Nous avons 1989 invités et 7 inscrits en ligne

CR: Quelques vins du Péloponnèse - Episode 4 (suite)

  • peterka
  • Portrait de peterka Auteur du sujet
  • Hors Ligne
  • Utilisateur
  • Enregistré
  • Messages : 1596
  • Remerciements reçus 3147
Toujours en Argolie, dans la région de Néméa...

Domaine Lantides

Originaire de la communauté grecque de Chypre, Panos Lantides a fait ses études dans les années 70’s en France à Bordeaux et Montpellier. D’abord en biologie puis en chimie puis finalement en œnologie un peu par hasard car ce n’était pas son objectif premier. Les évènements politiques de 1974 (*) à Chypre ont malheureusement interrompu son dernier doctorat et l’ont alors incité à migrer en Grèce où il a travaillé comme conseiller dans plusieurs domaines. Elève d’Emile Peynaud et de Pascal Ribéreau-Gayon, il s’évertuera à suivre le modèle français par sa volonté d’élaborer des vins qui se révèlent seulement après 3 ou 4 ans et qui pourront tenir 15 à 20 ans sans souci.

Lorsqu’il est arrivé plus tard à Nemea en 1993, il n’était donc pas propriétaire mais négociant tout en travaillant encore comme œnologue conseil. L’acquisition des vignes et la construction des installations actuelles datent de 2000. Le domaine n’exportera toutefois qu’à partir de 2005. Aujourd’hui 25% de la production est vendue à l’étranger mais cette proportion est récente et, bien évidemment, en croissance constante car sans cela l’entreprise ne pourrait survivre. Même si le marché grec ne diminue pas en quantité, au contraire, mais on constate un glissement vers les vins moins chers et moins rentables.

Panos Lantides a d’abord travaillé seul mais maintenant l’exploitation se fait en famille, ce qui induit d’autres paramètres : « Aucun propriétaire ne peut vivre avec 15 ou 20000 bouteilles. Moi, j’en produis 300 000 mais seulement 70 000 en AOP. Et avec ces 70 000, c’est encore difficile, malgré 2 millions de chiffre d’affaires pour faire vivre tout le monde. Je paie 66% d’impôts (soit 700 000 euros sur 3 ans) et avec ce qui reste, les investissements judicieux sont problématiques. Certains ont recours aux subsides européens mais leur octroi potentiel peut conduire à planifier des dépenses déraisonnables simplement parce que l’on se sent boostés par la perspective d’avoir 30 à 50 % d’aide ; alors, souvent, il faut compléter l’insuffisance de fonds propres par un prêt bancaire, et c’est la mort… Donc, je préfère m’en passer quitte à étaler davantage dans le temps les investissements. »

Le vignoble qui représente aujourd’hui une trentaine d’hectares, est très morcelé et réparti sur 4 villages (Nemea, Skoteini, Koutsi, Asprokampos) entre 500 et 700 m d’altitude. « C’est la grosse différence avec d’autres domaines car ma meilleure diversité de terroirs me permet de planter le bon cépage au bon endroit. Trop de calcaire nuit aux blancs qui demandent aussi davantage de fraîcheur d’altitude et des conditions de sol argilo-sableux d’origine granitique plus acides ».

Le domaine continue à planter mais constate qu’il y a une différence de prix de 1 à 3 entre les bonnes terres et les emplacements de qualité moyenne. Il achète également des terres qu’il ne peut planter de suite car l’obtention des droits de plantation est difficile… et va jusqu‘à louer des parcelles jouissant de ces droits (qu’il n’exploitera jamais) pour transférer l’autorisation sur ses propres parcelles.

