Ce dernier vendredi nous avons eu l'occasion d'être accueilli de magnifique manière au domaine par Elisabetta Foradori elle-même. Si je compte dévelooper largement ce domaine prochainement dans le cadre d'une prestigieuse dégustation verticale de Granato qui se prépare, je ne peux résister à partager les impressions des dégustation en cave, en salle et à table, faies au domaine avec une générosité incroyable.
Dégustation à la cave
Le
Manzoni Bianco 2011 repose à la cave dans ses futs d’acacia ou des amphores. Si le vin en fût est encore fermé, un peu brouillon et assez fermentaire dans ses arômes, les vins en amphores sont bien plus accomplis, droits, tendus, exprimant un fruit et déjà quelques notes florales.Pour info, le Manzoni Bianco n’est pas élevé avec ses peaux dans les amphores à l'inverse de la Nosiola, une tentative en 2010 avec le millésime 2009 s’étant avérée désastreuse.
Nous passons ensuite dans la salle de la
Nosiola où séjournée les amphores scellées du cépage pour le millésime 2011, les fermentations alcooliques et malolactiques ayant été bien accomplies.
Globalement, si les vins expriment encore un peu de volatile, ils sont en moyenne terriblement purs, droits très minéraux. Certes la différente d’une amphore à l’autre s’avère importante, surtout sur la profondeur. Ces différences seront corrigées à l’assemblage.
Nous passons ensuite dans la grande cave des rouges, avec son escalier plongeant impressionnant
Nous n’y avons pas goûté sur futs les cuvées Foradori et Granato, à la fois par manque de temps (même si, en dehors du diner, Elisabetta nous a consacré plus de 3 heures) mais aussi probablement parce que ce sont vers les amphores des cuvées
Sgarzon et
Morei que toute l’attention de la Dame du domaine se porte en priorité.
Ce qui nous frappe avant tout comme sur les Nosiola, c’est que chaque amphore, pour une même cuvée produit des vins tant aromatiquement que tactilement très différents.
Le premier échantillon de
Sgarzon 2011 s’avère très puissant, sauvage, avec une forte impression de volatile. Le deuxième est nettement plus tendu par une acidité formidable, ce qui confère beaucoup de fraicheur et de droiture au vin. Le fruit est lui aussi déjà très développé. Un troisième échantillon nous livre un vin totalement fermé. Même si tout cela peut s’avérer assez surprenant, les yeux d’Elisabetta pétillent devant tant de diversité.
Sur le premier échantillon de
Morei 2011, le vin est déjà très prêt, dense, fruité, frais mais surtout avec une minéralité intense qui appelle au véritable jus de pierre… magnifique ! Le deuxième échantillon, et ce n’est pas un jeu de mot volontaire, est à la fois plus fermée aromatiquement et ferme tactilement, ce qui lui confère une austérité assez prometteuse.
Dégustation en salle
Après cette première longue dégustation sur fûts et amphores, c’est encore 14 bouteilles qui nous attendent à la dégustation, encore une preuve de la grande générosité d’Elisabetta. Pour cette dégustation, nous sommes rejoints par son fils Emilio.
On commence cette dégustation par le
Manzoni Bianco 2010. Celui-ci est puissant, fruité au nez et en bouche, très frais et d’une grande buvabilité malgré l’impression tannique qu’il dégage.
On passe ensuite à la
Nosiola. Le
2009 est lui plus gras, à la fois plus rond par son gras et plus profond. En dehors de la légère touche solaire, le fruit est très présent, surtout en finale. Même si la tension est un poil en retrait par rapport au Manzoni 2010, l’impression générale est superbe surtout, par rapport à une précédente bouteille servie trop fraiche la veille au restaurant. Il est évident que cette bouteille demande, comme beaucoup de vins blancs en macération pelliculaire, une température de service minimale de 11°.
La
Nosiola 2010, est un vin déjà totalement accompli, d’un équilibre parfait. L’acidité est très présente, elle s’accorde parfaitement avec la sensation évidente de structure, rehaussée à nouveau par les impressions de tannicité. Le plus intéressant est le glissement du fruit vers le floral, ce qui est un des objectifs d’Elisabetta.
Suivent ensuite les rouges avec respectivement deux millésimes des cuvées Sgarzon, Morei et Foradori
Le
Sgarzon 2009 aurait demandé visiblement une plus longue ouverture voire un carafage important. Il oscille au nez entre des impressions légèrement réduites, lactiques, un peu fromagées. Après une aération plus intense dans le verre, le fruit se livre plus intensément. En bouche aussi, l’impression générale est assez dissociée entre des tanins très structurés et une impression un peu solaire. Le point positif est l’impression de concentration absente de toute surmaturité. Un vin qui a besoin d’air et de temps.
Le
Sgarzon 2010 est bien moins fermé, Le nez net et puissant offre un fruit rouge très gourmand. En bouche s’il paraît encore plus puissant que le 2009, il est surtout plus fusionnel, plus concentré, plus gras et avec un fruit omniprésent, même sur la très belle longueur.
