Compte rendu d'une petite verticale du Mas Cal Demoura. 6 millésimes sur 10 ans en partant du dernier né.
La dégustation s'est faite selon le seul critère de l'âge croissant du vin, une obligation pour des raisons pédagogiques. Les vins ont été ouvert 2h avant dégustation, goûtés puis rebouchés, le 2006 a été carafé à ce moment.
L'Infidèle 2008
Couleur pourpre, profond. Ce qui frappe, c'est la jeunesse du vin. Au nez, au départ, un légère réduction typique de la Syrah. Ensuite, poivré, épicé, fruité (le fruit est vraiment énorme dans cette bouteille). En bouche, c'est gras, ample, tellement gras qu'on a une impression de pâte de fruit ! L'impression est difficile à rendre car le fruit tapisse comme de la confiture mais n'est pas confituré (cuit). La densité du vin est énorme et c'est puissant sans être fort. Les tannins sont d'une finesse incroyable. Assurément, les maturités ont été gérées de main de maître ! Ce sera très grand l'an prochain quand la jeunesse aura été digérée.
89/100
L'Infidèle 2007
Goûté il y a 4 mois environ, le vin se présente largement mieux (déjà qu'il se présentait bien !). Couleur proche de 2008, très sombre. Par contre au nez comme en bouche, plus de finesse, plus d'élégance, plus de complexité... Magique. Ce vin est vraiment superbe et s'améliore de mois en mois. La bouche est d'une profondeur rare : on y pénètre comme dans un temple grec, jusqu'au naos, un paroxysme aromatique et gustatif. Ce vin n'impressionne pas tant par la pure puissance que par la façon avec laquelle elle est arrangée, composée. Enfin, la structure tannique est ultra fine, laissant la bouche salivante, assoiffée... Superbe.
92/100
L'Infidèle 2006
Autant 2007 et 2008 sont ouverts, ronds, accessibles, autant 2006 est à l'inverse, très retenu, ce qui caractérise ce vin. Pas évolué, le nez est calme, discret mais soutenu. En bouche surtout, on le comprend mieux. Les arômes sont là mais apparaissent juste par touche, se devinent, un peu comme si on avait très sous-exposé une photographie NB. La structure tannique est énorme, bonne mais beaucoup plus sensible que dans les deux autres. Pour moi, c'est un millésime à attendre mais qui sera magnifique, car je suis persuadé qu'il aura gardé son fruit même dans dix ans. Pas le meilleur de la série mais je pense que la situation pourrait se retourner dans une dizaine d'année (sinon au minimum s'équilibrer).
82/100
L'Infidèle 2003
Changement de style, pas tant à cause du millésime, que du producteur. Il porte la patte de JP Jullien. L'évolution est par ailleurs nette. Nez de cuir, de fourrure, de sous-bois, mais pas trop marqué. Le fruit est derrière, encore, assez évolué. Bouche très douce, ample, très belle. J'aime mais je le préférais il y a un an ou deux. Si vous aimez le tertiaire et le côté sauvage, gibier, vous aimerez encore plus que moi.
80/100
L'Infidèle 2000
Coulure ! Vin très évolué qui fait 2003 puissance 3. Pratiquement plus de fruit, avec un défaut un peu amer en bouche (qui disparaît avec l'ouverture). Globalement, le vin est bon mais je n'ai décidément aucune sensibilité aux vins (trop) vieux. Chose intéressante, le vin est resté ouvert 3 jours et n'a absolument pas bougé, sinon que la bouche s'est arrondie. Je pense que c'est l'effet de la coulure qui a dû entraîner une oxydation très lente et rendu de fait le vin insensible à une oxydation supplémentaire.
75/100
L'Infidèle 1998
Après un vin que je classe comme trop vieux, un 1998 absolument magique. La couleur n'est pas plus évoluée que 2003, le nez est empreint de tertiaire mais rien qui vienne couvrir le fruit, le floral. La bouche est dans la même tonalité, avec une fraîcheur imparable et une rondeur, une beauté cristalline que ne peut apporter que le vieillissement des meilleurs vins. Ce 1998 est une évidence. Il est tellement évident qu'il emporte jusqu'aux personnes qui n'y connaissent rien et n'ont jamais goûté un vin aussi vieux.
C'est exactement ce que j'appelle un grand vin à maturité, tout le contraire de 2000. Et c'est presque parfait. Absolument joussif !
94/100
Voilà donc le compte rendu de cette très belle verticale. On retiendra donc 1998, 2007, 2008, 2006 pour les grandes bouteilles. 4/6, en étant dur (car 2003 était très bon aussi), c'est une bonne moyenne !
A la vue de ces vins, il n'y a pas photo, je préfère le style actuel, même si j'ai un petit pincement au coeur quand je pense aux premiers Cal Demoura que j'ai goûtés... parfois, je me dis que j'aimerais regoûter à cette puissance brut(al)e.