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Ma première bière.

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Ma première bière. a été créé par Vougeot

Ma première bière.

Hier soir, j’ai brassé ma première bière chez… Ma première bière.
Le concept est le suivant : moyennant le paiement d’un forfait, vous pouvez brasser de A à Z ou de B à Z.
Entendez par là que vous pouvez, durant quatre heures, approcher le brassage d’une bière dans son intégralité ou, comme ma femme et moi, passer l’étape la plus longue pour se concentrer sur les moments les plus « techniques ».

Nous voici donc arrivés à Belbeuf, aux portes de l’agglomération rouennaise, avec 8 autres personnes et le propriétaire de ce charmant concept.

Nous sommes accueillis dans un local technico-commercial qui, outre une petite sélection de bières artisanales et d’eaux minérales, comporte les installations qui nous permettront de brasser.

Ce soir, nous brasserons une bière blonde ou une bière ambrée, selon le souhait émis lors de la réservation.

Le brasseur commence par une question basique :
- « De quoi se compose une bière » ?

Le groupe trouve vite les quatre ingrédients : eau, céréale, houblon, levure.

Nous apprenons que c’est une abbesse, au XIIe siècle, qui a généralisé l’usage du houblon. Non pour son goût – encore que ! – mais, surtout, pour ses propriétés antiseptiques permettant une meilleure conservation.

Et qu’une bière sans houblon est une cervoise ; même si les cervoises sans houblon sont rares.

En parlant de houblon… On trouve souvent du houblon sauvage dans la nature. Moi-même, en flânant sur les rives de l’Eure, j’en ai fréquemment vu s’élancer vers la cime des arbres. Frottées dans la paume des mains, les jolies petites grappes dorées laissaient apparaître leur odeur caractéristique. Mais de l’avis du brasseur, qui a mené des essais de houblonnage sauvage sur sa production, son intérêt aromatique est limité et, surtout, aléatoire.

Des souches de houblon ont été développées durant des centaines d’années et permettent désormais d’assurer la qualité et la régularité du goût.

Mais revenons à la base de tout : les céréales.

Elles sont primordiales puisque de leur qualité ; principalement leur teneur en « sucre », dépendra la future fermentation, le titre d’alcool et le goût de la bière.

Si j’ai bien compris...

Avant d’arriver chez le brasseur, les céréales ont d’abord subit un trempage destiné à entamer un processus de libération de certaines enzymes nécessaires au brassage. Elles sont ensuite passées dans un four qui va stopper ce processus. Elles seront séchées ou, parfois, plus ou moins grillées pour donner un peu moins ou un peu plus de goût et de couleur à la bière. C'est la phase dite du maltage.

Nous avons ainsi pu voir un malt dit « chocolat », provenant de Belgique, dont les grains tiraient vers le marron foncé. Ce type de malt ne s’emploie qu’avec parcimonie.

Prenant l’exemple – classique – de la GUINNESS, je demande si cette bière est fabriquée avec ce type de malt.
Le brasseur explique au groupe qu’une bière brassée avec 100 % de malt « Chocolat » serait imbuvable. Même si la bière est noire, ce type de malt n’est incorporé qu’en faible quantité. Ainsi, une GUINNESS ne comporte que 10 à 15 % de malt très torréfié.

Pour information, C'est à Rouen qu'est installée la plus grande malterie d’Europe. Normal : Rouen est le premier port céréalier d'Europe. Le brasseur l’a contactée pour savoir s’il était possible de travailler avec elle. Réponse de l’industriel :
- « Si vous prenez une semi-remorque, aucun problème » !

Le blé (froment) non malté donnera une bière blanche. Le maïs n’a guère d’autre intérêt que de fournir beaucoup de sucre, donc une teneur en alcool plus forte. Les brasseurs industriels l’emploient en masse afin de fabriquer des bières fortes. Nous avons également vu de l’orge, du seigle, de l’épeautre plus ou moins chauffés. Les goûts des malts, selon la nature de la céréale et son degré de chauffe, sont très différents les uns des autres.

