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Du vin dans les voiles, escapade grecque, épisode 2.

  • daniel popp
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[size=large]Du vin dans les voiles, escapade grecque, épisode 2.[/size]
[size=x-small] faisant suite à épisode 1 [/size]

Cette année, les voiles sont restées au port de Parikia, mais nous nous sommes retrouvés à nouveau à Paros, au Printemps dernier, chez Nicolas et Corinne, dans cette belle maison sur les hauteurs de l' ile, où entre balades et baignades, je me suis empressé de compléter les bouteilles achetées à Santorin, il y' a deux ans, d' une nouvelle moisson de moschofilero, assyrtico, roditis, agiorgitico, xinomavro, qui sous leurs noms barbares, cachent de merveilleux cépages, de nouveaux goûts et émotions à vivre. Une semaine prolongée le temps d' une soirée, autour d' accords mets-vins d' inspiration locale.

les blancs

Domaine Tselepos. Moschofilero 2010. Mantinia. Péloponnèse.
champignons au citron, caviar d' aubergines, tarama, tsatziki, gressins au sésame.

Le nez vif, tendu, rafraichissant, présente un arôme hybride de citron, de poire, de pêche, avec des petites notes muscatées et épicées (gingembre) qui donnent du relief au grain vraiment plaisant et singulier.
En bouche, le premier toucher garde ce caractère vivace, puis la texture s' étoffe, prend de l' ampleur, borde ses flancs d' amers fruités délicieux, pénétrés de cette acidité revigorante qui anime et éclaire le vin comme si elle en était la lumière, alors que la persistance qui lui succède, au goût de citronnelle et d' abricot vraiment craquant, en serait l' ombre qui en dessine l' écho.

Domaine Hatzidakis. Assyrtico barrel fermented 2008. Santorin.
tyropita (feuilletés au fromage).

Le nez complexe, boisé, ne ressemble à rien de connu : un profil acide citronné résolument grec, étoffé d' arômes de pomme, de vanille rappelant que c' est une cuvée barrel fermented, un coté fumé, un peu pétrolé qui ferait pencher du coté de l' Alsace, quand trois des amis présents évoquaient le Jura (en le regoûtant, je dirais hybride des deux, tant il intègre une subtile caresse oxydative et ce coté fumé, pétrolé, évoquant le Riesling), le tout reposant sur une assise minérale qui imbibe le fruit dans ses tréfonds.
En bouche, l' élevage se fait un peu trop sentir à mon goût. C' est dommage car le fruit, la tension qui l' anime, cette empreinte minérale, sont vraiment superbes, mais un peu plombés par ce maquillage boisé qui ôte un peu de fraicheur, de vivacité à l' ensemble. Je suis partagé. La persistance au goût tellurique serait grandiose si son boisé n' assombrissait pas tant son éclat ! Hatzidakis fait de superbes cuvées par ailleurs....

Domaine Kechri. Les Larmes du Pin résiné 2009 (assyrtico, roditis). Thessalonique. Macédoine.
crevettes sur lit de fenouil croquant.

Le nez est caressant, complexe, hors du commun, tant il renvoie aux calandes...grecques, les caricatures de résiné que l' on sert trop souvent dans les tavernes. Je n' ai jamais senti un arôme de résine aussi fin, aussi subtil, si bien harmonisé à son corps de fruit, alors que la plupart du temps, le fruit, s' il en reste, est étouffé par une chape de résine grossière, si caricaturale qu' elle en devient presque vulgaire. Là, ce qui est superbe, c' est de sentir les senteurs de citrus, de fenouil et d' anis, accueillir la fine caresse de la résine, de voir comment leurs effluves mêlées prennent un caractère légèrement mentholé, fin, aérien, pour n' être plus que fraicheur. Harmonie des arômes, mais aussi harmonie des grains, comme si le fil acide s' enveloppait d' une mantille balsamique (bien qu' en Grèce, le terme châle serait plus adapté !) qui donne un éclat complexe, singulier à sa vivacité.
Toutes ces qualités se retrouvent en bouche, tant la texture est savoureuse, superbe d' équilibre, d' harmonie, de fraicheur, tant son fruit est comme voilé de sa plus belle jupe de résine de pin d' Alep, dont la persistance longue, profonde, porte l' écho de son mouvement, de sa grâce. Un des meilleurs blancs jamais goûté en Grèce !

Domaine Argyros. Estate Argyros 2008 (assyrtico). Santorin.
feuilles de vignes farcies, tomates marinées à l' huile d' olive et au basilic.

