Attirés par cette source potentielle de jaunes de long élevage, recommandés par Ricou qui y a découvert il y a quelques années un de ses premier jaunes et pas n’importe lequel, un début de buzz sur le web avec quelques références, … il n’en fallait pas plus pour que le Jura Tour inscrive cette adresse à son
agenda 2013
!
Samedi 17 Mai, nous avons donc rencontré dans sa cave de Nevy-sur-Seille, François ROUSSET-MARTIN du domaine éponyme
[size=x-small]Crédit photo : Pat'[/size]
Ce vigneron a repris en 2007 les vignes familiales; son grand père était vigneron mais son père (médecin aux hospices de Beaune) n’était pas vigneron professionnel et vinifiait (de 1987 à 2000) quelques fûts pour la consommation familiale. Lui-même a d’abord commencé une carrière professionnelle hors vignoble (biologiste)
Il est maintenant à la tête de 12 ha sur l’appellation Château-Chalon, en vinifie environ 3 à 3.5 ha et livre le produit du reste à la coopérative (Fruitière Vinicole de Voiteur). Il élève les vins en cave fraîche et humide et privilégie la finesse à la concentration.
En "début de carrière", il a choisi une démarche originale : Afin d’identifier le potentiel des différents terroirs, il a choisi de privilégier les vins ouillés (l’élevage oxydatif étant réputé masquer les terroirs, au moins en jeunesse) et les vinifie séparément par terroir.
[size=x-small]Crédit photo : lacousinadeaymonier.blog50[/size]
C’est pas le tout mais on est venus pour goûter !
Côtes du Jura Chardonnay ouillé 2011 Non filtré, non collé, non sulfité à la mise
La robe est trouble, nez assez opulent avec des notes de frangipane, de céleri. En bouche, il y a de la matière, c’est souple, charnu, un peu alcooleux mais acidulé , ce qui donne un vin frais et digeste. Manque d’un soupçon de longueur pour être parfait
Côte du Jura Chardonnay ouillé 2011 terroir de La Chaux
Robe opalescente, un vin très semblable au précédent en plus fin, plus vif et tendu, plus long aussi
Côtes du Jura 2010 Savagnin ouillé Vignes aux Dames macéré 48 heures
Un nez super fruité, avec des notes de rose (ça c’est floral
) , de litchi, d’orange , d’abricot, … La bouche est bizarre (j’ai écrit ça mais je ne me souvient plus de la sensation), acidulée ; finale sur le pomelo, salivante, très très longue ; c’est super bon !
Côtes du Jura 2010 Savagnin ouillé Vignes aux Dames le même mis en bouteille 18 mois + tard
Le nez est légèrement plus sévère, avec quelques notes végétales. En bouche on retrouve la belle trame acide et quelques notes oxydatives
Côtes du Jura Savagnin Vignes aux Dames 2011
Joli nez sur le fenouil, le céleri, l’orange amère. En bouche c’est la finesse qui domine malgré un léger boisé perceptible. Après une phase intermédiaire de plat aromatique, le vin se développe en bouche sur sa longue trame acide, salivante. La finale est un peu sévère et acide sur le caillou
Côtes du Jura Savagnin ouillé "Clos de Tru" 2011 vigne de 90 ans (Au Clieux de Trus ?)
Vin très équilibré, grosse matière, jus salin, dense, "sobre", très parfumé sur les agrumes, orange amère, citron et jus de caillou
Une gamme de vins ouillés très intéressante, on constate une grande diversité de goûts même si je n’ai pas la compétence pour attester de l’effet terroir par rapport à l’élevage (cf le Vigne aux Dames 2010 tellement différent avec 18 mois d’élevage en plus)
En interlude, le vigneron nous fait goûter un vin du style qu’il aime :
Savagnin rose (Klevner) de Heiligenstein 2011 du domaine Rueff
Au nez des notes de fruits en surmaturité (type alsace SGN, layon,..) , jolie bouche douce et fruitée, exotique, vanille, léger sucre résiduel. Finale salivante et légèrement caillouteuse
Mais passons aux vins sous voile
Chardonnay sous voile 2005, terroir de La Chaux
Nez sur le bouillon avec une légère réduction qui s’ouvre sur l’orange, le céleri et de très légères notes de fromage. En bouche, l’attaque est souple, puis l’acidité se manifeste ; la finale est citronnée, acidulée et un peu râpeuse sur le caillou
Savagnin "Clos Bacchus" 2008 (4 ans de voile)
Nez surprenant, mentholé avec des notes de fleur de sureau et quelques notes oxydatives plutôt discrètes. En bouche, l’attaque est d’abord souple puis ça se développe sur vivacité et enfin une grosse acidité. Vin très fin et pur ; la finale s’allonge sur la pomme, des notes de champignon et on retrouve cette acidité marquante et les notes de caillou
Note : Comme annoncé quelques posts plus haut, les étiquettes sont vraiment spéciales…
Avec une contre-étiquette particulièrement garnie (vous remarquerez sur la gauche, les suggestions d’arômes, du pain béni pour les sommeliers fainéants)
Château Chalon 2004 (mise fin 2012)
Le nez est plutôt discret ; en bouche, c’est d’abord très souple, presque doux (on retrouve le caractère de plusieurs 2004 goutés ces 2 années passées) puis l’acidité se manifeste accompagnée de notes « jurassiennes » (noix, pomme et fromage). Grosse trame acide.
