Savennières – CÅ“ur, Trèfle, Carreau, Pique
Non ! Xavier L. et moi n'étions pas conviés à un bridge, dans la douceur angevine !
Mais, nous nous étions promis de retourner à Savennières, après un premier passage très arrosé cet hiver. Bien nous en a pris : la journée était belle pour apprécier la végétation printanière d'une nature vivante. Un petit coin d'Anjou qui mérite le détour !
Nous avions opté pour quatre domaines et le hasard, pour l'essentiel, fit que nous allions prendre conscience, lors de ces visites, qu'il s'agissait là des quatre « tendances » actuelles, dans ce cru d'Anjou, bien ancré dans les certitudes des uns et s'ouvrant aussi sur le monde, sans pour cela partir à l'aventure.
Quelques visites permettent de mieux comprendre ce qu'est Savennières. Que peut-on retenir ?
- l'AOC Savennières, c'est 342 ha, sur trois communes. Surfaces anecdotiques sur Bouchemaine (28 ha, en amont) et La Possonnière (29 ha, en aval).
- moins de la moitié de cette superficie totale est actuellement en vigne. « C'est dur de vendre du chenin de Savennières ! » laissent entendre la plupart de nos interlocuteurs. Pourtant, certains coteaux, surplombant la Loire, vont être reclassés, sous la pression de quelques nouveaux passionnés, fraîchement débarqués dans le secteur, comme nous le verrons plus tard…
- quelques domaines « historiques », guère nombreux : en premier lieu, bien sur, la Coulée de Serrant de Nicolas Joly (la « locomotive »), le Domaine aux Moines de Mme Laroche (Savennières-Roche aux Moines uniquement), le Château de Chamboureau de Pierre Soulez, le Château d'Epiré de Luc Bizard et le Domaine du Closel de Mme de Jessey. « L'aristocratie » du vignoble local.
- il faut y ajouter sans doute un vigneron du Layon, présent depuis très longtemps sur le cru : le Domaine Baumard.
- tous les autres, ou presque, ont franchi la Loire, depuis fort peu de temps pour certains, et ont tendance à secouer le cocotier du Landerneau local : Denis Papin, Vincent Ogereau et surtout Eric Morgat, le petit jeune qui monte… le coteau !
Il existe bien sur quelques autres producteurs (moins connus, moins diffusés) que nous prendrons le temps de découvrir plus tard.
Une impression : avec ces parcelles encore en friche, dont quelques coteaux (très peu !) surplombant la Loire, et quelques années de moins, je me demande si l'envie de planter de la vigne et de produire du vin ne se concrétiseraient pas, pour moi, dans ce joli coin d'Anjou !…
- Roi de cÅ“ur : le Château d'Epiré :
Nous avions pris rendez-vous avec Luc Bizard et nous ne le regrettons pas !
Beaucoup de réserve, confinant à une certaine timidité. C'est le contraire du vigneron extraverti, sur de son fait… Plutôt sur que les certitudes sont parfois bousculées.
A peine arrivés, nous remontons en voiture après avoir jeté un Å“il sur une photo aérienne de Savennières et d'Epiré. Direction le vignoble ! Génial !
J'avais expliqué au téléphone que je souhaitais faire un article sur l'appellation, et en sa qualité d'ex-président de l'AOC, il se fait un plaisir de nous faire découvrir quelques sites essentiels.
Nous passons devant la maison (milieu XIXè), puis les vignes dites du Parc et en quelques instants, nous traversons le secteur de la Croix Picot. A pied, dans les vignes cultivées du domaine, nous descendons vers le bas de la parcelle, dite La Brosse, qui offre un superbe balcon sur la Loire.
Nous sommes au plus près du fleuve, tout proche du village de Bouchemaine. Angers est à moins de quinze kilomètres. C'est à cet endroit aussi que la vallée se rétrécit et crée un effet de tuyère. Très intéressant à plus d'un titre pour garder des vignes saines ! L'exposition sud-est laisse deviner que le chenin doit bien se plaire ici.
La proximité d'une maison récente nous permet aussi de comprendre à quel point la pression doit être importante pour ceux qui veulent préserver le vignoble. Luc Bizard nous confirmera plus tard, en nous montrant la beauté du village d'Epiré, que c'est une lutte de tous les instants :
« A Angers, tout le monde veut sa maison ici ! Si on les écoutait, il y aurait des lotissements partout !… »
Nous traversons donc le village, passons devant le Château de Chamboureau et découvrons la parcelle dite « Hu Boyau ». Vieilles vignes, plantées en 1960 et 1961. Nous nous trouvons sur une sorte de plateau, plus froid sans doute. La vigne est déjà bien avancée. Les grappes laissent deviner leur forme. Le gel n'a pratiquement pas fait de dégâts (il est estimé à 10 à 15% dans l'appellation). Quelques pas encore et nous surplombons la Loire de nouveau. Quel coteau… en dessous !
Jouxtant cette parcelle, des vignes un peu plus jeunes, Le Petit Bois. Nous montons vers une sorte de petit belvédère naturel. La parcelle est bordée d'un haut mur. Il devait être double à une époque, avec un couloir entre les deux qui devait descendre jusqu'à la Loire. Des confirmations à obtenir auprès de Nicolas Joly, propriétaire de ces fortifications. Jadis, Philippe Auguste combattit Jean Sans Terre sur ces lieux !
Ce n'est point le bruit de la bataille qui nous fait dresser l'oreille, mais le… TGV, dont la voie est coincée entre la Loire et la Coulée de Serrant. La poésie du lieu est bousculée… juste quelques instants.
Vous l'aurez deviné : juste derrière et en contrebas de ce mur, la parcelle historique de la Coulée de Serrant, plein sud-sud-ouest. En bas, la coulée et en face les deux autres parcelles exposées nord-est et le même versant de la Roche-aux-Moines. La vue est superbe. Les deux demeures sont finalement très proches l'une de l'autre. De notre côté, et en contrebas également, nous apprécions la pente d'une parcelle appartenant à N. Joly (en AOC Savennières). Les traces de chenillard illustrent toute la difficulté du travail de la vigne par ici !…
Après cette découverte du vignoble, Luc Bizard nous convie à une découverte de quelques cuvées du millésime 2002.
Nous devisons quelques instants des millésimes précédents et notons au passage que notre hôte n'est pas complètement satisfait de son 2001. Il lui préfère 2000 ! Pourtant, certains de ses voisins pensent l'inverse de leur production. Mais, tous sont à peu près unanimes : 2002 sera très beau.
En fait, Luc Bizard confesse (et c'est tout à son honneur !) qu'à Epiré, on est un peu bousculé par les nouvelles tendances. Il avoue aussi que, parfois, il n'est pas le dernier à démarrer les vendanges. Mais, il a une grande volonté de s'adapter et de prendre ce qui est positif. Malo, pas de malo ? Du bois ? Juste un peu et encore, davantage pour satisfaire la part de clientèle anglo-saxonne !
Nous découvrons quelques cuvées donc, avant assemblage : Le Parc, à l'acidité assez soutenue, Hu Boyau, plus dense et plus intense, le Château d'Epiré moelleux, à l'équilibre notoire, gardant une belle fraîcheur. (Pour plus de détails… Xavier a des notes. No problem !… ;-)
Très belle visite ! Si vous passez dans le coin, n'hésitez pas !
A suivre… Dans un prochain CR : le Dix de trèfle, la Dame de carreau et le Valet de pique !
PhR