Une voisine, elle aussi calfeutrée dans sa voiture, tente une sortie, ou plutôt une rentrée chez elle, j’en profite pour faire de même et lui demander où se trouve précisément le
domaine Charles Trosset & Fils. C’est certes fléché à l’entrée, mais la cour se situe en retrait : c’est plutôt étroit.
Mais voilà l’un des frères Trosset qui arrive, j’apprendrai plus tard qu’il est en retraite, mais pas de la vigne, qui m’exhorte à me protéger de la pluie et de la foudre, en attendant son frère. Il arrive enfin après quelques seaux d’eau : ce professeur de biologie encore en activité me reçoit avec beaucoup de simplicité.
Je ne connais ce domaine que de nom et à travers un Prestige des Arpents 2000 qui m’a fait forte impression en mars dernier. J’ai donc tout à apprendre de ce domaine et des hommes qui font désormais le vin et la réputation de ce domaine.
Comme Gilles Berlioz, les deux frères Trosset, Louis et Joseph, exploitent un vignoble de taille modeste, de taille humaine oserai-je dire : ils ne sont qu’eux deux à travailler régulièrement leurs quatre hectares de vignes. Au vue de l’éreintement de monsieur Trosset, je comprends que le labeur n’est pas un vain mot pour eux. En discutant avec lui, je ressens son amour pour leurs vignes, pour le travail passé effectué par ses parents et par sa passion du travail bien fait, en fonction des moyens matériels autorisés compte de la taille modeste de la cave et de la vigne. Celle-ci empêche dès lors l’utilisation de barriques, par manque de place et par une maintenance coûteuse spacialement et financièrement. Tous les vins sont élevés en cuve. Il m’a semblé au cours de la dégustation, que l’achat de foudres pourrait être un atout pour la cuvée Confidentiel, leur cuvée phare : le foudre pourrait apporter un échange intéressant entre l’oxygène et les tanins de la mondeuse, en préservant son fruit et en ne marquant pas la cuvée par un boisé inutile. Là encore, le coût élevé de son acquisition tout comme son entretien et la place qu’un foudre occupe, est un obstacle majeur. Ce n’est qu’une piste de réflexion, je suis peut-être dans l’erreur ?
Le domaine ne produit que de la mondeuse d’Arbin, sur 4 ha situés sur les coteaux en face du domaine. Approche raisonnée à la vigne, mais le travail accompli semble proche de celui des domaines bio : tout est mis en œuvre pour exprimer les spécificités de la mondeuse sur ce beau terroir, en préservant le fruit de la mondeuse.
Mais toute cette eau qui tombe finit invariablement par me donner soif… de découvrir leur gamme : trois niveaux, crescendo, pour la plupart des millésimes :
- Prestige des Arpents
- Harmonie
- Confidentiel
La différence entre ces trois cuvées se fait lors de la sélection des différentes cuves. Les différentes parcelles, celles de vieilles et de jeunes vignes sont vinifiées séparément et assemblées par la suite pour constituer les 3 cuvées.
1/
Prestige des Arpents 2005
Cuvée mise en bouteille il y a environ un mois.
Nez fruité, sur le cassis et la violette. Un archétype d’une jeune mondeuse prometteuse.
Beau volume en bouche, acidité bien intégrée à l’ensemble, fraîcheur de bon aloi. Excellente entrée en matière.
2/
Harmonie 2004
Robe profonde, pourpre, violine, aux bords violacés.
Nez étonnant au premier abord de poivron rouge très mûr. A l’aération le poivre, le café et la pivoine prennent le dessus. J’aime beaucoup.
Equilibre souverain, belle longueur, la finale se construit dans la contuinité de la bouche, sur le poivre et le noyau de cerise, avec une touche de cerise à l’eau de vie.
Cette cuvée m’a impressionné, ne possédant pas de creux ni de resserrement en finale due à une quelconque dilution, contrairement à la mondeuse de Gilles Berlioz.
Très joli travail.
3/
Prestige des Arpents 2001
Robe plus légère au dégradé qui signe une évolution avancée.
Nez sur la fraise écrasée, la framboise. Même constatation : le vin semble à pleine maturité, on change de registre par rapport aux précédentes cuvées dégustées.
Attaque souple, de demi-corps. Longueur moyenne, mais équilibre intéressant. Ce 2001, millésime fort difficile pour la région, se tient bien et devrait tenir encore un peu.
Mon hôte part à la quête d'un millésime un peu plus avancé, histoire de me montrer le potentiel de leurs vins :
4/
Confidentiel 1997
Robe pourpre profond, aux bords un peu évolués (léger dégradé).
Nez complexe et épanoui dès l’ouverture de la bouteille : notes marquées et violette et de sous-bois. Me rappelle une belle syrah d’un âge avancé.
Tanins soyeux, belle fraîcheur que j’aime particulièrement dans les mondeuses réussies. Equilibre magistrale, là encore. Un très jolie bouteille proche de son apogée.
Ensemble plus que convaincant, j’aime définitivement les mondeuses d’Arbin des frères Trosset et me promets de revenir les voir le plus souvent possible, tant ces deux frères sont aimables et talentueux.
Je repars chez moi sous la pluie et l’orage, mais le cœur radieux et les yeux dans les étoiles…
Avant de revenir le surlendemain rechercher mon blouson oublié, que m’ont fort aimablement préparé messieurs Trosset ! Nouvelle, et dernière avant le départ, occasion de revoir les nobles et fiers coteaux d’Arbin : je ne m’en lasse pas !
J'espère, que mes "aventures" savoisiennes vous ont un peu intéressé et que cela vous donnera l'envie, le cas échéant, d'aller dans le vignoble de Savoie à la rencontre de vignerons passionnants.
Philippe Belnoue