Itinérance
Cap à l'ouest : 1130 kilomètres "à peu près exactement" : ce sera plus, car nous avons "itinéré" en Trentino pour embrasser des amis chers : c'est pile au milieu, comme une étape pour couper la brutalité du retour : un palier de décompression, une pause avant la redescente au camp de base. Le problème aujourd'hui est bien de savoir quel est le camp de base et s'il est finalement à l'Est ou à l'Ouest.
Il va falloir passer par les différentes phases de "désorientalisation" qui s'avèrent être plutôt de la désorientation pour le moment plutôt qu'occidentalisation : j'aurais pu écrire oxydation, mais c'est un peu facile et réducteur.
Nous avions dit que nous partirions tôt ... Nous avons pris le temps de fermer l'eau et le gaz finalement et Justine n'en finissait pas de manger du pinot gris directement prélevé à la source. Il faut dire qu'il est beau et bon ce pinot gris.
Je suis plus inquiet pour le riesling mais ni les dégâts de la grêle ni le peronospera qui a un peu attaqué (le nom savant du mildiou) n'affecteront la qualité ; c'est juste qu'il est moins fringant. Et j'attends tellement de lui ! Trop peut-être.
Ce qui est certain, c'est que les rendements seront bas sur le riesling alors qu'ils seront normaux sur le pinot gris.
Je réalise que je me suis pris d'affection pour ces grappes grises que je regardais d'un mauvais œil au début de notre vie commune, je dois bien l'avouer. C'est sûr que j'aurais préféré plus de riesling ou du furmint, mais après tout, le Clos Veličane, c'est ça. Je dois dire également que les grappes sont tellement belles que c'est un plaisir à regarder et observer Justine devenue experte pour choisir les meilleurs grains est un bonheur.
Nous avons réglé, avec Samo, le plan d'attaque : contrairement à la mode locale, les raisins du Clos ne connaîtront pas de macération préfermentaire à froid. De ce point de vue, les dégustations de cet été ont été très formatrices.
Les vendanges seront naturellement manuelles en caissettes de 15 kilogrammes, à la fraîche. Pressurage direct sans égrappage. Du classique et rien que du classique : débourbage et fermentation puis élevage en cuve sur lies fines.Nous attendrons le printemps pour voir où nous en sommes et décider de la mise. L'idée est bien de savoir ce qui se dégage de ce terroir : apprendre pour faire les bons choix, ces petites choses qui transcenderont le lieu pour mieux l'exprimer sans perdre de vue l'idée que l'on se fait du bon vin.
Depuis que cet itinéraire est terminé, je tourne en rond, je glane des informations, je cherche des fenêtres vers cet endroit : on me dit que chez P&F les vendanges ont commencé : cela signifie que nous ne nous affolerons pas avant deux semaines : n'y voyez aucune remarque déplaisante, les enjeux ne sont pas les mêmes, voilà tout et du reste, je connais des vignes de furmint qui seront vendangées par ces mêmes équipes à parfaite maturité.
Ce qui est certain, c'est que ce début de vendanges aoûtien est une première en cette terre slovène. Si le problème réside tout de même dans le fait que les fortes chaleurs ne sont pas terminées au moment où débutent les vendanges (demain, de la pluie, après les orages de ce soir mais plus de trente degrés encore attendus jeudi), le gros avantage réside dans la fraîcheur des nuits et des températures qui redescendent autour de dix - douze degrés au petit matin.
Je suis rentré, mais mes pensées sont restées au Clos Veličane et il y a un bruit qui me manque plus que tout autre : celui des moulins "crécelle", ce bruit que l'on entend partout ici, d'une colline à l'autre : ils se répondent - un bruit qui fait partie du décor.