Vignes valaisannes
Gel d'hiver 2001-2002 : point de la situation - conseils techniques
Les températures particulièrement basses enregistrées et la persistance de celles–ci durant quarante jours pendant les mois de décembre 2001 et janvier 2002 (du 7 décembre au 20 janvier) ont causé dans l'ensemble du vignoble valaisan des dégâts de gel d'hiver. Le manque d'eau dans le sol enregistré à l'entrée de l'hiver a favorisé un gel en profondeur mais n'a pas endommagé les racines du porte-greffe. Il a peut-être, par contre, sensibilisé le gel de la variété. Ce déficit hydrique au sol a créé un déséquilibre entre les besoins de la vigne et son évapotranspiration ce qui aurait contribué à provoquer également un dessèchement des organes vitaux. On constate des dégâts importants aussi bien en plaine que dans le coteau. Les situations de faible pente ou les replats, ainsi que les secteurs habituellement froids (cuvettes) présentent des dégâts d'une plus grande intensité que le reste du vignoble. La rive gauche du Rhône a été, dans l'ensemble, moins touchée que la rive droite.
En parcourant le vignoble, il est possible de faire une première estimation de l'intensité des dégâts :
DEGATS AUX CEPS
Les dégâts sur les parcelles touchées sont très variables et sont de trois types :
Ceps atteints au 1er degré : les yeux francs situés sur le sarment de l'année sont gelés
Un coup de sécateur au travers de l'Å“il ou du courson permet de confirmer l'observation : ils sont bruns et le courson est desséché. Les yeux (borgnes) situés entre le bois de l'année et le bois de 2 ans vont débourrer et ils sont en général peu fructifères, en particulier pour le Pinot noir et pour le Chasselas-Fendant. A l'ébourgeonnement, il faut apporter une attention particulière à ces rameaux parce qu'ils sont fragiles. Il est nécessaire de régler la charge des ceps ainsi endommagés pour ne pas prétériter la pérennité du capital-plante.
Ceps atteints au 2ème degré : les cornes ou les bras du cep composés du bois de 2 ans et plus sont atteints (section brune ou sèche)
Dans ce cas-là , les yeux se situant sur le vieux bois débourrent ou vont débourrer (yeux latents). Ces yeux sont assez souvent situés sur le bourrelet de greffe. Ils sont fragiles et peu ou pas fructifères. Ils serviront à la formation complète du cep et doivent donc être correctement choisis dans le courant de sève et attachés le plus tôt possible (casse). A l'ébourgeonnement, on élimine les parties mortes du cep. Dans le cas d'une culture gobelet d'âge moyen (8 à 15 ans), il serait judicieux de profiter de cette situation de gel pour transformer la culture de gobelet en culture sur fil de fer (Guyot ou cordon permanent) et éventuellement d'arracher une ligne sur trois ou sur quatre, de manière à rationaliser la parcelle (main-d'Å“uvre et mécanisation).
De manière générale, les vignes touchées au 1er et 2ème degré débourrent de façon irrégulière. Il faut donc retarder l'ébourgeonnement pour pouvoir choisir les rameaux permettant de reformer le cep et ainsi préparer la taille de l'année prochaine. Il est absolument nécessaire dans le cas de ceps touchés au 2ème degré de supprimer totalement la récolte si l'on veut sauver le capital-plante. De plus, il est inutile d'épandre des engrais.
Ceps atteints au 3ème degré : Plus aucun Å“il ne débourre sur l'ensemble du cep
Un coup de sécateur sur le tronc principal permet de confirmer la mort du cep (section brune ou sèche). La reconstitution partielle ou totale d'une parcelle doit se faire après avoir arraché la totalité du capital-plante, racines comprises. Il est impératif d'isoler ces ceps en lieux secs ou à l'abri des intempéries (bâches) afin d'empêcher le développement des maladies fongiques telles que esca et eutypiose. Il est également indispensable d'extraire la totalité des racines des ceps morts avant replantation pour éviter le développement du pourridié (blanc des racines). De plus, l'emploi d'herbicides racinaires en 2002 et pendant les 2 ans qui suivent la nouvelle plantation est fortement déconseillé. Enfin, la réservation des barbues pour les plantations à venir doit se faire impérativement auprès du pépiniériste dès maintenant.