Un bon malt est un malt ayant une bonne teneur en matière sèche, en sucre et, surtout, indemne de caillou. Pourquoi ? Parce que les grains passent dans un concasseur pour les préparer au trempage. Et les rouleaux du concasseur n’aiment pas du tout les cailloux… Cela ne fera pas plaisir à nos amis belges, mais notre brasseur a cessé de s’approvisionner en Belgique car les malts y étaient de piètre qualité. Il importe désormais de très qualitatifs malts allemands.

Mais revenons au brassage.

Ceux qui prennent le forfait 4 heures, le samedi matin, récupèrent le malt brut et vont le faire tremper dans une cuve afin qu’il libère son sucre, ses enzymes et ses arômes. Au bout de deux heures, ils passeront à l’étape suivante : le brassage.

C’est ce que nous allons faire.

Dans un cylindre d’environ 60 cm de haut sur 30 cm de diamètre, de l’eau a été versée à notre attention. Il y a de quoi faire, en principe, 6 litres de bière. Cette eau est progressivement chauffée par une résistance. Elle montera, d’ici 45 mn, à la température de 100 °.

A gauche, la cuve de brassage. A droite, le tonneau de soutirage.

Le brasseur a préparé des brocs qui contiennent une poudre légèrement jaune. C’est de l’extrait de malt qui, selon l’homme de l’art « coûte très cher ; bien plus cher que des céréales maltées vendues en sac ».

Il nous invite à verser cet extrait précautionneusement au risque, explique-t-il « qu’il colle sur vos vêtements ». Je ne peux résister à l’envie de goûter cet extrait de malt qui, effectivement très sucré, propose la même saveur que les Maltesers ou l’Ovomaltine. Ceux qui en ont déjà mangé comprendront ce que je veux dire. Pour les autres, il s’agit d’une saveur légèrement miellée, biscuitée, collant aux dents et reconnaissable entre mille.

Nos brassons donc cette eau chaude qui accueille, progressivement, l’extrait de malt. S’en dégage une odeur de gâteau et, surtout, beaucoup de vapeur vite avalée par le système d’extraction performant placé au-dessus des cuves. Sans ce système, le magasin ressemblerait à un sauna.

Je profite d’un temps mort pour poser quelques questions :
- « Nous brassons de façon artisanale. Mais les grands brasseurs mondiaux brassent-ils selon ce système ? Nous savons bien que le temps, c’est de l’argent et, si j’étais à leur place, je prendrais de l’eau, dans laquelle j’incorporerais un sirop alcoolisé goût « céréales » et de l’extrait de houblon. Un bon coup de gaz carbonique et le tour serait joué »…

Le gars rit jaune et m’assure que K. ou H. brassent bien leurs bières – si mauvaises soient elles – à partir de céréales maltées. Je suis déçu.

Avant que nous ne passions à la prochaine étape, le houblonnage, le brasseur nous livre quelques détails techniques ayant leur importance :
- Les bières ont un indice de couleur. Plus il est bas, moins la bière est colorée. Plus il est haut et plus la bière est sombre.
- Elles ont aussi un indice d’amertume qui fonctionne comme l’indice de couleur.
- La fabrication d’une bière suit scrupuleusement une recette. Mais il est bien évidemment possible de tâtonner, en jouant sur les malts ou les houblons, les épices, éventuellement les fruits, jusqu’à trouver la recette miraculeuse.
- la Loi de pureté Allemande autorise tout, sauf l'ajout de sucre.
- La qualité de l’eau n’est, à priori, pas un problème. On peut brasser une très bonne bière avec de l’eau du robinet.

