VERTICALE DU PRIEURà‰ DE SAINT-JEAN DE Bà‰BIAN (20/12/2002)
Organisée chez moi pour un groupe d'amis et condisciples du cours d'oeno, avec le soutiens logistique de Chantal Lecouty, propriétaire du domaine. Je profite de l'occasion pour la remercier du temps qu'elle a consacré à répondre à mes questions et à contribuer à ce que cette soirée soit une réussite.
Renseignements extraits du site internet du domaine
www.bebian.com avec l'autorisation des propriétaires :
Histoire
Le Prieuré de Saint-Jean de Bébian à Pezenas est l'un des plus anciens lieux de culture de la vigne en France. Je vous épargne les détails et vous invite à consulter le site internet du Domaine. Passons directement à la période qui nous intéresse :
En 1975, Alain Roux reprend en mains le domaine familial et entreprend des modifications fondamentales. Il plante des cépages nobles : syrah, grenache, mourvèdre. Il garde soigneusement les vieux plants méditerranéens (cinsault, carignan). Et y adjoint les autres cépages traditionnels de Châteauneuf du Pape : roussane, marsanne, clairette, counoise, bourboulenc, grenache gris...
Le Prieuré de St Jean de Bébian a été racheté en 1994 par Chantal Lecouty et Jean Claude Le Brun, anciens dirigeants de la Revue du Vin de France, qui entendent continuer l'Å“uvre d'Alain Roux : produire des vins méditerranéens de la plus haute qualité.
Le vignoble
Situation géographique : A 3 km de Pézenas (Hérault), sur les coteaux formant les premiers contreforts des Cévennes.
Appellation : Coteaux du Languedoc
Surface : 29 ha en production ; 4,5 ha en plantiers
Orientation : Coteaux tous exposés sud ou sud-ouest
Type de sols : Sols arides et caillouteux : calcaires et argilo-calcaires du Villafranchien, basalte, argilo-gréseux (galets de grès et de quartz), argilo-siliceux (marbre).
Particularité : Vignoble très morcelé (28 parcelles), avec des vignes parfois éloignées du domaine, car seuls les meilleurs terroirs ont été retenus.
La culture
Principaux cépages rouges : Syrah, grenache mourvèdre, plus ce qui fait la spécificité de Bébian : une grande parcelle plantée "en foule" avec les 13 cépages de Châteauneuf-du-Pape.
Age moyen des vignes : 25 ans, mais 3 hectares de grenache ont été plantés en 1925.
Origine des vignes : Essentiellement en sélections massales, les syrahs venant de chez Chave, en Hermitage ; les grenaches et les 13 cépages du Château Rayas, à Châteauneuf-du-Pape ; les mourvèdres du Domaine Tempier à Bandol.
Nous continuons cette politique et venons de replanter près de 2 ha de syrah en sélection massale du Château Beaucastel, à Châteauneuf-du-Pape.
Densité de plantation : 5000 à 5500 pieds/hectare, ce qui est le maximum en Languedoc.
Taille de la vigne : La plus courte possible.
Engrais : Aucun tant que la vigne ne présente pas de carence. Utilisation alors de fumiers organiques (aucun engrais chimique).
Traitements : Suivant la méthode dite "lutte raisonnée".
Rendement : 25 hl/ha en moyenne.
Les vendanges
Date : 10 à 15 jours après le démarrage officiel des vendanges, afin de récolter tous les cépages en surmaturité totale.
Ramassage : Vendanges manuelles en cagettes de 20 kg, de manière à respecter la qualité de chaque grappe. Premier tri à la vigne, deuxième à la table de tri avant mise en cuve.
Egrappage : 100% des syrah et 50% des grenaches, le reste non égrappé.
La vinification
ROUGE
Philosophie : Vinification séparée par cépages.
Type de cuves : Cuves de pierres du XVIIe et béton, paraffinées pour une parfaite hygiène.
Cuvaisons : Macération lente et longue de 4 à 8 semaines selon les cépages, avec remontages et pigeages réguliers.