Remarques générales :
L'expérience des années de gels antérieures à 2002 (1956 – 1973) incite à conseiller d'attendre début juin avant d'évaluer précisément la viabilité ou non du cep. Dans le cas d'un débourrement tardif, la maturité des raisins sera évidemment retardée, ce qui implique un dégrappage sévère, voire total.
La charge au cep sera très probablement irrégulière de manière générale. Le dégrappage doit être raisonné et viser prioritairement les ceps chargés afin de préserver la qualité du vin et la pérennité du capital-plante.
DEGATS SELON LES CEPAGES
De manière générale, sur l'ensemble du vignoble, les dégâts sont d'intensité différente suivant les cépages. Sur les parcelles complantées des 4 cépages principaux (87% du vignoble qui en compte 5'250 ha), le Gamay est le cépage qui s'est avéré le plus sensible au gel, suivi du Chasselas-Fendant et de manière moins intense le Sylvaner-Rhin et le Pinot noir. Les autres cépages dans l'ensemble ont très bien résisté (Cornalin, petite Arvine, Humagne rouge etc.) exception faite pour le Diolinoir où les dégâts sont significatifs.
DEGATS EN FONCTION DE L'AGE DES VIGNES ET DU SYSTEME DE TAILLE
Force est de constater que ce sont les vignes les plus âgées (plus de 20 ans) particulièrement celles qui sont conduites en taille courte (gobelet, cordon permanent et fuseau) qui ont été les plus touchées. Sur les vieilles vignes, la proportion élevée de vieux bois par rapport au conduit de sève ainsi que les plaies de taille qui sont des voies d'entrée pour le froid, sont les principales raisons des dégâts importants constatés. A l'inverse, les parcelles âgées complantées en cépages autochtones ou traditionnels ont quant à elles très bien résisté. Pour le même cépage et même âge, la taille longue (Guyot) a bien mieux résisté au gel. L'historique de la parcelle, en particulier l'état sanitaire du capital-plante, la régulation annuelle de la charge au cep, l'excès ou le manque de vigueur peut également expliquer dans certains cas pour des vignes d'âge moyen des dégâts importants. Les plantations 2001 de manière générale et les jeunes vignes, tous cépages confondus, ont très bien résisté exception faite pour le Diolinoir.
PREMIERE ESTIMATION DE L'IMPORTANCE DES DEGATS SUR L'ENSEMBLE DU VIGNOBLE VALAISAN
Il est extrêmement difficile d'estimer la perte de récolte pour 2002 ainsi que les incidences sur les récoltes à venir car l'intensité des dégâts est très variable (âge, cépage, taille) ; seule l'estimation de la récolte potentielle avant dégrappage que l'Office de la viticulture effectue chaque année au mois de juillet permettra en comparaison de la moyenne des 10 dernières années d'estimer la réelle incidence économique de ce gel d'hiver. Une première estimation peut toutefois être donnée en établissant par cépage et selon la surface le pourcentage global des dégâts :
Première estimation de la surface totale endommagée du vignoble :
Cépage
Surface cantonale (ha)
Estimation des dégâts (%)
Surface totale endommagée par cépage (ha)
1er degré
taille annuelle détruite des ceps
2ème degré
ceps à reformer
3ème degré
ceps morts à reconstituer
Gamay
934
15% (140 ha)
5%
(47 ha)
1% (9 ha)
196
Chasselas
Fendant
1649
7%
(115 ha)
4%
(66 ha)
1% (16 ha)
197
Sylvaner-Rhin
204
5%
(10 ha)
2%
(4 ha)
1% (2 ha)
16
Pinot noir
1835
4%
(73 ha)
2%
(37 ha)
0.5%
( 9 ha)
119
Autres cépages
628
3%
(19 ha)
2%
(12 ha)
0.5% (3 ha)
34
TOTAL (Ha)
5250
357
166
39
562
soit le 10.7 %
POUR MEMOIRE
Depuis 1956, on compte six gels d'hiver significatifs dans le vignoble valaisan, soit février 1956, janvier 1963, janvier 1966, mars 1971, décembre 1973 et enfin janvier 2002, le moins important de cette série.
Office cantonal de la viticulture – Michel Pont ; Claude Parvex
Châteauneuf, le 8 mai 2002