Le
Morei 2010 est encore en devenir. Très fermé au premier nez, il part ensuite sur des notes fumées, animales et sanguines. En bouche, l’acidité très marquée accompagne une matière énorme. Tout cela soit certainement se mettre en place, mais vu la longueur énorme, il y a fort à parier que ce vin va faire la joie des quelques caves qui auront eu la chance de se les procurer.
Le
Morei 2009 est bien plus évolué. Son nez est bien ouvert, sur la finesse et la complexité. Les quelques notes lactiques ne parviennent pas à masquer un superbe duo de fruits noirs et rouges. On retrouve une grosse structure et une longueur importante en bouche dans un environnement totalement minéral. Un vin de temps …magique !
On passe ensuite aux élevages classiques avec deux Foradori.
Le
Foradori 2006 a un nez très ouvert et profond à la fois, assez floral en sus du fruit. En bouche, l’attaque est très fraiche suivie d’une belle rondeur fruitée. La finale s’avère toutefois un peu sèche, un peu empreinte d’élevage. Elisabetta paraît un peu perplexe sur l’énergie de cette bouteille.
Le
Foradori 2009 présente quant à lui un autre visage, clairement marqué par la densité du millésime. Très puissant au nez, la bouche, malgré la concentration, est superbement équilibrée entre fraicheur et fruit avec des tanins assez sages. En plus du fruit, la bouche dégage des notes sanguines, presque métalliques, qui donnent beaucoup de profondeur. La longueur ne déroge aucunement à l’impression globale de grande qualité alliée à beaucoup de plaisir.
Nous avons eu l’occasion aussi de goûter le lendemain au salon Vinatur le
Foradori 2010. Est-ce sa jeunesse ou les conditions très stressantes de ce salon, mais l’impression de fermeture est énorme. A revoir donc, surement en dehors du bruit et des bousculades qui empêchent toute concentration. Je suis de plus en plus persuadé que beaucoup de salon gagneraient à ne présenter qu’un minimum de vins, faisant ainsi fuir les soiffards en tout genre au profit de rencontres véritablement humaines.
Retour à la dégustation au domaine avec une belle verticale de Granato entre 2006 et 2009.
Le
Granato 2006 est puissant, animal et sanguin au nez. La bouche parait un tantinet fatiguée, un peu sèche malgré une belle sensation d’équilibre. Sur la finale, très longue, la sensation de grande classe est bien plus évidente.
Le
Granato 2007 est bien différent avec un nez plus ouvert qui respire les fruits frais. En bouche, pour accompagner un très beau fruit et des tanins assez fins, il y a comme au nez une sensation omniprésente de fraicheur qui reste tout au long de la belle finale. Un vin nettement plus vivant, plein d’énergie.
Le
Granato 2008 est totalement en opposition avec le 2006. Le nez est puissant, intense, très frais avec une belle complexité fruitée et florale, accompagné de quelques notes lactiques. La bouche est une vraie bombe de bonheur avec un équilibre extrême entre une acticité ultra tendue, des tanins très structurés mais déjà bien intégrés, une minéralité envoutante et un fruit d’une gourmandise sans pareil. La finale est gigantesque, énorme et très buvable à la fois. Un vin incontournable !
Le
Granato 2009 nous ramène à un nez plus réduit en première aération, évoluant ensuite sur pas mal de complexité avec des notes métalliques sanguines, une sensation de silex mouillé, du fruit mais aussi des notes plus solaires. La bouche est la plus ronde du quatuor. Comme la fraicheur est aussi de la partie, on a un ressenti très gouleyant, gourmand mais sans que se perdent non plus les impressions minérales de pierre à fusil, le tout sur une sensation d’équilibre plein d’énergie. S’il na pas la puissance de son cadet 2008, son côté prêt à boire avec « tout » dedans en fait un vin très intéressant.
Dégustation à table
Tous ces vins ont été resservis au repas qui a suivi dans le jardin médicinale de domaine sous un climat réellement estival, les blancs accompagnant des poissons fumés dont du saumon et une variété proche de la truite, plus petite que l’espèce d’origine, très sensible à la pollution et qui de ce fait ne survit qu’en haute montagne dans de microcosmes spéciaux. Les rouges accompagnaient une Zuppa de pois très classiques et terriblement appétissante ainsi qu’un bel assortiment de fromages locaux. Les blancs ont encore gagné avec le gras et la finesse des poissons. Le rouges ont dû attendre les fromages pour exprimer totalement leur potentiel gastronomique.
Un énorme merci à Elisabetta, à Emilio ainsi que toute l’équipe du domaine pour tout ceci. On avait l’impression de se sentir vraiment chez soi… cela n’a pas de prix !
Petit aparté : j'ai publié sur LPV, ce même jour, un texte sur la découverte d'un groupement de viticulteurs du Trentin qu'Elisabetta a initié... Je vous engage à aller y jetyer un oeil,
ici
.