Pressage : Pressoir pneumatique depuis 1994. Elimination dans le 2ème vin des jus de presse ne donnant pas toute satisfaction pour le "grand"vin.
Fermentation malo-lactique : Depuis 1994, en barriques pour les syrah et mourvèdre, en cuves pour les autres cépages.
BLANC
Vinification : Séparée par cépages.
Pressurage : Pressoir pneumatique, suivi d'un débourbage court de 24 heures.
Fermentation : en barriques de chêne des Vosges de Damy (tonnelier à Meursault) renouvelées par tiers.
Elevage : Sur lies pendant 6 à 8 mois, avec bâtonnages réguliers.
L'élevage
Elevage : En barriques pour le Prieuré, en cuves pour la Chapelle.
Age et nature des barriques : un tiers bois neuf, un tiers bois d'un an, un tiers bois de deux ans. Elevage en barriques bourguignonnes (2,28 hl) et demi-muids (6 hl). Chênes de la Forêt du Tronçais et de Bertranges produits par François Frères, tonnelier à Saint-Romain/Beaune. Chauffe minimum, de manière à affiner le vin sans que le goût intrinsèque de Bébian ne soit dénaturé par un boisé intempestif.
Durée de l'élevage : 6 à 18 mois selon les cépages.
Composition de l'assemblage : Pour le Prieuré : 25/30% syrah, 25/30% mourvèdre, 40/50% grenache et les cépages de Châteauneuf. Pour la Chapelle : 35/40% cinsaut, 35/40% carignan, 20/30% jeunes vignes de grenache, syrah, mourvèdre.
Filtration : Mis en bouteilles en non filtré pour le Prieuré. De plus, grâce à la configuration naturelle de notre cave, semi-enterrée sur 3 niveaux, les vins sont mis en bouteilles par gravité, sans intervention de pompe. D'où un respect total du vin.
Mise en bouteilles : Depuis le 95, une seule mise en bouteilles à la propriété, 18 mois après les vendanges.
Type de bouteilles : Bourguignonne lourde "Séduction" de Saint-Gobain.
Nom du maître de chai : Chantal Lecouty.
Nom de l'oenologue : François Serres.
Place maintenant à quelques extraits du courrier échangé avec Chantal Lecouty (toujours avec son autorisation, bien entendu) :
Mon premier millésime complet a été le 95… servie par une chance d'enfer car cette année a été somptueuse sur le plan climatique.
En ce qui concerne la transition avec Alain Roux, je pense que la philosophie reste la même : produire de grands vins méditerranéens. « Grand vin », pour moi, cela signifie : concentré, complexe, élégant, de garde… La quadrature du cercle ! « Méditerranéen », c'est à dire solaire, typique du Sud, ce qui exclut les cépages internationaux tels cabernet, merlot, chardonnay etc.
La différence que j'ai cherché à établir : les vins d'Alain Roux étaient denses, massifs ; mais manquaient d'élégance en milieu et fin de bouche. Ceci provenait essentiellement de 3 points, que j'ai corrigés :
1°) Alain vendangeait avec une benne à vendanges à vis sans fin, ce qui triturait quelque peu les rafles et communiquait des goûts herbacés en finale (vous le constaterez vous-même sur les 91 et 89 : malgré le temps, les finales restent un peu dures et sèches). Nous avons introduit le ramassage en caisses de 15/20 kg, afin que les raisins soient intacts à leur entrée en cuve.
2°) Alain vinifiait à partir de raisins non égrappés. J'égrappe désormais 70 à 90% de la vendange, préférant les tannins de la maturité à ceux de la rafle.
3°) Les vins d'Alain étaient élevés en cuve. Nous avons introduit l'élevage de 6/18 mois en barriques pour les civiliser (sans les boiser).
Pour la petite histoire : Alain Roux vit aujourd'hui en Californie. Nous sommes en contact régulier (pendant les vendanges, il téléphone tous les 2/3 jours) et je crois qu'il est content de l'évolution de Bébian.
J'insisterais enfin sur trois points :
Les vins de Bébian sont des vins de garde, qui demandent 4/5 ans avant de s'ouvrir. Ceci explique qu'ils puissent être fermés, voire austères, avant leur apogée.
