Dégustation verticale de la cuve Jean Sirven
Avoir la chance de déguster tous les millésimes de cette cuvée est un privilège, j'en suis bien conscient. C'est aussi une expérience assez unique, une de celle qui redonne le goût pour ces vins sudistes de haut niveau. Cette cuvée fait partie incontestablement des grandes cuvées méditerranéennes et surtout aujourd'hui, elle s'inscrit dans la durée et montre tout leur potentiel.
Cépages : 50% Carignan, 45% Syrah et 5% Grenache noir
Premier millésime : 1999
Age moyen des vignes : 40 ans
Terroir et mode de culture :
Vignes situées sur des sols argilo-calcaires recouverts de galets roulés. Les vignes sont cultivées en conduite raisonnée avec retour au labour sur l’ensemble des parcelles et utilisation d’intercep sur certaines.
Les vignes sont situées sur des sols à fertilité réduite et peu exposés à la sécheresse.
Rendement : 20 Hectolitres /Hectare (vendanges en vert)
Vendanges : manuelles
Vinification :
Arrivés à la cave, les raisins sont égrappés, triés, foulés et vinifiés traditionnellement en alternant pigeages manuels et remontages. Maîtrise des températures tout le long de la vinification. Macération durant 3 semaines et pressurage pneumatique.
Elevage :
La cuvée Jean SIRVEN est élevée en fût pendant 18-20 mois. La fermentation
malolactique se fait dans les fûts. La mise en bouteille se fait courant du mois de mai.
Production : environ 4000 bouteilles.
Jean Sirven 1999 :
La robe commence à tuiler, mais la profondeur impressionne. Le vin possède encore des arômes liés à son élevage qui se diffuse par des notes de café, de tabac : le fruit y est associé, c’est assez noble, les épices sont présentes. En bouche, le vin possède beaucoup de mâche, une belle fraîcheur mais aussi des amers qui prennent un peu le pas sur le plaisir. C’est un vin mâle, sérieux mais qui me semble manquer un peu d’élégance.
Jean Sirven 2000 :
Robe tuilée qui semble assez légère, reflets acajou. Beau nez sur la tapenade, la truffe, le café. Bouche tout en délicatesse et en finesse sur des notes florales superbe, grande fraîcheur, belle vivacité et superbe longueur. Très élégant : c’est à mon avis un grand vin qui a encore bien des choses à dire.
Jean Sirven 2001 :
La robe commence à s’ourler de brun : le nez est évolué, sur des notes de cacao, de torréfié, avec de la réglisse, des notes de garrigue. C’est enjôleur, un brin chaleureux. Le vin en bouche confirme cet équilibre solaire, avec une matière puissante mais polie. Pour peu que la température de service soit un peu rafraîchie, le vin se tient très bien et procure beaucoup de plaisir à table. Longue finale sur un équilibre ou l’alcool se fait sentir. La bouteille dégustée n’inclinait pas à penser que le vin gagnera beaucoup à se garder encore.
Jean Sirven 2002 :
La robe est concentrée, pas très limpide, avec un début dévolution brun, mais sans trop pour un vin de plus de 10 ans. Le nez évoque la syrah par un côté olive, violette, voire truffe à l’aération. En bouche le vin garde cette note très parfumée, ce qui lui confère un accent très rhodanien, comme sur certain grands Saint Joseph : il possède un très bel équilibre, une grande fraîcheur qui s’associe parfaitement à cette dominante florale: le vin s’étire longuement, très longuement. C’est vraiment excellent jusqu’en finale.
Jean Sirven 2003 :
La robe est très sombre avec un tout début d’évolution. Les arômes sont assez classiques, sur des notes de fruit rouge et noir, des épices, un côté assez grenache au nez. La bouche est un peu plus austère que celle des autres vins, avec des tannins plus marqués, moins polis, mais l’équilibre est très bon et surprend même dans ce millésime que l’on aurait pu croire trop chaud. La longueur n’est pas aussi développée que celle du vin précédent, mais c’est en tout cas très bon, dans un style étonnamment classique.