Au nez, je retrouve cet équilibre singulier, dessiné par le crayon d' acidité, des grands blancs de Santorin, sans barrel fermented intempestif....Le nez vif comme une lame de rasoir, plein comme un panier d' agrumes et de cailloux chauffés au soleil, dégage une fraicheur intense au caractère presque salin. Un nez complexe, quand sa trame de citrus et de caillou, s' irise de notes fumées tirant vers le pétrole, de touches de fruits secs, d' herbes sauvages (anis, fenouil), de cette impression de miel sec que les fleurs jaunes dégagent parfois, toutes nuances ordonnées en une belle mélodie d' arômes au caractère appètent et lumineux.
En bouche, le citron, maitre du bal, joue les grands seigneurs. Comme un danseur se donne à sa danse, il se fond à la houle d' amers déroulant leur fruit imbibé de pierre, de soleil et de sel, pour mieux réapparaitre sur le tremplin de la langue et illuminer la finale de son éclat.
L' acidité serait-elle la lumière du vin ? Bien sûr, de nombreux composants participent à l' équilibre et l' harmonie d' un vin. Mais je me demande si la tension et ses variables infinis, n' est pas l' un des plus déterminants ou celui qui me touche le plus. Comme si cette lumière était le vent qui anime les voiles du vin...
Les beaux blancs de Santorin, m' évoquent vraiment des vins d' éclat, des vins de lumière, des vins vivants et joyeux au final !

les rouges.

Domaine Gaïa. Notios 2010 (agiorgitico). Néméa. Péloponnèse.
saucisson de bœuf, soutsoukakia (boulettes de viande à la tomate et aux épices).

Le nez fruité, friand, comme veiné d' épices et d' herbes aromatiques, présente un grain singulier, attachant, assez complexe, structuré comme un parfum intégrant fruit rouge (cerise un peu confite), pruneau, poivron rouge, laurier, ail, sauge, cumin, poivre, avec une petite touche de céleri, le tout fondu en une effluve intrigante, inspirée, assez italienne dans l' esprit, me donnant l' impression d' un caramel au lait et au fruit rouge, piqué de grains de poivre. ::o
La bouche coulante au grain à la fois finement râpeux, soyeux et sensuel, est gorgée des mêmes fruits et épices, comme si le fil acide qui l' animait, avait trouvé un partenaire de choix dans le poivre qui lui donne de l' élan et un corps de velours dont le palais ne se lasse jamais, [size=x-small]surtout avec le saucisson et les boulettes intensément épicés,[/size] avant qu' une persistance florale inattendue, éclose de longues minutes après la dernière gorgée, fasse passer à nouveau les anges....
Cette cuvée, pas du tout tape-à-l' oeil, met superbement en valeur l' agiogitico local et est facilement achetable chez Lavinia, Augé, Mavromatis (à vérifier) ou sur le site Vins du Monde.

Domaine Kyr-Yianni. Diaporos 2005 (xinomavro 87 %, syrah 13%). Naoussa Imathia. Macédoine.
épaule d' agneau rôtie aux pommes de terre et à l' ail.

Le nez plein, profond, superbe, vous donne l' impression d' une vague de fruits mûrs (cerise noire), traversée d' effluves de tabac (du tabac blond au cigare), d' olives noires, de chocolat, de poivre, dont la puissance du mouvement semble s' auréoler d' une écume à l' arôme de prune (quetsche) qui semble surfer sur la vague, animer son ampleur d' une fine tension jusqu' en ses tréfonds.
La bouche est gourmande par son fruit intense, concentré, toujours animé d' une belle énergie, mais un peu encombrée de tannins massifs qui assèchent vraiment trop la langue, le palais et la fine écume. Mais je regoûte le vin seul... La délicieuse épaule d' agneau rôtie aux pommes de terre et à l' ail, se faisait un cache col de ces tanins qui filaient doux devant la tendresse superlative de la demoiselle ! Plutôt un vin de gastronomie aux indéniables qualités par ailleurs.

Gaïa Estate 2007.
idem

Retour au domaine Gaïa, avec l' une de ses grandes cuvées, 100% agiorgitico à nouveau.

Le nez équilibré, profond, assez complexe, a un grain boisé, vanillé, sur la cerise, le chocolat et les épices (réglisse, poivre), avec une petite note balsamique (santal). L' ensemble vraiment harmonieux, rappelle le charme sensuel, méditerranéen, des beaux vins italiens.
La bouche structurée reflète la même recherche d' élégance généreuse : toucher goûteux et sensuel, beau fruit mûr animé d' une fine tension, bordé d' amers fins, de beaux tannins un poil râpeux sur la finale, mais que la jolie persistance florale (violette) réglissée, témoignant du volume et de la profondeur du grain, fait bien vite oublier. Un très beau vin confirmant la cohérence de la gamme du domaine Gaïa : du superbe résiné (moins complexe que les Larmes du Pin) dégusté lors de notre première soirée, à l' Assyrtico de Santorin que je commenterai plus tard, jusqu' à ces deux cuvées de rouge, de l' entrée de gamme au top...Bravo !