Ils sont à dominante de grenache, cépage à mon avis plus élégant mais moins immédiat que la syrah. (et au passage j'en ai marre de la « syrahmania » qui sévit en Languedoc et des syrahs « de garage », « bodybuildées » par le bois neuf afin de décrocher la timbale chez Parker…).
A propos des cuvées de prestige si à la mode : je m'y refuse. J'ai l'ambition que Bébian tout entier soit un vin de prestige. C'est-à -dire 50 à 60.000 bouteilles du même assemblage, de la même mise en bouteilles.
En ce moment, je suis très fière de mon Prieuré blanc, auquel je crois beaucoup. Il provient de magnifiques garrigues, en friche quand nous avons acheté la propriété. De superbes terroirs de calcaires lacustres (30% de calcaire actif !) sur lequel j'ai planté des roussannes en sélection massale de Beaucastel. Rendement : 18 à 20 hl/ha… mais quelle qualité de raisins !
Commentaires de dégustation :
Outre le millésime 90 que je n'ai pas trouvé, il manque le millésime 92 qui, en fait, n'existe pas. Alain Roux, estimant que les vins de ce millésime pluvieux ne méritaient pas de s'appeler « Bébian » a vendu toute sa récolte 92 en vrac au négoce. Quant au millésime 93 que je n'avais pas non plus, il m'a été offert par le domaine, je tenais à le souligner ! (“Il manque aussi le 93, qui n'est pas un millésime grandiose mais qui aurait sa place dans votre dégustation. Une propriété doit se juger sur tous ses millésimes, y compris les moins brillants. J'ajoute aussi que c'est le dernier vinifié par Alain Roux. Puis-je me permettre de vous en offrir quelques bouteilles ? Faites-moi savoir combien il vous en faudrait car nous n'en avons plus beaucoup.â€)
Les vins ont été servis dans l'ordre chronologique. Pour chacun des rouges, j'indique entre parenthèse le temps de carafage tel que recommandé par le domaine et, à partir du millésime 94, la fiche technique du millésime, sous la plume de Chantal Lecouty.
1. La Chapelle de Bébian 2000 – Blanc
Robe : Jaune doré pâle avec de belles jambes.
Nez : Frais, sur les fruits exotiques, la poire, les agrumes, la citronnelle, une pointe de menthol et d'amande ; Belle complexité, boisé perceptible.
Bouche : Fraîche, grasse, soutenue par une bonne acidité (excessive pour certains) sur le citron mûr. On retrouve le menthol et l'amande amère. Belle finale sur le pamplemousse rose.
Note : 14.67/20
2. Prieuré de Saint-Jean de Bébian 2000 – Blanc
Robe : Jaune doré, étincelante et très glycérinée.
Nez : Puissant et riche, sur les fruits mûrs (voir surmûris) - abricot, pêche blanche, fruits exotiques – et des notes minérales (pierre à fusil), mais dominé par du caramel au beurre qui l'alourdit un peu.
Bouche : Ample et ronde, matière énorme qui tapisse la bouche sur des arômes d'abricot mûr, d'amande grillée et de caramel au beurre, légèrement marquée par l'alcool. Bonne longueur. On aimerait un peu plus de fraîcheur.
Note : 15.25/20
3. Prieuré de Saint-Jean de Bébian 1986 (non carafé, simplement décanté avant le service)
Robe : Acajou à bords tuilés, limpide et brillante.
Nez : D'abord viandeux et poussiéreux, puis fruité sur la cerise griotte ; évolue vers le tabac et le bois noble.
Bouche : Structurée avec une belle acidité, tanins encore très présents, un peu rustiques et astringents ; arômes de torréfaction sur le café et le chocolat. Finale de longueur moyenne sur la fève de cacao qui amène une légère amertume.
Note : 13.50/20
4. Prieuré de Saint-Jean de Bébian 1989 (non carafé, simplement décanté avant le service)
Robe : Rubis tournant à l'acajou, moins évoluée et avec un peu plus de matière que dans le précédent ; brillante.