L'encépagement est rouge à 80 % (principalement agiorgitiko puis cabernet et merlot) . L’année prochaine (2019), Panos Lantides va planter du cabernet franc, qu’il trouve plus intéressant que le cabernet sauvignon, pas pour des raisons de maturité phénolique plus précoce mais pour la qualité des peaux et l’acidité : "On va lui réserver un terrain à sa mesure alors que l’on fait ce qu’on peut avec l’agiogitiko en veillant surtout à limiter son rendement à 50 ou 60 hl/ha (alors que la plupart font 100 à 110 hl/ha, ndla)"
En blanc, on trouve malagousia, moschofilero et assyrtiko pour la bouteille, ainsi que savatiano et roditis pour le vrac.
La moitié des raisins est achetée avec une production de 300 à 350 000 bouteilles sans compter le vrac qui vient en sus. Cela permet au domaine de sélectionner les meilleures grappes pour la bouteille.
L’esprit reste de faire un vin de qualité excellente pour un petit prix tout en gardant en tête le modèle bordelais. Le domaine envisage donc de construire à terme une cave de garde où stocker des vins pendant plusieurs années pour avoir, non seulement une historique, mais aussi des vins plus mûrs à vendre (différenciés en qualité et prix). Objectif Jusqu’à présent impossible car, si la place est disponible, le domaine n'a pas les moyens de faire dormir ce capital.


Les vins dégustés
CR:

1. Little Ark blanc 2016
Assemblage de 50% malagousia et 50% assyrtiko. Partiellement levuré
Nez joliment développé sur des senteurs de fruits jaunes et de citron. La bouche est ronde et fraîche, savoureuse, avec une finale assez persistante.

2. Anosis 2016
Moschofilero 100%. Partiellement levuré
Bouquet plus complexe, plutôt délicat, discrètement floral avec des arômes de zeste d’agrumes, d’iode et de craie et des notes plus levurées. La bouche se montre longiligne, fraîche, tendue sans excès et bien équilibrée. Ce n’est pas typé moschofilero mais c’est un joli vin.

3. Little Ark rouge 2015
Assemblage 90% d’agiorgitiko et 10 % de xynomavro
Assez fermé au nez, il en ressort peu à peu des notes grillées, puis du fruit rouge mûr et une pointe végétale. La bouche s’ouvre sur du fruit, reste souple et ronde avec des tanins mûrs mais qui déploient une amertume conséquente en finale. Du coup, on en retient principalement cet élément alors qu’il y a du potentiel. Le vin demande une aération conséquente pour s’exprimer et sans doute quelques années de cave avant de vraiment séduire.

4. Merlot 2015
Peu séduit par ce vin au bouquet neutre et à la bouche marquée par des tanins secs qui dominent la rondeur fruitée / épicée du merlot.

Au global, des vins bien construits qui sont clairement des vins de bouche et non de nez.


(*) [Rappel : Invasion des turcs dans la partie nord de l’île répondant au coup d’état des colonels grecs menaçant la minorité turque et perturbant ainsi l’équilibre prévu lors de l’indépendance. La réaction turque a fait passer la minorité turque de 18 à 40 % et provoqué la scission de l’île]

Domaine Skouras

Les photos sont cette fois toutes issues du site du domaine


En l'absence du "patron", nous aurons finalement droit à une visite touristique classique, quoique complète, et à la dégustation standard de quelques vins, remarquablement constitués, mais auxquels manquent à mon goût le supplément d'âme qui les rendraient vraiment intéressants. Les installations sont impressionnantes et le mimétisme, recherché ou non, avec les représentations qu’on a des grands châteaux bordelais est patent.



Les vins
CR:

Moschofilero 2017 IGP Arcadia
Macération pré-fermentaire. Fermentation alcoolique en cuves inox. Terroir de Mantinia
Aromatique discrète sur les fleurs avec une pointe d’agrumes. La bouche est plutôt fluide mais nette et tendue. Joli vin élégant et tonique. Belle surprise que cette bouteille qui dessine parfaitement les contours du cépage.

Salto 2017 IGP Péloponnèse
Mavrofilero 100%. Courte macération pré-fermentaire. Fermentation alcoolique en cuves inox avec levures indigènes. Elevage court sur lies fines en cuve. Le cépage, clone du moschofilero, est vinifié depuis 2010 seulement. Terroir de Mantinia.
Le bouquet, toujours à dominante florale, se montre plus lourd avec une pointe iodée qui s’ajoute aux agrumes. Le vin est plus concentré en bouche, citrique (lime), mais aussi plus « brut » et moins persistant.