Domaine Tsantali. Metoxi 2004 ( cabernet sauvignon, limnio). Mt Athos. Macédoine.
fromages.

Le nez hésitant entre le cassis et les fruits rouges, avec un soupçon de vanille, de poivre et d' épices douces, a un caractère un peu "sec", manquant un peu de définition et de générosité à mon goût. Mais l' équilibre un peu acide anime sa relative austérité, d' une jolie tension qui manque juste d' un peu de corps, de répondant.
La bouche retrouve des rondeurs plus accueillantes : beau toucher, plus de chair pour mettre en valeur son fruit mûr, équilibré, tendu comme il faut par une belle acidité, mais le jeu de saveurs un poil animales et les tannins un peu rêches sur la finale, manquent un peu de finesse et d' élégance.
Ce Metoxi a beau être élaboré par les moines du Mont Athos (sous la supervision de Tsantali), les rouges précédents, me semblent bien plus spirituels par leur qualité d' incarnation, et refléter davantage la qualité des meilleurs rouges grecs d' aujourd' hui.
Mais si perdu au fin fond d' une taverne, vous n' aviez que ce vin à vous mettre sous la dent, il est loin d' être déshonorable....

les vins doux, passerillés.

Vinsanto de la cava Mejjo de Santorin.
glace aux fruits de la Passion, tuiles à l' orange aux amandes effilées.

Dés que le vin tourne dans le verre, bien avant que le nez s' y pose, l' épaisseur des larmes, leur coulure lente, presque onctueuse, témoigne du gras de la liqueur de ce Vinsanto à la robe acajou somptueuse.
Le nez évoque un voile au tissus épais, au maillage serré d' abricot, de raisin de Corinthe, d' orange et de citron confit, de figue sèche, le tout mêlé d' épices (cannelle, vanille, poivre), évoquant un miel d' essences précieuses. Mais comme à Santorin, le fil acide si présent, fait office tour à tour, de lumière ou de vent [size=x-small]qui ne manquent pas dans les Cyclades,[/size] la voile d' arômes est tendue, sans être gonflée à en craquer, mais suffisamment pour que sa trame assez dense, respire et dégage une fraicheur bienvenue, à l' allure de brise ; à l' image de ce que l' on ressent quand un voilier file vent arrière sur l' eau, tranquillement mais sûrement, sans à coup. Ce coté glissant, très frais, sans accident, crée un équilibre harmonieux entre la texture épaisse et fine à la fois, (un peu monocorde toutefois par son tissu serré), la jolie tension qui l' anime et l' alcool bien présent mais fondu au fruit, qui la verticalise.
La bouche à la chair onctueuse, grasse mais intensément fruitée, est pénétrée de la même acidité qui stimule la langue dont chaque mouvement sur le palais, extrait de nouvelles saveurs aux subtiles tensions que l' on mâche comme s' il s' agissait du miel le plus fin..Bien après la dernière goutte avalée, presque avec nostalgie de le voir s' effacer dans l' écoute qui lui donne vie, la langue continue à laper le sillage d' abricot comme pour en pénétrer le coeur.

Nectar de Samos 2006.
idem

Le nez étonne par sa puissance tonique. Son intense fraicheur imbibe vos narines, comme pour les élargir et laisser la place à un défilé d' arômes que l' alcool et le fil acide enlacés dans leur habit de fruit, conduisent tambour battant : fruits confits où l' orange, la mandarine, l' abricot, le citron présentent, qui leur zeste, qui leur fruit ; fruits secs mêlant leur grain (figue, datte, amande, pignon), vite rejoints par des miels si fins qu' ils prennent l' allure de thés délicats ou de fleurs au parfum précieux ; au final, un défilé aromatique si bien ordonné, si fin, si harmonieux, qu' il mérite vraiment le nom de Nectar.
Comme le Vinsanto et le Samos ont été goûté en parallèle dans deux verres différents, la comparaison est inévitable ! Le Vinsanto m' apparait plus rustique, mais son coté monocorde dégage une pureté, une forme d' évidence vraiment touchante. Le Nectar, plus structuré, plus complexe m' évoque une architecture inspirée, aérienne. Le premier serait plus terrien, le second plus spirituel, mais que valent ces mots, alors que seul le ressenti compte au vif de l' instant, rendant toute comparaison bien vaine.
La bouche dégage une harmonie fabuleuse : finesse du grain transcendant son gras, complexité, profondeur, arc-en-ciel de saveurs, et toujours cette tension lumineuse, inspirée, qui élève le grain, l' ouvre comme pour en faire sortir le ciel....

Dans le fond, pour moi, c' est cette transparence qui transforme ce vin en Nectar, d' un millésime à l' autre. Je ne changerais pas un mot de la conclusion que la précédente bouteille (2005) m' avait inspiré lors de notre première escapade grecque.

Merci de m' avoir lu.

Daniel
21 Jan 2013 18:34 #1

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