Nez : Premier nez réduit et poussiéreux, suivi par des odeurs de sous-bois et de champignons, de fumé, de poivron, de grain de café et de vanille. Il continue à évoluer sur des notes empyreumatiques et mentholées. Grande complexité.
Bouche : Puissante et structurée, ample, avec des tanins puissants mais astringents, des arômes de cuir, de chocolat, de cacao, de noix fraîche, de tabac et de bois précieux et une longue finale dotée d'une belle amertume.
Note : 14.08/20
5. Prieuré de Saint-Jean de Bébian 1991 (carafé 1 heure)
Robe : rubis, évoluée.
Nez : Puissant, sur la cerise à l'alcool et le chocolat (mon chéri), une note mentholée fugace, des épices et de la torréfaction. Manque un peu de fraîcheur ; l'alcool domine.
Bouche : Superbe équilibre, bonne structure avec de la fraîcheur, une grosse matière sur les cerises noires très mûres et le chocolat, ainsi que des tanins imposants et bien fondus, quoi que présentant une légère sécheresse dans la finale. La finale est très longue sur les fruits noirs et les épices.
A son optimum de maturité.
Note : 16.25/20
6. Prieuré de Saint-Jean de Bébian 1993 (non carafé, simplement décanté avant le service)
Robe : Rubis évolué, brillante avec des jambes puissantes et colorées.
Nez : Tripes, sous-bois, champignons, végétal, épicé et vanillé. Très complexe ; harmonieux.
Bouche : Puissante, ronde et veloutée, avec des arômes de viande, de fruits rouges et noirs, de chocolat et de torréfaction, de beaux tanins pas encore fondus et une longue finale épicée sur le poivre blanc et la muscade.
Egalement en plein apogée.
Note : 16.25/20
7. Prieuré de Saint-Jean de Bébian 1994 (carafé 1 heure)
Bon millésime. Fait avec l'aide d'Alain Roux, qui m'a tenu la main tout au long des vinifications. Je l'en remercie encore…
Composition de l'assemblage du 94: 30% syrah, 30% mourvèdre, 40% grenache et les cépages de Châteauneuf.
Le chai à barriques n'était pas encore aménagé, d'où 30% seulement de vins élevés sous bois (les syrahs).
Robe : Rubis à tendance grenat, légèrement évoluée.
Nez : Légèrement fumé avec une dominante de poivron et de griotte mais également du cassis, des épices, du cuir, du chocolat à la menthe (after-eight) et du poivre blanc. Complexe.
Bouche : Belle adéquation entre le nez et la bouche. On retrouve la cerise aigre, les épices et la fève de cacao. Le vin est moins rond que les précédents et les tanins sont légèrement asséchants. La finale est moyenne avec une acidité assez marquée.
Note : 14.00/20
8. Domaine du Vieux-Télégraphe 95 (CDP – Pirate – carafé 3 heures)
Robe : Rubis à tendance acajou, tuilée sur le bord du disque, légèrement trouble.
Nez : D'abord réduit et champignonné, puis sur de doux fruits rouges (framboise, cuberdon) et du poivre. Il évolue vers le poivron, la cerise, le tabac, le fumé, la viande grillée et les odeurs de garrigue.
Bouche : Surprenante, aigre-douce, avec des fruits rouges et de la violette, de beaux tanins soyeux mais légèrement poussiéreux, une belle matière. Il finit longuement sur du jus de viande rôtie et des herbes de provence.
Note : 15.58/20
9. Prieuré de Saint-Jean de Bébian 1995 (carafé 3 heures)
Le plus beau millésime de la décennie 90. Eté et septembre de grand soleil, sans aucune pluie de janvier aux vendanges. Les raisins présentaient une concentration extraordinaire.
Composition de l'assemblage du 95 : 35% syrah, 20% mourvèdre, 45% grenache, et les cépages de Châteauneuf.
Le chai à barriques était fini… mais les raisins étaient si concentrés que l'élevage en barriques nous a paru superfétatoire ; nous l'avons fait sur 20% des vins (uniquement certaines syrahs).
Robe : Rubis soutenu à pourpre, profonde et brillante.