Vinum Sperum 2017 IGP Péloponnèse
Chardonnay 100 %. Fermentation et élevage en barriques françaises neuves pendant 10 mois et en bouteille pendant 2 ans. Brève macération pré-fermentaire et bâtonnage.
Bouquet classique de chardonnay mûr sans être caricatural axé sur les fruits jaunes, les fruits exotiques (ananas), le beurre frais et les herbes aromatiques. Des notes florales (jasmin) assez délicates s’y ajoutent. En revanche pas de trace de bois marquée en dehors d’un peu de coco. La bouche est grasse, fraîche et fruitée avec une bonne concentration. Finale sur l’élevage. Vin plutôt complexe, bien construit auquel il manque un peu d’âme et de personnalité pour emporter l’adhésion totale.

Peplo 2017 IGP Péloponnèse (rosé)
Cuvée originale de trois cépages (33% chacun) : syrah, vinifiée et élevée en cuve inox, agiorgitiko vinifié en cuve et élevé en barrique d’acacia, et moschofilero, vinifié et élevé en amphores avec macération de 4 mois. Terroir d’altitude au dessus de 600 m.
Bouquet très floral avec une pointe de fruits rouges (framboise, groseille) et d’agrumes (pamplemousse rose). La bouche est ferme et fraîche, un peu saline, au fruité très discret en rétro pour ne pas dire neutre. Finale élancée et de persistance correcte avec retour des agrumes. La différence aromatique entre l’olfaction pure et la rétro est assez étonnante. Rosé ambivalent qu’il est difficile, à mon sens, de placer : terrasse, table ?

Grande Cuvée Nemea 2014 AOP Nemea
Agiorgitiko 100%. Vignoble d’altitude constitué de terres rouges (1040m). Fermentation en cuve inox puis élevage en barriques françaises neuves pendant 12 mois et en bouteille pendant 6 mois. Vin de terroir revendiqué (les autres vins étant plutôt considérés comme des expressions de cépage(s) et construits sur eux)
Bouquet sombre aux senteurs de bois, chocorée et créosote puis de mûre, de fruits rouges acidulés (griotte) et d’épices avec une touche végétale. En bouche, c’est assez souple et articulé sur une charpente de belle finesse. Tout en proposant une acidité marquée, on retrouve le fruit plus mûr qu’au nez mais encore assez mal intégré au bois surtout en finale où le vin apparaît un peu dissocié entre ses composantes. Cependant, l’ensemble ne sèche pas et présente de la finesse et une certaine fraîcheur à défaut d’une grande complexité. Sans doute à attendre encore.

Megas Oenos 2014 IGP Péloponnèse
Agiorgitiko 80% (vieilles vignes) et cabernet sauvignon 20%. Fermentation alcoolique en cuve inox et élevage en barriques françaises neuves pendant 18 mois puis en bouteille pendant 6 mois. Terroir d’altitude caillouteux.
Bouquet marqué par un élevage de classe, fumé, épicé (clou de girofle, poivre) avec des notes de tabac. Viennent ensuite les fruits noirs (mûre) et une touche plus végétale. L’attaque est nette et le milieu de bouche dense avec des tanins présents et assez secs. La finale, persistante, reste ferme et austère sans être rustique pour autant. On sent la cuvée ambitieuse qu’il faut attendre pour en profiter vraiment mais qui actuellement manque un peu de séduction.
A noter que ce Megas Oenos fait également l’objet d’une version solera appelée « Labyrinth » qui reprend les vendanges 1999 à 2010. Malheureusement, il n’a pas été possible de goûter cette cuvée originale…

Synoro 2012 IGP Péloponnèse
Assemblage de merlot et de cabernet franc avec un peu d’agiorgitiko. FA en cuve inox (cépages séparés) puis élevage en barriques partiellement neuves (chêne français) pendant 13 mois.
Nez sur les fruits rouges et noir (framboise, mûre, cerise) et les épices douces. Boisé de type moka assez présent sans être dominant. Notes végétales discrètes. En bouche, c’est assez frais grâce à une belle acidité, concentré, mais surtout dominé par le bois qui masque le fruit et rend l’ensemble peu attrayant.

Pierre
Les utilisateur(s) suivant ont remercié: oliv, Gildas, bulgalsa, lutembi, sebus, Frisette, DaGau, Kiravi
10 Jan 2019 23:40 #1

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Modérateurs: GildasPBAESMartinezVougeotjean-luc javauxCédric42120starbuck