J’ai passé quelques jours tout près d’Uzès et j’ai naturellement cherché des avis sur LPV pour voir si un domaine était intéressant à visiter. Le domaine Agarrus sortait du lot mais j’en ai parlé à l’ami Vivien qui m’a aussitôt envoyé une courte liste où ce domaine sortait également en tête d’après lui. Il n’avait pas fait de CR mais avait rencontré Serge Scherrer et en gardait un excellent souvenir.
Je prends donc rendez-vous, ce qui est obligatoire si on ne veut pas trouver porte close.
Et, déjà, il faut la trouver, la porte !
L’adresse a changé depuis la création du fil (merci à un administrateur de la modifier) : c’est 169 avenue Pierre de Cabissole à Saint Quentin la Poterie.
Ensuite seul Google Maps vous conduit au bon endroit.
Le n° de portable de Serge Scherrer, lui, n’a pas changé, et cela peut aider pour réserver puis éventuellement se faire guider…
La rencontre a donc lieu et l’homme est éminemment sympathique : il a des idées qu’il défend mais sans en rajouter, est également d’une grande franchise et très à l’écoute. On a beaucoup parlé de vin mais aussi abordé d’autres sujets comme la région d’Uzès, qu’il a adoptée et qu’il défend pour sa beauté, son climat et ses produits de terroir.
Sa cave se situe dans un grand hangar qu’il loue. Elle comprend des dizaines de cuves de tailles différentes car chaque parcelle est vinifiée séparément.
La belle dégustation va comprendre huit cuvées, sur douze produites (quatre en blancs, une en rosé et sept en rouge).
12,5 ha sont en production sur 14,5 qui appartiennent au domaine. Celui-ci s’est donc encore agrandi depuis le CR de Cyresne (août 2020) car Serge Scherrer n’a pas pu laisser passer de belles parcelles à la vente, avec des terroirs très intéressants (ex : viognier sur grès métamorphique riche en quartz et en fer).
Il envisage de planter des cépages anciens mieux adaptés au réchauffement climatique (ex : aramon) et a maintenant une employée pour l’aider, car les journées n’ont que 24 h !
Sa philosophie est de rechercher la fraîcheur dans ses vins : il est aidé en cela par la silice de sable que l’on retrouve un peu partout dans cette zone géographique, et ses choix se portent sur des maturités non poussées, des pressurages rapides et des cuvaisons courtes.
Il cherche aussi l’authenticité dans ses cuvées : élevages quasiment intégralement en cuves, très peu de soufre (typiquement uniquement 2g / hl à la mise), et protection obtenue avec un peu de CO2. Il est en route vers la biodynamie, au sein d’un groupe de vignerons amis.
Comme partout, les vendanges ont lieu de plus en plus tôt (il a cité Laurent Meynadier, bien connu des LPViens, qui a vendangé certaines parcelles en juillet), ce qui peut poser un problème pour la maturité phénolique. Les vendanges sont effectuées à la main sur toutes ses parcelles.
Une autre conséquence du réchauffement climatique est que la fermentation malolactique démarre parfois pendant la fermentation alcoolique, ce qui peut provoquer une montée de l’acidité volatile.
En 2022, le domaine a vu sa récolte chuter d’un tiers par rapport à une récolte normale, à cause de la grêle et d’un incendie.
La vente se répartit en trois parts à peu près égales : 1/3 sur place, dont beaucoup à des habitants de son village (!) mais aussi en profitant des touristes en villégiature, 1/3 aux restaurants et cavistes et 1 /3 à l’export.
Enfin chaque nom de cuvée a sa propre histoire et chaque étiquette est illustrée par un dessinateur ou une dessinatrice de BD, dont il est fan.
IGP Duché d’Uzès - A Capella - 2021
Le nom de la cuvée rappelle le nom du village où se situent les vignes : La Capelle-et-Masmolène.
L’assemblage comprend 50 % de viognier, 30 % de grenache blanc et 20 % de roussanne.
Le nez explose d’arômes fruités et floraux.
La bouche est dotée d’un très léger perlant non gênant. Elle allie une matière savoureuse à une grande tension, et montre même une certaine salinité en finale.
Coup de cœur !
Vin de France - Les Passages - 2021
Le nom de la cuvée fait référence aux passeurs qui aident les migrants à franchir les frontières, notamment d’Italie en France.
La cuvée comprend les mêmes cépages mais à parts égales. Elle est élevée dans des fûts d’Yquem (!) de quatre vins. Le but est de montrer à la clientèle qui aime les Bourgogne blancs qu’on peut faire des vins qui s’en approchent dans la région.
Même si l’élevage n’est pas si marqué, on sent la présence de bois dès le nez, mais c’est en bouche qu’il ressort plus, en aromatique et surtout en lui procurant du gras et de la longueur, mais en réduisant nettement la tension par rapport au premier vin.
Je ne suis pas trop fan.
On passe aux rouges, ayant de moi-même fait l'impasse sur le rosé.
Vin de France - L’Affranchi - 2021
Cette cuvée porte ce nom car c’est la première que Serge Scherrer a réalisée sans aucun ajout de soufre.
Il s’agit d’un monocépage grenache noir issu de vignes sur calcaire.
Seulement 8 jours de macération.
Un vin friand, fruité, très vif, simple mais pas trop léger.
Vin de France - L’Insoumis - 2021
La cuvée est ainsi nommée car le carignan était un cépage mal aimé. Il compose 100% de la cuvée et provient de vignes sur argiles sableuses.
Un nez très appétent, une matière charnue, beaucoup d’acidité, presque trop ? La persistance est belle.
Vin de France - L’équilibriste - 2021
Cette cuvée a été créée en 2015, année où le domaine a failli couler, suite à de gros accidents climatiques. Il a donc fallu un numéro d’équilibriste pour s’en sortir et continuer.
C’est un monocépage syrah, mais provenant de deux parcelles, l’une sur argilo-calcaire et l’autre sur argile.
Les raisins sont égrappés et triés sur table.
Le nez est assez typé syrah avec ses fruits noirs et ses épices.
La bouche est plutôt corsée, alliant belle matière et tension.
IGP Duché d’Uzès - La Vigne du facteur - 2021
Le nom de la cuvée fait référence à l’ancien métier de Serge Scherrer.
L’assemblage se compose de 55 % de grenache, 20 % de carignan, 20 % de syrah et 5 % de cinsault.
Un vin doté d’un très bel équilibre, au grand fruit et à l’acidité bien dosée.
C’est beau !
IGP Cévennes - Claux d’Ozon - 2020
La cuvée prend le nom de la parcelle mais ce n’est pas un Clos !
L’assemblage comprend 50 % de syrah, 35 % de grenache et 15 % de tempranillo !
9 mois d’élevage en cuve suivis d’un an en bouteille.
Un vin ample, avec une matière irréprochable tenue par des tanins fins et une bonne acidité.
IGP Cévennes - Les Toiles - 2020
L’illustration de cette cuvée change chaque année, d’où son nom.
La syrah, sur argile, domine (80 %) dans l’assemblage, avec le complément en grenache.
La maturité et l’extraction sont « un peu » plus poussées que pour les autres cuvées.
« Un peu » est l’expression juste car on reste sur un équilibre remarquable, avec certes un peu plus de densité et des tanins titillants. L’aromatique est bien épicée et la finale toute en fraîcheur.
Une série haut en couleurs !
Voilà qui clôture bien une très belle dégustation et surtout un excellent moment passé en compagnie de Serge Scherrer, un vigneron authentique et franc, comme ses vins !
Jean-Loup