Un domaine que je voulais découvrir depuis longtemps !
Après une dégustation très encourageante lors du Salon des Vins de Loire, une visite s'imposait.
A quelques kilomètres de Rochefort sur Loire, non loin de Chalonnes, la carte routière vous indique le site d'un panorama. A gauche, une petite route qui monte et vous arrivez près d'un bâtiment qui se veut pratique et fonctionnel, encore plus haut que le panorama signalé !
Très belle vue sur la vallée de la Loire, Angers au loin sur la droite, Savennières, etc.
En fait, le domaine date de 1978, donc le couple Delesvaux vient de passer le cap des noces d'argent avec sa terre, son îlot de vignes que l'on aperçoit à quelques centaines de mètres, le Clos du Pavillon, Feuille d'Or, le Clos de la Guiberderie.
Il faut savoir que les Delesvaux travaillent tous les deux seuls sur le domaine. Si vous souhaitez les rencontrer, prévenez de votre passage ! Parce que, chaque jour, les tâches ne manquent pas ! Ils se partagent la surface et le volume du local : à gauche, le cuvier, au premier plan, le chai à barriques et "l'espace accueil-dégustation"! Plus loin, l'aire de stockage (on note des réserves très limitées!) et au fond, à gauche, l'espace de Mme Delesvaux : étiquetage, etc...
On pourrait croire à un attachement particulier à cet ensemble bâti de A jusqu'à Z par ce couple de vignerons. Il est fort, bien sur, mais, au court de la conversation, ils vous avoueront peut-être qu'une offre aux antipodes ne les laisserait pas indifférents !… Ce qui a failli être le cas naguère, d'ailleurs !
Philippe Delesvaux pratique aisément l'humour lors d'un entretien. Il s'étonne d'ailleurs que pour beaucoup de contemporains, il ne soit pas possible de faire sérieusement ce qu'on a à faire sans se prendre au sérieux !
Chaque jour, pour sa vigne, pour son vin, il travaille au feeling. Il est aussi à l'écoute des autres vignerons, un peu partout : « On apprend beaucoup des autres ».
Il va volontiers à Bordeaux. Y a rencontré des « gens passionnants », mais aussi des « insupportables » ! Parlez-lui de ses rencontres avec la jet-set sant'émiliôônesque ! Un bon moment à passer !
Bref, quelqu'un qui a les pieds sur terre. Humour décapant certes, délire parfois, mais aussi prompt à s'indigner, ou en tout cas à s'étonner d'avis émis, parfois à l'emporte-pièce : "Les très rares visites de journalistes qui semblent tout connaître de vous, les étiquettes qui vous sont atrribuées : course au sucre, etc... Etonnant ! Parfois, ça me fait bondir, je ne peux m'empêcher de leur adresser un courrier qui me vaut inévitablement, comme dans un guide bien connu, quelques années de purgatoire ! »
A noter aussi qu'il vient nous lire sur LPV ! Sous la rubrique qui lui est consacré, il a vu rouge, tout rouge, à propos des arômes de carton mouillé sur le SGN 1999 ! Pour lui, il y a là un problème de verre ou des échantillons gâtés par des bouchons défectueux ou un stockage inadapté. "Mais, le carton mouillé sur cette cuvée, non, que non !"
Donc, quelqu'un qui s'engage. Comment pourrait-il en être autrement pour celui qui a rédigé la charte Sapros ? Le vignoble est en culture bio avec enherbement naturel dans le rang et travail du sol sous les pieds de vigne. Biodynamie en 2004. Pas de chaptalisation depuis 1985!... "Qui dit mieux?..." Pas d'intrants en vinification excepté le soufre (dose mini). Un domaine de renommée mondiale s'il en est (80% à l'export, « le marché français n'existe pas pour les moelleux-liquoreux ! »).
Passons à la dégustation. Philippe Delesvaux (originaire d'Evian ! « Je n'ose l'avouer ! Pour un vigneron, quand même !») propose de revoir les Layons actuellement disponibles.
8,65 ha de chenin au total, d'abord pour un Anjou blanc sec « Feuille d'Or », issu de raisins passerillés. Pour les Layons, tries successives, bien sur, apportant passerillage ou botrytis. Ces tries sont vinifiées individuellement. Ce qui se comprend, du fait que chaque parcelle atteint la maturité voulue à des moments différents. Le Layon générique et le Layon-St Aubin sont issus de raisins passerillés venant de l'ensemble du domaine. Le Clos du Pavillon est issu de tries mi-passerillées, mi-botrytisées de la parcelle dite. Les SGN uniquement de tries botrytisées à 100%.
Coteaux du Layon 2002 : en fait, un demi-sec. Issu de schistes carbonifères, récolté fin octobre. Beaucoup de fraîcheur et de légèreté très agréable. Net.
Coteaux du Layon St Aubin 2002 : un moelleux récolté début novembre sur des chenins passerillés. Un plus de complexité, de gras et beaucoup de charme. De la fraîcheur aussi!
Clos du Pavillon 1998 : moelleux mi-botrytisé, mi-passerillé. 1ère trie d'octobre sur sol de charbon et schistes, fermentation et élevage de 24 mois en barrique. Gras et intense. Une balance très agréable. Belle longueur plutôt complexe.
Clos de la Guiberderie 2000 : 50% botrytis, 50% passerillage, récolté à 20° potentiel. Intense et droit. Complexité sur un beau support acide. Jolie bouteille! Issu d'un sol de poudingues pour l'essentiel. Minéralité façon calcaire !
SGN 2001 : liquoreux 100% botrytisé, tries de fin octobre, fermentation et élevage de 18 mois en barrique. Très fin botrytis. Elégance et longueur remarquable.
2002 : prélevé sur fut : « un vin qui n'a pas encore commencé à donner ! » selon les mots du vigneron.
SGN 1999 : trie récoltée sur les deux clos, aux environs de 23° environ (155 gr de SR). Très intense ! Botrytis et minéralité explosent. Une liqueur impressionnante ! Tapisse la bouche et semble avoir un potentiel énorme.
Carboniféra 1997 : seconde trie sur le Clos du Pavillon uniquement, 350 gr de SR ! La minéralité étonne sur des notes de champignon de Paris très fraîches ! Les amateurs de Layon d'exception sont servis ! De l'ampleur, du volume. Ouahou ! Seul millésime de cette cuvée!
Anthologie 1997 : première trie sur le vignoble de l'époque, 32° potentiel! 450 gr de SR ! De l'huile ! Et, en même temps, de la fraîcheur intense et une présence pas possible ! Fait partie des bouteilles que je souhaite à tous les amateurs de chenin de pouvoir y goûter !… Proposée dans les millésimes 95, 96 et 97.
Deux Anjou rouges également, à Ardenay, sur la commune de Chaudefond sur Layon, dégustés au Salon :
Anjou rouge 2001 : 100% cabernet franc (1,50 ha), sur sol de poudingues et schistes gréseux. De la fraîcheur! Rejoint le côté "classique" du millésime.
Anjou-Villages 2000 : 100% cabernet-sauvignon (1,50 ha), élevage de 12 mois, 1/3 en barriques, 2/3 encuve. Issu d'un sol de cendres volcaniques et schistes gréseux. Assez intense et persistant. S'exprime un peu sur des arômes tertiaires.
J'ai comme dans l'idée que Philippe Delesvaux saura encore nous épater !
Allez ! Poussez jusqu'en Anjou ! Le temps y est doux, les vins, souvent aussi ! Prenez garde de ne pas en devenir fou !
PhR