Jean Sirven 2004 :
La robe est d’encre, très jeune. Les arômes sont charmeurs et ouverts essentiellement floraux avec une touche mentholée / anisée qui apporte une jolie fraîcheur. La bouche est marquante par son volume, son poli, sa suavité. C’est un vin absolument délicieux en l’état et très long. Il semble parfaitement prêt à boire mais ne donne aucun signe de fatigue. Un très bon millésime pour cette cuvée dans un style charmeur.
Jean Sirven 2005 :
Le vin impressionne comme on le verse dans le verre par son opacité sanguine et cette impression de densité. C’est un grand nez que l’on découvre en humant avec sans doute plus de sensations boisées que pour le 2004, avec des épices plus en avant également, c’est un vin plus mâle. On ressent toutes ces impressions en bouche avec des saveurs goudronnées, de fruits rouges. L’alcool se fait un peu sentir dans la longue finale aux tannins serrés.
Jean Sirven 2006 :
La robe est toujours de la même veine avec cette concentration qui confine à l’opacité. Des impressions de caramels, de goudron jaillissent du verre. En bouche, apparaissent des notes d’orgeat, d’amande amère. Une certaine évolution semble plus marquée sur ce vin qui semble moins abouti, un peu plus court aussi.
Jean Sirven 2007 :
Si la robe est toujours aussi impressionnante de concentration, le nez de ce vin dans ce millésime s’individualise par des notes un peu lactées, vanillées. L’élevage n’est pas encore tout à fait gommé. C’est un vin sphérique en bouche, monobloc et donne l’impression d’un grand vin en gestation qu’il faut absolument attendre et qui possède un gros potentiel. L’équilibre est somptueux, les tannins demandent encore à se fondre : il faut être patient et la récompense promet d’être très belle.
Jean Sirven 2008 :
La robe est superbe de noirceur et de reflets sanguins qui tirent encore sur le violine. Ce nez est tout à fait représentatif d’autres vins de Fitou dans ce millésime 2008 : du cassis, des notes de buis, de sureau et de goudron. L’ensemble est rayonnant, très ouvert et très frais. La bouche est encore très compacte mais possède des qualités de grand vin. Il associe dans ce millésime au plus au point les qualités de cette cuvée, faite d’opulence et de générosité, doublées d’un équilibre magistral pétri de fraîcheur. Excellent.
Jean Sirven 2009 :
La robe est très profonde comme à l’accoutumée. Le nez est d’abord réduit puis s’ouvre sur des notes d’élevage, de fruits compotés, avec des arômes de banane séchée. Ce goût de boisé encore trop marqué se retrouve en bouche ; une bouche qui manque un peu de grâce avec une sensation chaleureuse en finale. Ce millésime apparaît un peu en dessous sur cette dégustation.
Jean Sirven 2010 :
La robe est sans doute la plus belle de toute la dégustation avec une brillance inédite, une profondeur extrême. Les nez est merveilleux de complexité alliant certes des notes boisées, mais aussi un fruité charmeur (fruits noirs) avec une touche mentholée qui procure de la classe et de la fraîcheur. Le vin en bouche est magnifique de densité et de force contenue. C’est un grand vin déjà évident mais qui est promis à un avenir radieux.
Jean Sirven 2011 :
Si la robe est également très profonde, opaque avec des reflets violines, ce vin pâtit de passer après le 2010. Le nez est floral et mentholé. La bouche est très souple, sans doute un peu lâche et laisse une impression de chaleur en finale. Mais qu’il est difficile de déguster un vin après ce 2008 et ce 2010 !
C'est vraiment une grande cuvée méditerranéenne qui depuis 1999 affirme un style et qui a donné de grands vins : 2000, 2002, 2004, 2008 et 2010 sont vraiment des vins extraordinaires.
Ce n'est d'ailleurs pas forcément dans les millésimes les plus réputés que cette cuvée est la meilleure. Quoi qu'il en soit, c'est une valeur sûre et surtout l'oeuvre d'un perfectionniste qui donne un point de mire à bien des vignerons sudistes.