Nez : Premier nez marqué par le caramel brûlé, la torréfaction et le café, suivis d'arômes de violette, de framboise et d'autres fruits très mûrs (fraise et même de l'abricot). Très puissant, mûr et complexe.
Bouche : Ample, souple, puissante et veloutée, parfaitement équilibrée malgré la richesse en fruits très mûrs et l'énorme concentration. Complexe avec de belles épices (girofle), de l'amaretto, du chocolat et du cappuccino. Les tanins sont mûrs, élégants et enrobés et la finale est immense. Une gourmandise ; trop parfait pour certains.
Note : 17.17/20
10. Prieuré de Saint-Jean de Bébian 1996 (carafé plus d'une heure)
Temps entre goutte et soleil pendant les vendanges. Raisins moins concentrés, qu'il a fallu trier. Millésime de charme plus que de puissance.
Elevage 1/3 bois neuf, 1/3 bois d'1 an, 1/3 bois de 2 ans.
Composition de l'assemblage du 96 : 25% syrah, 25% mourvèdre, 50% grenache, et les cépages de Châteauneuf.
Robe : Rubis foncé violacé.
Nez : Moins complexe que le précédent avec un fruité soutenu sur la cerise, des notes de fumé et de torréfaction, de la boîte à cigare et un léger menthol.
Bouche : Ronde, puissante et équilibrée avec beaucoup de fruit, des tanins fins et imposants mais devant encore se fondre. On retrouve du poivron mûr dans la finale. Bonne persistance.
Note : 14.58/20
11. Prieuré de Saint-Jean de Bébian 1997 (carafé 3 heures)
Le millésime à qui je dois mes premiers cheveux blancs !
Beau temps pendant les vendanges, avec surtout une arrière-saison magnifique de soleil et de mistral. D'où des mourvèdres très mûrs (trop ?) avec des grappes botrytisées.
Comme l'assemblage contient de surcroit plus de mouvèdre que d'habitude, les vins ont été longs à se faire : rébarbatifs même dans leur jeunesse, marqués par des notes animales typiques du mourvèdre… mais qui faisaient fuir les clients ! J'étais catastrophée…
Comme souvent, il fallait laisser du temps au temps : les arômes tertiaires se sont transformés et maintenant c'est un beau Bébian, dont le bouquet contient encore des notes animales (et tant mieux : pour moi, c'est l'empreinte de ce millésime).
Elevage : Comme 96
Composition de l'assemblage du 97: 25% syrah, 35% mourvèdre, 50% grenache, et les cépages de Châteauneuf.
Robe : Rubis, légèrement évoluée, moins dense que les précédents.
Nez : D'abord des arômes d'écurie et de réduit (malgré un carafage de plus de 4 heures) puis de poivron, de pain grillé, de cacao, d'amande, de cuir et de boîte à cigare. Le boisé du à l'élevage est perceptible.
Bouche : Fraîcheur, malgré la présence d'alcool (arômes de pruneaux macérés dans l'alcool), par le fait d'une acidité qui, à ce stade, domine la matière. Les tanins sont moins fins que dans les vins précédents et l'élevage est encore fort présent. Bonne finale sur le cacao et les épices. A revoir dans 2 ans.
Note : 14.83/20
12. Prieuré de Saint-Jean de Bébian 1998 (carafé plus de 3 heures)
Superbe millésime. Très beau temps pendant toutes les vendanges. Maturité idéale.
Elevage : comme le 97
Composition de l'assemblage du 98: 40% grenache, 25% syrah, 30% mourvèdre, complété par les 13 cépages de Châteauneuf.
Robe : Rubis foncé violacé.
Nez : Viandeux et lacté (croûte de fromage), sur le cassis et la cerise kirschée, avec des notes de fumé et de torréfaction ainsi qu'une subtile note végétale et de tabac. Complexe.
Bouche : Ronde, dense et ample avec beaucoup de matière. On y trouve de la compote de fruits rouges, du jus de viande, de la torréfaction et des tanins très denses qui doivent encore se fondre, mais qui ne dérangent pas. La finale est longue avec une belle amertume et une note végétale plaisante. On ressent encore l'élevage, mais il est élégant.
