C’est avec une bande de jeunes (la trentaine…, donc très jeunes par rapport à moi
) que j’ai rendu visite au domaine Delaporte samedi dernier.
J’avais rencontré Matthieu Delaporte il y a un peu plus d’un an, lors d’une dégustation de vins du Centre Loire organisée par le BIVC (merci Benoît Roumet !) à l’occasion de la première journée du Printemps de Bourges 2015. Je ne connaissais pas le domaine et ce fut une révélation : des vins d’une grande précision, recherchant l’authenticité pour les cuvées d’assemblage et la typicité du terroir pour les cuvées parcellaires. Le lendemain, j’avais prévu de rendre visite, avec cette même bande de jeunes (plus jeunes d’un an à l’époque), à un autre domaine, et je ne pouvais donc changer mes plans au dernier moment… Mais je savais alors quelle serait notre destination pour 2016.
Matthieu n’a pu que venir nous saluer en nous apportant une bouteille manquant à l’appel, mais il est pardonné car il passe beaucoup de temps dans ses vignes. Il en passe encore plus cette année où les pluies presque incessantes nécessitent beaucoup de vigilance, pour les traiter et éviter la pourriture.
Nous sommes donc accueillis par la sémillante et compétente Magalie qui nous entraîne dans les hauts du village de Chavignol afin de situer les lieux-dits « Cul de Beaujeu » et « Monts Damnés ». Ils constituent en effet le fer de lance parmi les 33 ha du domaine, qui continue à s’agrandir peu à peu en recherchant des parcelles qualitatives. La vue est superbe mais gâchée par la forte averse qui a rapidement succédé au crachin qui nous accompagnait au départ de cette petite promenade. C’est là que vous auriez eu droit à une première photo si j’avais été au top…
Nous poursuivons les explications dans le chai remis à neuf mais qui conserve son aspect d’origine, à base de béton et de pierres. Vous auriez pu avoir ici une deuxième photo mais décidément j’étais trop concentré sur l’exposé, les questions et les réponses. Pour les curieux, il y en a une sur le site du domaine. Matthieu a donc, comme je le savais et comme la presse spécialisée s’en est fait l’écho, révolutionné le domaine par une approche bio et par la recherche de la mise en valeur des terroirs. Par exemple, l’enherbement est total pendant une bonne moitié de l’année puis le désherbement est effectué manuellement, les traitements se font au juste nécessaire, les vendanges sont désormais entièrement manuelles et les beaux demi-muids ou autres contenants viennent oxygéner lentement les vins en cours d’élevage.
Nous passons ensuite à la dégustation, et Nathalie, la maman de Matthieu, nous rejoint rapidement pour prêter main forte à Magalie. Ce duo saura faire face à mes compagnons, aussi curieux que connaisseurs…
On démarre par les rouges, sur un très beau millésime 2014.
domaine Delaporte
Chavignol rouge 2014
Un Sancerre rouge classique mais un bon classique, où le fruité friand enrobe bien une matière gouleyante.
Assez Bien +
Cuvée Maxime (silex) rouge 2014
Le nez profond affiche une belle finesse sur des arômes de griotte. La bouche charnue est dotée d’un fruité charmeur agrémenté de touches fumées. On est clairement monté de plusieurs crans, ce vin étant fait pour la table.
Bien ++
Cul de Beaujeu rouge 2014
Le nez intense présente une belle complexité par ses beaux arômes fruités et floraux.
La matière en bouche impressionne par sa densité et ses petits tanins bien présents. Un vin de grande tenue qu’il vaut mieux attendre, même s’il doit bien se comporter à table.
Bien + (+) en l’état mais je parie sur un bel avenir, encore plus prometteur que pour la cuvée Maxime.
Chavignol rosé 2015
Un rosé agréable et bien fait, mais dans la région je préfère les gris aux rosés. Certains de mes compagnons de dégustation ont bien apprécié.
Assez Bien pour moi.
Chavignol blanc 2015
L’archétype du bon Sancerre blanc, avec ses arômes de buis, de fleurs et de fruits blancs. La bouche ronde et sapide, bien équilibrée par suffisamment de vivacité, donne envie de se resservir.
Bien
Il n’y a plus de cuvée Silex 2014 à la vente ni à la dégustation, et le 2015 ne sera mis en bouteilles que le surlendemain. On attaque donc directement :
Monts Damnés blanc 2014
Le nez est très expressif, les gammes florale et fruitée étant surpassées par une sensation crayeuse du plus bel effet. Terroir, quand tu nous parles…
La matière en bouche impacte directement le palais puis on perçoit bien une minéralité sous-jacente par rapport au remarquable fruité qui donne une impression de légers sucres résiduels. La finale, grâce à l’acidité, est longue à souhait. Un bien beau vin qui gagnera certainement en complexité sur les dix ans à venir.
Très Bien (+) en l’état.
Mais il reste au frigo du Silex sur un millésime un peu plus ancien :
Cuvée Silex blanc 2012
Le nez, très intense et profond, ravit par l’alliance d’arômes citronnés et minéraux.
La bouche allie avec brio une étoffe remarquable et une force minérale qui se transforment en tension dans la longue finale dynamique. Une superbe cuvée représentative de son terroir qui en est au tout début de son apogée.
Très Bien +
Devant l’appréciation unanime, Nathalie part à la recherche d’un 2015 précocement embouteillé et pas encore étiqueté. C’est Matthieu lui-même qui nous l’apporte, ce qui permettra à certains d’échanger avec lui sur des points plus techniques.
Cuvée Silex blanc 2015
C’est la copie conforme du 2012 avec quelques nuances : un nez encore plus explosif, une minéralité un peu moins exacerbée, et un ensemble pas encore complètement fondu.
Très Bien en l’état mais un avenir radieux !
Au final, un peu plus de deux heures passées en charmante compagnie autour de vins de caractère : de quoi oublier le mauvais temps qui sévissait dehors !
D’ores et déjà, après seulement cinq ans à la tête de ce beau domaine, l’objectif de Matthieu Delaporte est réussi : réaliser des vins représentatifs de leur terroir. Et j’ajouterais « de haute volée ».
Jean-Loup