Quand l’ami Claude et sa Solange invitent, c’est sans quotas ! En revanche on peut s’attendre à ce qu’il y ait des vins de François Cotat parmi les vins proposés… Cette fois-ci, nous serons gâtés, car c’est le thème même du repas-dégustation.
Pour le repas, Solange a vu les choses en grand : de la haute gastronomie, des plats à base de produits d’excellence qui ravivent les yeux puis les papilles. Servis en prenant le temps, ce qui permet de les apprécier ainsi que les vins, cela aura eu un autre avantage : nous avons été reçus pour le déjeuner et le dîner en même temps ! En effet cela a duré plus de six heures et nous n’avons pas vu le temps passer…
Donc pas d’aveugle pour les vins, servis essentiellement par paires avec une homogénéité de cuvée sur chacune et un écart d’un an entre les deux millésimes. Tous les vins ont été ouverts plusieurs heures à l’avance mais sans épaulement.
Il y aura également un « before », mais quel before !
Champagne – Pierre Gimonnet – Spéciale Club – 2002
Il s’agit d’un Blanc de blancs.
La robe présente un beau doré soutenu et un cordon de bulle peu abondant mais fin.
Bien ouvert, sans plus, le nez très élégant annonce un Champagne de haut vol : les fruits jaunes l’emportent sur les fruits secs, la brioche et le grillé complètent bien l’ensemble avec des nuances florales.
On retrouve cette élégance en bouche, encore plus développée, qui prend une forme de dentelle. Le volume est tout à fait intéressant mais c’est la bulle caressante et crémeuse ainsi que la superbe élongation, toute en tension sur la finale, qui frappent le dégustateur.
Un très beau Champagne d’apéritif qui a parfaitement accompagné des feuilletés au thon et aux herbes de Provence faits maison.
C’était ma première rencontre avec cette cuvée remarquable, qui a de plus été magnifiée par un millésime d’anthologie.
Excellent
La première paire porte sur la cuvée « Caillottes », issue comme son nom l’indique d’un terroir calcaire.
Les deux vins accompagneront successivement une terrine de joues de lotte et gambas au safran et aux tomates confites puis un gravelax de saumon à l’anis vert et céleri rémoulade.
Sancerre – François Cotat – Caillottes – 2010
La robe est de couleur paille, vraiment très claire et très brillante.
Intense, le nez est marqué par son terroir avec ses arômes crayeux dominants, s’appuyant sur une base de fruits blancs et quelques notes d’agrumes.
La bouche bien équilibrée présente un profil longiligne, sans manquer d’ampleur. La minéralité prégnante se présente aromatiquement plus sous forme de pierre à fusil que de craie, la finale saline étant dans la même veine.
L’accord avec la terrine est bon, mais c’est sur le gravelax que le vin se révèle en prenant du volume grâce au moelleux du plat.
Bien ++ / Très bien
Sancerre – François Cotat – Caillottes – 2009
La robe est paille, presque or, nettement plus soutenue que celle du 2010.
Le nez très ouvert gagne rapidement en complexité à l’aération, avec toujours cette sensation de craie, mais aussi des notes miellées et exotiques.
L’ampleur et la rondeur de la bouche sont magnifiques, amplifiées par un léger gras et par une matière très mûre qui donne l’impression de quelques grammes de sucres résiduels. Une vivacité bienvenue vient soutenir l’ensemble et le porter jusqu’à une finale toujours sapide.
De façon attendue, le mariage est très réussi avec la terrine mais le vin s’éteint un peu sur le gravelax.
Très Bien +(+)
La deuxième paire porte sur la cuvée « Les Monts Damnés », issue d’un terroir de terres blanches, donc à base de marnes (argilo-calcaires).
Elle est associée à un beau foie gras maison.
Sancerre – François Cotat – Les Monts Damnés – 2006
La robe propose un or clair brillant.
Très intense, le nez exhale des arômes minéraux teintés de fumé, et des fruits jaunes.
La bouche dense, au grain très serré, révèle une belle matière. La finale est plus longiligne et saline.
Le côté fumé du nez ressort en bouche lorsque le vin est associé au foie gras, s’en sortant mieux que le 2005.
Très Bien +(+)
Sancerre – François Cotat – Les Monts Damnés – 2005
La robe est d’un or moyen et brillant, logiquement plus soutenue que celle du 2006.
Le nez présente une intensité remarquable, une grande richesse et une belle complexité : le côté crayeux s’efface à l’aération au profit d’arômes de fruits mûrs, exotiques, avec notamment de l’ananas, mâtinés de quelques touches d’agrumes.