Je tique…
- « Notre eau du robinet est souvent très chlorée. Lorsque je sers un thé à ma femme (ndlr : quel mari formidable !) il lui arrive fréquemment de ne pas le boire tant l’odeur de chlore est prégnante. Dans ces conditions, n’y a-t-il pas un risque que la bière soit contaminée par ce goût ? Et que le chlore influe négativement sur l’action des levures » ?

« Votre brassin est chauffé à 100 ° pendant une heure. Ce temps est largement suffisant pour que le chlore s'évapore. Et les levures sont ajoutées en fin de brassage », répond l’homme de l’art. Message reçu.

Néanmoins, en mon for intérieur, je reste sceptique. Mais sur un autre point... Imaginez brasser avec de l’eau d’Hépar, à la consistance plutôt grasse. Et brassez avec de la Volvic, beaucoup plus sèche en bouche. Vous ne pensez pas que la structure de la bière, à composants identiques, sera différente ?

Je poserai la question en allant chercher mes binouzes…

J’étais encore dans mes pensées lorsque notre hôte nous invita à insérer le houblon dans le brassin.

Il existe des quantités de houblons, plus ou moins aromatiques et, surtout, plus ou moins amers. Le brasseur nous explique que, spontanément, l’homme fuit l’acidité et l’amertume. « Et le cabernet franc ! », ajouté-je.

« Je ne sais pas, je n’aime pas le vin, reprend le brasseur qui poursuit : certains houblons ont des indices IBU de l’ordre de 150. Ils produisent des bières disons… radicales qui ont néanmoins leurs amateurs. Les IPA – vous avez entendu parler des IPA ? – sont élaborées avec des houblons aromatiques et amers car elles devaient tenir 6 mois de navigation avant d’arriver en Inde. D’où leur nom. Nous retrouvons la vocation de conservateur, d’antiseptique, du houblon » conclut-il.

Sur la table, 5 boîtes contiennent des pellets de houblon ; sorte de petits granulés verts, ressemblant aux granulés de luzerne que l’on donne aux lapins. Mais beaucoup plus aromatiques. Tellement aromatiques qu’ils perdent vite leurs arômes. D’où leur conservation en boîte hermétique.

Comme nos recettes ont été fixées par le brasseur, nous mettons, dans une chaussette de gaze, 10 grammes de houblon. Une autre chaussette contiendra 5 grammes d’une autre variété.

Nous plongeons cette première chaussette dans notre brassin désormais en ébullition. Il y séjournera jusqu’à la fin de l’opération.

La bière, ce n'est pas un truc pour les amateurs ! ça se surveille !

Avec notre fourquet (sorte de pelle en inox), nous brassons, brassons, brassons, pour que le houblon diffuse ses arômes dans le brassin.

Le temps de partager un p’tit apéro autour de deux petites bières blondes, il est temps d’ajouter la dernière chaussette. Ce sont ces cinq petits grammes qui donneront son caractère parfumé à la bière.

Après un petit quart d’heure d’infusion, nous passons au refroidissement et au soutirage. Pompé dans la cuve, le liquide passe de 90° à 20° grâce à un ingénieux système de serpentins jumelés. D’un côté, la future bière, de l’autre de l’eau pompée dans une cuve en circuit fermé. L’échange thermique fait le reste.

Le brasseur nous remet un petit sachet de poudre crème/grise. Ce sont les levures. Je lui parle des fameuses brettanomyces cervisae tant redoutées des amateurs de vin.

« Je ne sais pas, je n’aime pas le vin » me répond-t-il avant de m’indiquer qu’il s’agit d’une source de saccharomyces. Il nous invite à passer au soutirage.

Un fermenteur nous est remis. Il s’agit d’un petit tonneau en plastique blanc, bien plus classe que celui utilisé au Clos de Rougeot, sur lequel est monté un système de siphon translucide dans lequel stagne de l’eau. Les bulles produites dans le siphon permettront de constater que la fermentation se déroule bien.