Château Chalon 2000 (Mise Août 2012)
Nez floral, on retrouve le sureau et des notes de fenouil et de livêche, des petites notes végétales font penser à de la chartreuse. La bouche est fluide mais s’appuie sur une grosse structure. La finale est hyper complexe et on retrouve en toute finale la trame acide, citronnée et caillouteuse
Château Chalon 1998 (Mise 2007, élevé en cave sèche) terroir Sous-Roche, de marnes profondes
Nez sur le bouillon, le céleri, la croûte de fromage, le nuoc mam ( !) et la bergamote, quel grand écart !
La bouche est sur la noix, l’alcool avec une présence acide plus importante (pH 2.98), grosse puissance, des notes d’orange amère.
Un style qui rappelle à la fois les jaunes arboisiens et les vieux savagnins ouillés
Château Chalon 1994 (sera mis en bouteilles d’ici fin 2013) terroir Sous-Roche
Superbe nez, frais et floral, comme le précédent en plus fin. La bouche n’est pas très typée jaune mais plutôt typée château chalon avec une grosse trame acidulée et des notes d’agrumes (citron)
Tous ces château chalon sont différents mais diablement intéressants ; la plupart bénéficient d’un élevage long à très long et contrairement par exemple aux Puffeney d’élevage long qui semblent gagner en puissance et en rondeur, on a l’impression que ces Château Chalon concentrent l’acidité en gardant une tension incroyable ; on a hâte de voir ce que ça peut donner au vieillissement (en bouteille), en l’état ces finales citronnées et caillouteuses sont un peu violentes.
Vin de Paille 2008 (Chardonnay. Savagnin, Poulsard)
Couleur rousse, nez superbe de finesse, orange et caramel. La bouche n’est pas en reste, fruitée avec une acidité bien présente ; la finale est sucrée et cassée par une légère amertume et une petite dureté
Vin de paille 2009 100% chardonnay, raisins séchés très longtemps, seulement 100 l de moût, élevé en bonbonne de verre
Un peu de volatile au nez, en bouche une énorme liqueur, équilibrée par l’acidité, sur des notes de caramel et de liqueur d’orange
Macvin (100% moût de chardonnay)
Bouche très fondue, jolie fraicheur avec un équilibre qui rappelle un paille
Macvin (100% savagnin . récolte 2011)
Le nez est frais, avec de l’orange, de la bergamote, notes de marc plus présentes. En bouche, grosse trame acide sensible, un superbe fruité de muscat croquant. Finale intense sur l’alcool, plus complexe, plus long que le précédent
En conclusion, c’était une dégustation très intéressante avec des vins ouillés très originaux et des oxydatifs vigoureusement bâtis sur leur trame acide et une certaine finesse
François Rousset-Martin est ambitieux, il cherche à produire des vins de caractère et recherche un positionnement haut de gamme. Sa politique est de faire du Château Chalon un vin d’exception au tarif élevé. Sa gamme de vins ouillés est aux environs de 16 à 18 euros la bouteille et le château chalon 04 à 40 euros, le 2000 à 60. On attend avec impatience mais inquiétude le prix du 94 de 18 ans de voile…
Cette démarche a fait l’objet d’un débat entre nous, avec un mix d’opinions variées, ceux qui comprennent la démarche et acceptent - ou pas - le prix, ceux qui craignent que ça n’entraine tout le vignoble (satisfaction de voir ces grand vins reconnus à leur juste valeur mais regret pour notre porte-monnaie), ceux qui refusent par principe ce niveau de prix, etc…
Chacun commentera mais si je résume la position générale, je dirais des vins ouillés un peu chers (mais qui semblent avoir la cote dans de grands restaurants à Paris et chez quelques cavistes) et des Château Chalon dont le prix élevé peut se justifier par le long élevage et la prise de risque qui en découle. J’affinerai mon diagnostic personnel après regoutage
En tout cas, merci Mr Rousset Martin pour votre accueil, votre temps et cette belle dégustation en situation dans la cave