Note : 15.08/20
13. Prieuré de Saint-Jean de Bébian 1999 (carafé plus d'une heure)
L'horreur pour un vigneron : la grêle en pleine vendange, le matin du 6 septembre, a anéanti 40% de la récolte. Surtout les mourvèdres, cépage qui se ramasse d'habitude début octobre et qui, à cette date, n'était pas mûr.
1999 est donc un Bébian atypique, dans la mesure où l'assemblage n'en contient que 5%.
D'où un vin qui n'a pas la colonne vertébrale tannique que confère d'habitude le mourvèdre. Un vin de fruit, à boire plus vite.
Composition de l'assemblage du 99: 40% syrah, 40% grenache, 10% cinsaut, 5 % mourvèdre, complété par les 13 cépages de Châteauneuf du Pape.
Robe : Rubis Foncé légèrement violacé.
Nez : D'abord animal, puis débordant de fruits (cerise noire bien mûre), d'épices et de cuir. Elevage très élégant.
Bouche : Fraîche, équilibrée, ronde, fruitée et torréfiée avec du chocolat. Moins dense et plus souple que le précédent, les tanins sont arrondis. Finit un peu court sur du grain de café.
Note : 15.33/20
14. Prieuré de Saint-Jean de Bébian 2000 (carafé plus de 3 heures)
Superbe millésime avec grand beau et mistral pendant presque 30 jours d'affilée. Maturité optimale sur tous les cépages.
Composition de l'assemblage du 2000: 50% grenache et cépages de Châteauneuf, 35% syrah, 15% mourvèdre.
2000 est un millésime aussi beau que 1998 mais dans un style différent. Ceci est voulu. Il y avait tout pour faire un vin « monstre » tant les raisins étaient concentrés.
Mais en vinifiant, il m'a semblé intuitivement qu'il fallait moins d'extraction, moins de bois (une grande partie des grenaches a été élevée en cuves inox) que ce que je faisais jusqu'à présent. Je cherche désormais à privilégier la complexité, la finesse, le fruité à la puissance stricto sensu (ce qui n'exclue pas l'ampleur et la longueur).
C'est un choix. Ai-je raison ? Ce sera à vous, amateurs de Bébian, d'en juger !
Robe : Rubis foncé, brillante.
Nez : Fruité exubérant sur le sureau et le cassis, rehaussé d'épices et de caramel. Elevage discret mais élégant.
Bouche : Ample, très fruitée avec une grande maturité. Les tanins sont jeunes mais racés. Bonne persistance avec du cacao et de la noix verte en finale. Elégant.
Note : 15.08/20
Classement :
Note moyenne Note moyenne sans les extrêmes Ecart entre les notes extrêmes
Blanc 2000 15.13 15.25 4.5
Chapelle Blanc 2000 14.56 14.67 3.5
Prieuré 1995 17.00 17.17 5
Prieuré 1993 16.31 16.25 3
Prieuré 1991 16.00 16.25 4.5
VT 1995 15.44 15.58 4
Prieuré 1999 15.38 15.33 2
Prieuré 1998 15.00 15.08 3.5
Prieuré 2000 15.00 15.08 3.5
Prieuré 1997 14.88 14.83 3
Prieuré 1996 14.56 14.58 2.5
Prieuré 1989 14.06 14.08 5
Prieuré 1994 13.94 14.00 3.5
Prieuré 1986 13.50 13.50 5
Analyse des résultats :
D'abord, j'avoue avoir été un peu présomptueux en proposant 14 vins en dégustation. C'est beaucoup trop et la fin de la soirée s'est avérée pénible. Les derniers vins dégustés n'ont certainement pas été appréciés à leur juste valeur. La prochaine fois (je retenterai l'expérience avec un autre groupe), je ne présenterai plus ni les blancs, ni le pirate.