Cette étape est cruciale. Le brasseur nous explique qu’à aucun moment nous ne devons mettre quoi que ce soit en contact avec l’intérieur du fermenteur ou du tuyau par lequel le liquide va s’écouler ; au risque d’apporter des bactéries qui seront néfastes au goût de la bière. Nous verserons donc les levures avec la plus grande précaution avant de refermer le fermenteur et d’agiter le tout.

Mélange des levures dans le fermenteur. Cette opération est pratiquée depuis des siècles dans un Clos bien connu.

C’est fini ! Il ne reste plus qu’à trouver un nom à cette bière que nous appellerons La Lafayette ; clin d’œil aux copains qui nous ont offert ce moment privilégié.

Si tout va bien, notre « bière » fera sa prise de bulles dans les locaux du brasseur. Nous irons la chercher le 21 ou le 22 juin. Il faudra ensuite conserver les bouteilles debout durant 5 semaines, à une température comprise entre 18 et 21 ° ; ce qui, en Normandie, ne devrait pas être un problème. Il faudra encore quelques semaines de stockage à 5°, cette fois-ci couchées, avant de pouvoir la déguster.

Nous en reparlerons à la fin de l'été.

Recette de la Lafayette en cours de fabrication.

Mon avis :
Notre brassage a coûté 90 € pour une ou deux personnes. La prestation a duré deux heures. Sont fournis :
- Le matériel,
- Les ingrédients,
- Les « cours » théoriques,
- Un petit apéro (pain, pâté, saucisson sec, neufchâtel) et trois petites bières (8/10 cl) pour lancer la discussion,
- Et, 5 semaines plus tard, environ 6 litres de bière ; soit 12 bouteilles de 50 cl.

Pour 130 €, on brasse 18 litres de bière durant quatre heures avec des céréales maltées. Ce doit être plus intéressant que l’ajout d’une poudre dans l’eau.

Ces tarifs, qui me paraissaient chers sur le papier, me semblent tout à fait honnêtes au regard des prestations offertes et du bon moment passé.

Seul point négatif – mais en est-ce vraiment un ? – nous n’avons pas la possibilité de faire notre bière sans une recette préétablie. Cela évitera, néanmoins, les résultats hasardeux, voire imbuvables.

Si l’on veut aller plus loin :
Je pense qu’il faut prendre disons… deux ou trois séances de 4 heures afin de bien appréhender toutes les étapes, questionner en détail sur les passages obligés, les éventuels difficultés et les erreurs à ne pas commettre avant de se lancer en achetant son propre matériel, disponible sur internet ou au magasin. Les possibilités ouvertes sont ensuite infinies…

Pour l’anecdote :
Le houblon supporte très mal la lumière. Les bières de qualité sont contenues dans des verres très sombres.
Selon le brasseur, le meilleur contenant est… la canette métallique.
Et la meilleure pour la fin :
Très peu houblonnée, la Tsing Tao Beer est la bière qui comporte le plus de résidus de pesticides. Il faudra vous en souvenir lorsque vous entrerez dans un restaurant chinois... ;)

Ma première bière. Notez toutes les données techniques imprimées sur l'étiquette.
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30 Mai 2019 19:45 #1
Pièces jointes :

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Réponse de mgtusi sur le sujet Ma première bière.

Le retour de l'abbaye de Rougeot ?

Sinon le concept est intéressant et je suis d'accord que les 90 € demandés ne sont pas excessifs.

Michel
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30 Mai 2019 20:00 #2

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Réponse de Eric B sur le sujet Ma première bière.

Tu vas épater la galerie avec ta La Fayette ;)

Eric
Mon blog
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30 Mai 2019 20:21 #3

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Réponse de Vougeot sur le sujet Ma première bière.

Export exclusif vers les Etats-Unis, vendue uniquement le 4 juillet, Eric !
y'a un concept à développer... :whistle:
Les utilisateur(s) suivant ont remercié: Agnès C
30 Mai 2019 20:36 #4

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