La bouche est à l’avenant, d’un volume XXL et bâtie sur une matière très mûre. Une belle acidité lui permet de rebondir sur une finale très expressive et sapide aux légers et beaux amers.
Son absence de sucres résiduels (ou sa très faible teneur en SR s’il y en a) ne permet pas de signer un très bon accord avec le foie gras à mon goût, même si son amplitude et sa richesse sont des facteurs positifs.
Très Bien ++ / Excellent
Je m’aperçois à ce stade que j’ai utilisé quatre fois sur quatre une note intermédiaire. C’est sans doute que je ne veux pas mettre trop d’inflation dans mes notes mais pourquoi rester raisonnable ?
La troisième paire porte sur la cuvée « La Grande Côte », issue d’un terroir de caillotes, donc à base calcaire, mais comportant également de l’argile.
Elle accompagne une superbe cocotte de joues de lotte, crevettes, lait de coco, curry et citron.
Sancerre – François Cotat – La Grande Côte – 2003
La robe est d’un or moyen.
Le nez puissant, au fruité explosif sur des fruits jaunes et exotiques, déroule aussi une aromatique riche de miel, de réglisse, et de notes fumées.
La bouche est large et sphérique, au fruité très mûr, tellement que c’est la réglisse qui ressort. Elle manque un peu de fraîcheur et d’élégance, la finale restant un peu trop lourde sur des arômes de caramel.
Ce vin peut être très apprécié par certains palais adeptes du « big is beautiful ». Il a pour moi souffert de la comparaison avec son frère aîné. Il s’affine à peine sur le plat et devrait être plutôt essayé sur une tranche de foie gras ou un foie gras poêlé.
Bien ++
Vin de Table – François Cotat – La Grande Côte – 2002
Oui, vous avez bien lu : ce vin, comme tous les 2002 de François Cotat, a été refusé à l’agrément !
Et pourtant c’est un grand vin !
La robe est d’un or moyen, très semblable à celle du 2003, avec un peu plus de transparence.
Le nez dévoile une très belle intensité et surtout une complexité qui associe exotisme et rigueur (fumé, craie), complétée par une pointe d’agrumes. Le terroir parle.
La bouche est magnifique, d’une harmonie au summum entre puissance et finesse. Elle donne une sensation de sucré par sa richesse et de tension par son acidité. L’aromatique est d’une superbe pureté et la persistance incroyable, couronnée par une finale d’une salinité vibrante.
Le vin réussit de plus un grand accord avec le plat, les deux se retrouvant dans leur sapidité et leur finesse, et se fondant remarquablement.
Un grand vin vous dis-je :
Excellent +
Et à ce stade je ne sais pas que je ne suis pas au bout de mes surprises…
La quatrième paire porte sur la cuvée « Les Culs de Beaujeu », issue d’un terroir de terres blanches, donc à base de marnes (argilo-calcaires), semblable à celui des Monts Damnés.
Elle est associée à un remarquable risotto aux Saint-Jacques, asperges et cucurma.
Sancerre – François Cotat – Les Culs de Beaujeu – 2001
La robe hésite entre paille et or.
Très intense, le nez est empreint d’une belle minéralité sur un fond fruité où la mirabelle domine.
La bouche est large et ample et possède en même temps une très belle acidité. Le plus simple pour la décrire est de noter que son style est proche de La Grande Côte 2002, en un peu moins stratosphérique et en un peu plus droit et tendu, avec toujours cette finale superbe de salinité.
Excellent
Sancerre – François Cotat – Les Culs de Beaujeu – 2000
La robe est or clair.
Le nez très intense présente des notes d’oxydation sur la pomme verte.
La bouche a la même caractéristique même si c’est moins marqué qu’au nez. C’est dommage car son volume, sa chair, sa fraîcheur et sa longueur laissaient présager de belles choses.
Non noté.
Pour la cinquième paire nous ne serons pas exactement sur la même cuvée ; elle est associée à un délicieux ris de veau déglacé (au Cotat Caillottes 2010 !), à la crème, aux morilles et aux carottes confites.
Sancerre – François Cotat – Réserve – Cuvée spéciale – 1990
« Réserve » s’explique par le fait que le vin a été élaboré à partir de raisins flétris restés sur pieds venant de l’ensemble des terroirs du Domaine.
« Cuvée spéciale » indique qu’il s’agit d’une cuvée comportant du sucre résiduel.