Les blancs :
Les deux vins ont été servis côte à côte, à l'aveugle. Personne n'a imaginé qu'il s'agissait de deux vins différents. Il a suffit que quelqu'un suggère qu'il devait s'agir du même vin sur deux millésimes différents pour que tout le monde s'engouffre dans cette hypothèse. Résultat, le premier était tout en fraîcheur et donc jeune, le deuxième, par conséquent, ne pouvait qu'être passé, certain allant jusqu'à lui trouver des traces d'oxydation. (du danger de la dégustation à l'aveugle)
Les bouteilles étant dévoilées, on s'accorde à trouver La Chapelle magnifique, le Prieuré Blanc étant reconnu comme grand vin de gastronomie, mais manquant un peu de fraîcheur.
Les rouges :
Le niveau d'ensemble est excellent, l'homogénéité des notes est assez surprenante et la preuve est faite que Prieuré est un grand vin de garde. Il est surprenant de retrouver le 91 et le 93 (pourtant réputé petit millésime) dans le trio de tête. Une explication est que, outre la lassitude en fin de dégustation qui a pénalisé les derniers millésimes, ces deux vins sont vraiment à leur apogée actuellement.
La rédaction des commentaires fut un exercice difficile, tant on retrouvait des caractéristiques communes aux vins. J'avais l'impression de faire un copier-collé des mêmes termes – torréfaction, cerise, chocolat, épices, menthe, etc – les millésimes se différenciant sur des nuances. J'espère ne pas avoir été trop lassant.
Je crois pouvoir affirmer que ces vins sont bien à l'image de la philosophie du « Grand vin » « Méditerranéen » du domaine, c'est-à -dire, effectivement concentrés, complexes, élégants, de gardes et typés soleil/garrigue.
Pour avoir suivi l'évolution des fonds de bouteilles sur les deux/trois jours qui ont suivi la dégustation, je peux rajouter en outre que les vins résistent très bien à l'oxydation. (vin simplement reversé dans la bouteille d'origine rebouchée avec le bouchon d'origine, conservé dans une pièce à 12°c)
Statistiques :
Nous n'étions finalement que 9 participants, des personnes avec qui je suis des cours d'Å“nologie (je devrais plutôt dire d'Å“nophile) pour la quatrième année consécutive. Pas des « spécialistes », mais des gens ayant quand même un bagage de plus de 150 dégustations derrière eux. L'écart entre les notes extrêmes apporte quelques enseignements ; ainsi, le 95 a t'il été apprécié par la majorité des participants, mais une personne l'a trouvé excessif (bête à concours). Les 86 et 89 sont appréciés pour leur complexité aromatique mais d'aucun stigmatisent la sécheresse des tanins. J'ai déjà goûté le 89 à table (il y a un peu plus d'un an), accompagnant un magret de canard aux champignons sauvages, et il était somptueux.
C'est la quatrième dégustation thématique que j'organisais ; voici quelques chiffres comparatifs :
1. Saint-à‰milion (avec entre autres Troplong-Mondot 92, Magdelaine 94, Quinault-L'Enclos 97 et 98 et Angélus 86 et 92) :
- note moyenne = 14.96/20 (somme des notes / nombre de vins dégustés)
- prix moyen par bouteille = 31.78 €
2. Bordeaux Blanc AOC (avec entre autres Blanc de Lynch-Bages99, Aile d'Argent 97 de Mouton-Rothschild, Pavillon Blanc 99 de Château Margaux, Y 85 d'Yquem) :
- note moyenne = 14.53/20
- prix moyen = 21.83 €
3. Margaux (avec entre autres Lascombes 90, Palmer 88, Rausan-Ségla 86 et Margaux 92) :
- note moyenne = 14.90/20
- prix moyen = 42.20 €
4. Prieuré de Saint-Jean de Bébian :
- note moyenne = 15.14/20
- prix moyen = 18.01 €
Des chiffres à relativiser, bien sûr, vu que les notes n'ont pas un caractère absolu (voir un autre débat), mais significatifs quant au fait que les vins nous ont plu.
Plusieurs de mes convives n'avaient jamais entendu parler de ce domaine, tous ont été subjugués.
A l'unanimité, Prieuré de Saint-Jean de Bébian, c'est très grand !
Didier