, d’élégance, de tension » pour Ph Barret - son exquise fraicheur font figurer cette cuvée parmi les meilleurs blancs de vermentino corse, jamais goutés. Arena, à son meilleur, qu’est-ce que c’est bon !
rouges
5
Clos Culombu : cuvée Storia di I Sgio 2015. Vin de France. 15% Niellucciu, 15% Sciaccarellu, 30% Minustellu, 10% Carcaghjolu, 10% Murescone, 20% Aleaticu. Fermentation en amphore de 8HL en terre cuite Toscane. Élevage de 12 mois en fûts de chêne de 500 L
charcuterie corse : assiette de lonzo, terrines de sanglier et de figatellu / tomates séchées, poivrons rouges marinés.
Le nez aux arômes de fruits rouges (cassis, framboise) comme imprégné de senteurs de maquis et d’épices douces, dégage une impression de pureté, de fraicheur, une sacrée personnalité.
La bouche conserve ce coté friand et complexe, rond, délicat. Ses tannins fins dégagent une subtile impression râpeuse, tous sourires dehors, au diapason de la fraicheur souveraine ; les amers au gout de sauge, de romarin et de laurier jubilent d’être caressés par des arômes de rose et de fleur d’oranger, et nous avec. Cette cuvée expérimentale produite à quelques centaines de bouteilles, enrichit une gamme déjà superbe dés les entrées de gamme.
6
Clos Canereccia amphore cépage Carcagholu Neru 2015. Vin de France. 12 mois d’élevage en amphores.
id
Il y’a vraiment un air de famille avec le vin précédent : une impression de pureté et de précision couplés à de la structure, une belle puissance ordonnée. Ici le vrai charme qui se dégage du nez, me parait moins incarné, un plus aérien et délicat, avec la même quête de finesse, mais moins émouvant que le vin précédent, à mon gout.
Cette impression se prolonge en bouche à laquelle on ne peut rien reprocher à la souplesse des tannins au service d’une belle transparence de saveurs, mais qui manque un poil de relief, de ce coté garrigue sauvage, résolument incarné, si Corse, à l’image de la cuvée goutée en parallèle. Je force un peu le trait, ce que je regoute est franchement bon, mais je me demande si la transparence évoquée, autre nom de la pureté, visée dans ces élevages en amphore, ne prend pas le risque parfois d’être un poil monocorde en terme de saveur. Ah, le parfum délicat à l’allure de poème qui me reste en bouche, confirme que je chipote un peu…
La cuvée des Pierre rouge 2016 goutée il y’a deux jours (7,50€ quand la cuvée Amphore était vendue à 30€ à la foire de Luri, l’an dernier), sur un registre plus simple est déjà délicieuse et représentative de ce domaine qui monte.
7
Yves Leccia O Ba 2015 IGP Ile de Beauté. Assemblage à parts égales de niellucciu, de grenache et de minustellu. 12 mois d’élevage en cuve inox.
daube de sanglier
Waouh ! Le nez en cinémascope, ouvre déjà grand les portes, malgré sa jeunesse, sur le cassis, le maquis corse (romarin, myrte, laurier). Fin, harmonieux et sauvage par ses fines notes animales, il déroule à foison ces senteurs qui vous caressent quand on traverse les montagnes corses à pied. Comme le fruit épicé, bien mûr, est ici caressé par des touches de pain grillé et des senteurs d’orange sanguine, diaboliquement sensuelles.
En bouche, le toucher rond au coulant fin, la chair juteuse, profonde aux tannins intégrés, sont vraiment un modèle de franchise, de complexité vouée à la célébration de l’identité corse qui a tant de multiples facettes. Pour ma part, un des meilleurs rouges corses jamais gouté confirmant le sacré talent d’Yves Leccia.
8
Domaine Sant Armettu. Myrtus 2014. Sartene. Sciacarellu, Niellucciu, Syrah, Grenache ; élevé de longs mois en fûts de chêne.
id
Nez fin et complexe, tous charmes dehors, dont l’empreinte boisée, discrète, reste au service du fruit épicé fleurant bon la garrigue.
Bouche coulante, au grain fin et complexe, joliment structurée par son assise tannique, délivrant un bien beau jeu de saveurs auquel le bois parfaitement intégré au fruit, donne un coté polissé. Mais la persistance parfumée qui appelle le cigare, sorti de sa poche par l’ami Modat, n’a vraiment rien de standard et révèle à nouveau une autre facette de l’identité corse.