La robe présente un or bien marqué.
Le nez démonstratif et riche développe une aromatique très exotiques où la mangue et l’ananas ressortent.
La bouche est à l’unisson, sur une chair pleine et généreuse, bien mûre. La liqueur est présente mais d’un équilibre entre demi-sec et moelleux. La belle fraîcheur étire la finale toute en sapidité.
Seul un léger manque de complexité l’empêche d’atteindre le niveau d’un grand vin.
Le vin domine quelque peu le plat sans l’écraser.
Très Bien ++ / Excellent
Sancerre – François Cotat – La Grande Côte – 1989
La robe est de couleur paille soutenue.
D’une très belle intensité, le nez brille par sa complexité et sa grande finesse. Les arômes virevoltent et évoluent sans cesse, depuis les fruits jaunes aux fruits confits, des champignons au sous-bois, de la minéralité aux épices douces. Quelques touches florales participent également à l’impression globale de grande fraîcheur. Irrésistible !
La bouche est vraiment phénoménale, de concentration, de sapidité révélant une matière parfaitement mûre, mais aussi d’élégance et de fine minéralité. Le toucher est de velours et laisse à penser qu’il y a quelques sucres résiduels, mais alors en très faible quantité, juste pour enrober l’ensemble. La persistance XXL se prolonge bien après la finale à l’impeccable retour salin.
Le mariage est fort réussi avec le ris de veau, plat et vin laissant chacun son partenaire s’exprimer et c’est tout ce que demandait ce vin extraordinaire.
J’avais déjà fort apprécié la cuvée Culs de Beaujeu du même millésime lors de la dégustation « A 25 ans on est jeune ! » en 2014, notée « Excellent ».
On est ici sur un vin hors normes qui m’a mis la larme à l’œil :
Excellent ++
Sur un assortiment de très bons crottins de chèvre (de Chavignol bien sûr !), nous est proposé un :
Sancerre – François Cotat – Les Monts Damnés – 1997
La robe présente un bel or intense.
Le nez s’ouvre bien sans être très expressif mais il se révèle d’une belle finesse et d’une certaine complexité olfactive. Il allie avec brio un fruité mûr sur l’abricot et une minéralité soutenue (décidément un marqueur des vins de François Cotat) ainsi que quelques notes miellées.
La bouche possède une grande profondeur et une belle austérité, à la fois par sa droiture et par une gamme aromatique plus large que celle décelée au nez, s’enrichissant de notes empyreumatiques et de cire. Elle s’agrémente d’un léger gras et d’une belle longueur à la finale déliée.
Très bon choix que ce vin qui a fait ressortir les saveurs des fromages sans perdre de sa forte personnalité !
Excellent
Enfin, un dessert remarquable arrive : une poire pochée sur une brioche perdue et glace au sauvignon. Il est remarquable par ses fines saveurs, les textures complémentaires de ses différents constituants et l’élément qui les relie : un Cotat 1995 qui a servi à pocher la poire, imbiber la brioche et réaliser la glace ! Mais je n’ai pas su reconnaître la cuvée…
Sur ce dessert est servi un :
Sancerre – François Cotat – Cuvée Paul – 2001
La cuvée Paul est de même nature que la cuvée Réserve, élaborée à partir de raisins récoltés en vendanges tardives. Le changement de nom date de 1999. Le vin, élevé en tonneaux de 7 à 8 ans, ne termine pas sa fermentation, sans aucune intervention. Là encore, pas de nom de parcelle car il s’agit d’un assemblage de raisins venant principalement des Monts Damnés mais aussi de la Grande Côte,
La robe est d’un bel or brillant.
Le nez expressif est brioché (tiens !), d’une brioche bien sucrée (!), sur de beaux fruits jaunes et toujours agrémenté d’une minéralité de la marque « Cotat ».
La bouche de demi corps joue le camp de la finesse et de l’équilibre : les sucres sont bien fondus, le fruité élégant, l’acidité sous-jacente et l’ensemble s’étire très longuement comme une jeune et jolie femme après un long sommeil…
L’accord ne fonctionne malheureusement pas à 100 % avec le très beau dessert, par manque de liqueur dans le vin.
Très Bien ++
Voilà qui termine une dégustation qui restera dans nos mémoires. Quelle générosité, aussi bien pour les plats que pour les vins ! Quel beau programme, avec quelques rares petites déceptions et tellement de vins superbes, dont un extra-terrestre !
Merci Solange et Claude, vous êtes formidables !
Jean-Loup