Quelle dégustation ce matin chez ce grand vigneron !
J'ai eu la chance d'accompagner une dizaine de jeunes dégustateurs (26 à 28 ans), tous amateurs de vins depuis 2 à 5 ans et avides de découvrir les vins de l'un des vignerons "vrais" de Sancerre.
A leur contact, Gérard Boulay s'est complètement ouvert, comme ses vins. Mais ce qui lui a demandé 10 à 15 mn nécessite malheureusement 10 à 15 ans pour ses vins ...
Pas de rosé, pas de rouge, mais ce n'est pas grave : les blancs de Gérard sont tellement beaux et si différents d'un terroir à l'autre et d'un milllésime à l'autre !
Une remarque qui ne trompe pas sur la profondeur et la stabilité de ses vins : la plupart des bouteilles étaient ouvertes depuis 5 jours et, à part une, cela ne se ressentait absolument pas !
Partons donc pour cette formidable balade :
Tradition 2009
Comme tous les 2009, c'est très (trop) jeune, mais surprise : cela se boit déjà très bien !
Le nez est bien ouvert, avec des notes florales et exotiques très agréables.
En bouche, c'est rond, ample, fruité et frais : tout ce que l'on attend d'un bon Sancerre.
Tradition 2006
Le nez est ouvert est plus complexe que le 2009 : minéralité et fruits (pêche, poire) se disputent la première place.
L'attaque est ronde, puis la fraîcheur prend le dessus et amène une longueur appréciable, mais on n'a encore rien vu (ou goûté) !
Très bon Sancerre à point d'après moi mais qui va pouvoir rester sur ce plateau d'apogée.
Tradition 2004
C'est le plus beau nez par rapport aux vins dégustés à ce stade, intense et sur les fruits exotiques.
La bouche se montre en revanche décevante car le végétal prend le dessus. On est sur un millésime où les rendements ont été importants, imposés par des raisins gonflés par la pluie.
Un vin très didactique, qui montre comment l'effet millésime joue et comment le vigneron peut améliorer le résultat mais en partie seulement.
Tradition 2003
Là encore, typicité du millésime : le manque d'acidité fait que le vin est superbe (grande richesse) dès qu'on le sert mais qu'il ne tient pas à l'aération. C'est le cas de cette bouteille ouverte 5 jours auparavant ...
Et on passe dans la cour des grands ...
Clos de Beaujeu 2009
La robe est encore plus claire que celle du Tradition 2009.
Le nez est très expressif, avec une belle trilogie (floral, fruité, minéral).
La bouche révèle une très belle matière et malgré sa jeunesse, ce vin est déjà bien ouvert. Il se goûte bien grâce à une certaine minéralité et une pointe d'acidité qui lui apportent une fraîcheur de bon aloi.
Un grand vin en devenir ...
Monts Damnés 2009
Gérard nous confirme ce qui a été écrit plus haut par Franck et d'autres : pas de Comtesse en 2009, les raisins de cette parcelle ont été mis dans le MD.
La robe est toujours aussi claire.
Le nez a une touche de complexité de plus que le CB, grâce à des notes exotiques.
La bouche a beaucoup de corps, avec pour moi encore plus de minéralité que dans le CB, alors que l'on est sur un terroir plus solaire ... Cherchez l'erreur : c'est moi qui dois la faire
.
Longueur énorme !
Encore un grand vin en devenir.
Comtesse 2008
Le nez se révèle moins intense que les deux crus de 2009, mais on y dénote un beau fruité avec un peu de réglisse ou d'anis (passage sous bois, pourtant modéré, mais que l'on n'a pas sur les 2009 ?).
En bouche, c'est l'équilibre parfait : belle rondeur, texture qui tapisse bien le palais, notes de fruits exotiques, très belle fraîcheur en finale.
Je ne peux qu'être d'accord avec Franck : c'est exceptionnel !
Et dans 10 ou 20 ans, ce sera super - exceptionnel ...
Du coup, je lui en ai pris trois .. Pour cette qualité et à ce prix, c'est incroyable qu'il lui en reste !
Comtesse 2007
Le nez est puissant, avec de très beaux arômes floraux et fruités (poire).
En bouche, c'est au contraire la finesse qui marque les esprits, avec une minéralité phénoménale, et une finale qui s'allOOOOOnge (tiens je fais du Superfred, mais modestement !).
Chic j'en ai déjà en cave ! Gérard me précise que pour lui les trois crus en 2007 s'ouvrent déjà très bien. Ils se comporteront donc très bien dans l'horizontale de Sancerre 2007 que j'ai préparée (3 cuvées de Boulay, 3 de Cotat, Edmond Vatan, Vacheron, Mellot ...). Mais soyez patients : pas de CR avant 2017 !
Et pour finir :
Clos de Beaujeu 1997
Une bouteille ouverte exprès pour nous et pour faire comprendre à ces jeunes amateurs qu'un grand Sancerre n'est véritablement grand qu'après une longue maturation.
La robe est dorée, certes pas très soutenue, mais c'est la première fois que l'on passe de la gamme "paille" à la gamme "or".
Le nez est puissant et complexe à la fois. On n'est plus sur le sauvignon : le terroir a pris le pouvoir ! Le nez évolue sans arrêt à l'aération, d'abord floral et beurré (on jurerait un chardonnay ou une grande roussanne) puis exotique (on est en Alsace !).
En bouche on se rapproche d'un très grand Riesling : fruits exotiques, notes citronnées très présentes, beaucoup de minéralité très noble (pierre à fusil). Après un léger creux en milieu de bouche, le vin nous surprend et rebondit pour se finir sur une finale qui n'en finit plus. On est tous sous le choc ...
Vin sublime, que je note car à point : 18/20 et j'hésite à mettre 18,5/20.
Seul Cotat m'a fait voyager ainsi vers les plus grand vins blancs de France (c'était à l'aveugle) alors que je me trouvais à 50 km de chez moi ...
A l'arrivée de cette balade, Gérard nous annonce qu'il n'a pratiquement pas de vin à vendre : 2009 a été une très petite récolte et le reste a été vendu ... Nous repartons avec quelques cartons dont un du fabuleux Comtesse 2008, mais surtout pleins d'émotion et avec encore la sensation du Clos de Beaujeu 1997 en bouche.
Encore un grand merci, Monsieur Gérard Boulay !
Jean-Loup