Visites chez Philippe Foreau, Domaine du Clos Naudin, Vouvray
Cela faisait longtemps que je voulais me rendre à cette adresse. Pensez donc, mes deux premières approches du domaine furent Goutte d’Or 2011 et Moelleux Réserve 1989. Depuis, j’ai bu des quantités astronomiques du demi-sec 2009.
Rendez-vous était donc pris pour une matinée de juillet. Trois autres personnes arrivent en même temps que nous, Philippe Foreau nous accueille, nous tend des verres et c’est parti, direction la cave. J’y ai découvert un homme charmant, parlant de son travail et de ses vins avec simplicité et passion. Le tout doublé d’un dégustateur de haut vol et d’un gastronome averti, ayant toujours un conseil d’accord, méritant tout à fait le surnom de maestro qu’on peut lire parfois.
Le domaine pratique depuis 2004 une agriculture biologique non certifiée, car voulant se laisser une marge de manœuvre en cas de situation extrême. D’après Philippe Foreau, dès 2005, la qualité des vins a décollé.
Les vins secs
Vouvray sec 2014
13,2°. Parfumé, texture à la fois tendre et vive avec une belle acidité et une longue finale saline. Selon Foreau, le vin commence à bien s’ouvrir et est parfaitement adapté, en ce moment aux poissons crus.
Vouvray sec 2015
13,5°. Plus gras et mûr, plus sur la poire que sur les agrumes, moins salin et à la texture plus serrée, pour l’instant, que le 2014. Beaux amers nobles en finale, belle matière, ça devrait envoyer du lourd dans quelques années. Pour accompagner les poissons cuits.
Vouvray sec 2016
13,5°, pH 2,93, SR 8g/L. Aromatique sur le citron vert et le kiwi, le vin est électrique, avec finalement de la douceur qui arrive dans une finale déjà harmonieuse. Wow. Après quelques années de garde, accompagnera les beurres blancs.
Les demi-secs
Vouvray demi-sec 2016
13,5°, pH<3, SR 20g/L. Toujours le citron vert et le kiwi (pour moi, les marqueurs aromatiques du millésime dans le secteur, sur ce que j’ai goûté cet été), la poire, la clémentine, le poivre et les fleurs blanches. Super acidité qui porte littéralement la matière, grande fraîcheur, longueur sur la poire fraîche.
Vouvray demi-sec 2015
SR 27g/L. Nez plus ouvert et plus mûr. Bouche avec plus de gras et de sucre, sans lourdeur aucune. Poire, figue fraîche, miel, texture un peu granuleuse, belle fraîcheur en finale. Très beau vin qui me rappelle un peu le 2009.
Les moelleux
Vins réalisés à partir de raisins passerillés sur pieds, avec pas ou peu de botrytis.
Moelleux 2010
SR 50g/L. Il nous dit avoir fait ce vin un peu par hasard. Il comptait faire un sec avec des jeunes vignes mais le potentiel alcoolique était trop fort. Il a alors fait trier la parcelle et vinifié ce moelleux. Selon lui, le vin est à boire car avec ces jeunes vignes, il manque un peu de profondeur et de texture et ne gagnera plus à être attendu. Une fois qu’il a dit ça, un ne peut qu’acquiescer, mais tout de même, c’est vachement bon ! Figue fraîche, pêche, algue nori, fumée. La finale, acidulée, est superbe. Recommandé sur du fois gras poêlé rhubarbe et fraise.
Moelleux 2015
Nez d’une grande douceur, sur la poire et la mirabelle. Bouche un peu monolithique pour le moment, mais de belle texture ronde.
Les moelleux réserve
Vins réalisés à partir de raisin majoritairement atteints de botrytis.
Moelleux Réserve 2015
11,5°, SR 120g/L. La robe est plus dorée et plus visqueuse. Coing, fumée, poivre, c’est complexe et long, avec des amers incroyablement vibrants en fin de bouche.
Moelleux Réserve 2016
SR 130g/ L. Citron vert, fruit de la passion, énorme acidité, superbe, électrique. Ce sera dur de regarder les bouteilles pendant 20 ans sans y toucher. Une énorme claque !
On finit avec un vin à l’aveugle. La couleur est ambrée, les arômes évolués. Fruits rôtis, caramel, poivre, safran. Complexe, longueur proverbiale. Assez incroyable. Philippe Foreau nous explique que c’est une expérience, un vin qu’il n’a jamais commercialisé. C’est le
Moelleux Réserve 1989,
mais élevé en barrique neuve. Effectivement, si l’élevage n’est plus perceptible, le bois neuf a marqué le vin, qui semble bien différent du souvenir que j’ai de ce 1989 bu il y a quelques années.
Après un passage chez François Pinon l’après-midi, mon épouse me dit qu’elle a beaucoup apprécié cette route des vins et qu’elle aimerait que ses parents, qui devaient arriver du Japon 10 jours plus tard, puissent faire cette expérience. Je les ai donc emmenés chez Huet puis, en sortant, nous avons sonné au Clos Naudin : je voulais acheter quelques bouteilles de plus et leur montrer la cave. C’est le salarié, Jean-Charles (j’espère que je me souviens bien du nom), qui nous reçoit et prend très gentiment le temps de nous faire déguster à nouveau les 2016. Puis il regarde au sol et nous dit : « Il y a une Goutte d’Or ouverte, gouttons-la. »
Goutte d’Or 2015
Le vin est d’une densité rare tout en étant léger et frais. Fraise, fumée, caramel, énorme acidité pour supporter le tout, longueur digne d’un Paris-Brest-Paris. Splendide.