Si je savoure depuis longtemps, les vins du domaine Fiumicicoli et Saparale, autres fleurons de Sartène, pour ma part, comme pour les amis présents, nous découvrions par sa grande cuvée, le domaine San Armettu, considéré par M Bettane, comme l’un des plus talentueux et réguliers de la région de Sartène.
9
Domaine de Torracia. Oriu 2011. Corse Porto Vecchio. Niellucu (80%), Sciacarellu (20%). Elevage de trois ans en cuve.
Tommette de brebis et de chèvre Corse, brin d’amour (brebis)
Le nez, de prime abord, parait un peu sauvage - certains hâtivement diraient rustique - mais de son volume odorant un peu fouillis, un vrai grain se dessine peu à peu, révélant une complexité étonnante. Comme si les parfums singuliers de la sauge, du laurier, de la myrte, du romarin, de l’écorce d’orange, des fruits rouge, de la cerise, avaient muté en un grain réunissant le meilleur d’eux même, comme ceint d’un voile floral résolument craquant, dégageant une folle poésie.
La bouche juteuse, ronde et coulante à souhait, déroule ce grain mur au gout intense et frais, si singulier. Une farandole de saveurs témoignant à quel point les rouges corses gagnent en charme et complexité, après quelques années de vieillissement. Celui là rien ne ressemble en rien aux vins précédents et dans son genre, est franchement délicieux et émouvant.
10
Clos Canarelli. Cuvée Amphora rouge 2013. Corse Figari Niellucciu, sciacarellu, minustello, carcaghjolu, moresconu.
id
Nous avions gouté la même cuvée en 2014, nous demandant tous, à la suite de Philippe Modat, si l’élevage en amphore favorisait la garde. Je rappelle
nos commentaires
sur cette cuvée, à l’époque.
Aujourd’hui, le nez conserve la pureté décrite, la précision diamantine des parfums, son charme envoutant.
La bouche parait plus accomplie, l’influence de l’amphore sur le fruit au naturel confondant, ajoute comme un gout d’argile fine qui se mêle aux fleurs, aux notes mentholées ; le tout s’adosse à une structure ciselée, étonnante de jeunesse, de précision. C’est assurément un grand vin, mais je me demande si la minéralité prégnante de l’amphore, parfaitement accordée au fruit, n’estompe pas quelque peu son relief, l’atmosphère maquis (si bien incarnée dans la cuvée Oriu). Réserves apparentes sous forme de questions auxquelles le retour aromatique persistant d’une finesse et d’une complexité folle, apporta la réponse. Comme une évidence colorée par le rappel de l’émotion profonde que les cuvée Sgarzon et Morei d’Elisabetha Foradori, m’ont procuré la première fois que je les ai goutées. Je me surpris à penser alors que ce vin d’Yves Canarelli, parfaitement apte à la garde, était hautement civilisé.
vdn
11
Nicolas Mariotti Bindi. Malvasia Passitu VT 2016.
tarte au citron meringuée.
Malvoisie corse ? Certaines sources citées dans la bible de Pierre Rézeau sur les cépages de France, confirment que la malvoisie corse n’est autre que le vermentinu, quand d’autres évoquent une confusion entre la vraie malvoisie et le vermentinu que l’on appelle aussi, malvoisie à gros grains. Peu importe le cépage (certains VDN "impassitu" du Cap Corse sont également fait à base de malvoisie), ce vin vendangé tardivement avant d’être passerillé sur claies, est un vrai délice.
De prime abord, il évoque un muscat en un peu moins tendu, moins vif, moins exacerbé ; ce qui ne signifie pas qu’il manque de tension, tant l’harmonie entre sucre, alcool et acidité, se conjugue sur un mode délicat, avec du gras, de la finesse, de la fraicheur, des amers lumineux, ronds et suaves, animés par une tension idéale. En le regoutant, même si la comparaison semble inopportune, je ressens en terme de plaisir un cousinage gourmand avec les CdL de Philippe Delesvaux.
Alors, Corse, nouvel eldorado du vin ? Pour ma part, je me suis vraiment régalé. Catherine et les autres garçons, avant de partir en vacances, ne sauraient tarder
à prendre exemple sur LPV Versailles
à vous faire part de leurs impressions…
Bon été à tous.
Daniel