Bonjour,
Après la visite du domaine André et Mireille Tissot, petite escapade pédestre au sommet du cirque du fer à cheval, pas loin de Pupillin où nous avons rendez-vous avec Pierre Overnoy. Le temps est toujours froid mais le ciel dégagé. La vue sur la vallée est sublime, presque vertigineuse, à ne pas rater ! Overnoy, l'ermite de Pupillin, l'apôtre du sans soufre, le chantre du bio, beaucoup pour un seul homme non !.
Pierre nous reçoit personnellement et nous fait entrer dans la salle à manger. Il fait un peu sombre, le sol est couvert de petits pots où poussent des plants de tomates ; il y règne presque une ambiance de recueillement. Le temps y semble un peu arrêté et nous avons vraiment l'impression de pénétrer dans l'intimité du personnage. Nous sommes un peu gênés, mais la gentillesse de Pierre va vite dissiper ce sentiment.
Overnoy-Houillon
La dégustation débute par un
Poulsard ou Ploussard comme on dit à Pupillin. Elle sera très instructive. Pierre Overnoy est un des pionniers du retour au vin ouillé et sans soufre. Il nous explique le travail minutieux qui permet cette technique. Nous sommes sous le charme du personnage, un mélange de simplicité, de science et d'idéal. Une pointe de malice également quand il nous parle de ses vins qui cumulent tout les défauts recensés par les Å“nologues classiques " mes vins sont légèrement troubles, avec des arômes de levures et une pointe de gaz carbonique ", ou quand il plaisante à propos des dégustateurs admirateurs de robes brillantes, " quoi de plus simple, tout le monde sait acheter un bon filtre, non ! ". Mais son travail est de précision, il n'y a que peu de place au hasard, bien qu'il soit peu interventionniste. Il élève vraiment ses vins comme nous nos enfants, les guidant vers la maturité, leur évitant de tomber, les préparant à leur propre vie. Le ploussard par exemple regorge d'arômes complexes, de fruits et de fumé ; un corps bien bâti permettant une grande longévité et toutefois du velours, du satin en bouche. Il donne vraiment ses lettres de noblesse à ce cépage trop peu apprécié ou trop maltraité.
Nous enchaînons, après un excellent
chardonnay à la robe dorée, aux arômes grillés, de morilles, de beurre et de lard fumé, avec son vin jaune qui est élevé 11 ans sous voile. Et c'est encore un très grand moment d'émotion. Probablement un des plus grands vins toutes appellations confondues que j'aie eu l'occasion de goûter. Ce n'est pas donné, mais le prix est dérisoire au regard de sa qualité, de l'amour qu'il contient ou plus pragmatiquement du coût de son élevage. J'échangerais beaucoup de mes grands crus bordelais pour en rentrer quelques unes dans ma cave et avoir l'occasion d'initier mes enfants à ce type de vins dans une bonne dizaine d'années. Il est de plus strictement contingenté, une bouteille pour 12 autres ! Ce qui, ma foi, n'est pas un gros problème au vu de la qualité des autres vins. Ouf, j'en aurai 6 !
Tout au long de la dégustation, la conversation est intense, les sujets d'intérêts communs foisonnent, mais sans précipitation. Toujours avec cette même élégance ou même un peu de distance dans son propos. Sans jamais tenter de convaincre, mais parfois concrètement démonstratif comme lorsque nous dévions sur le réchauffement du climat et les périodes de vendanges. Silencieux, il nous rapporte 3 petits pots en verre. Ils contiennent chacun une grappe de raisin récoltée le 2 juillet marinant dans l'alcool. Juste à la floraison de la grappe, il reste en principe 100 jours avant la récolte. Cette floraison se produisait généralement le 2 juillet. L'expérience montre que si au 2 juillet, de petits raisins sont déjà formés, la récolte se fera avec un peu d'avance. Le premier pot est daté 1991, juste de petits boutons floraux, le second montre clairement de petits raisins déjà formés, nous sommes en 1995. Le dernier montre des raisins, de la taille d'une petite olive, ils ont également été récoltés le 2 juillet, l'année passée, pendant la canicule de 2003. Edifiant ! Nous resterons au total deux heures en sa compagnie alors que nous sommes en fin de journée et qu'un autre rendez-vous l'attend. Une belle rencontre pour une belle dégustation.
Pierre, qui a cédé progressivement les rennes à Emmanuel Houillon, se passionne maintenant pour d'autres réalisations. Son temps libre le pousse à se lancer dans la fabrication de son propre pain. C'est symptomatique, car comme pour son vin, il est à la recherche de l'optimal, voire de l'idéal. Il envisage d'acheter son propre moulin pour connaître précisément la date de mouture du blé qui aurait une influence prépondérante sur la qualité du pain. Nous sommes un peu honteux, après lui avoir fièrement annoncé que nous faisions également notre pain maison, de lui avouer, alors qu'il nous bombarde de questions précises sur sa fabrication, qu'une petite machine nous aide à le réaliser. Nous nous rattrapons de justesse en insistant sur l'importance que nous accordons aux ingrédients et en osant le parallèle avec le raisin… Le lendemain, alors que nous venons enlever notre commande, Pierre s'est levé tôt et est en pleine opération de panification. Le temps de nous saluer, et de nous offrir un café, nous repartirons avec une bonne miche de sa production. " Vous sembliez l'apprécier " nous lance-t-il avant de disparaître.
Le domaine, qui n'exporte que rarement, (Pierre a fait une exception pour nous), devrait s'agrandir un peu dans les années à venir car de nouvelles vignes sont plantées cette année, ce qui devrait faire passer le domaine de 2,5 à 4 ou 5 hectares. Pierre Overnoy s'est progressivement retiré et laisse la place en cave et à la vigne aux frères Houillon. Emmanuel a fait tout son apprentissage, pendant 10 ans je crois, auprès de ce monstre sacré. La qualité des derniers millésimes laisse entrevoir une belle transmission de savoir, ouf !
Souper chez grappiot. Calme! car demain trois domaines à visiter (Charbonnier, Pignier et la Pinte).
A +
Laurent M
(
www.truegreatwines.com)