Le beau printemps du millésime 2008 à Bourges
Après la parution dans l'Equipe de ce beau moment, il m'est désormais expressément demandé de donner également mon avis! Je ne reviens pas sur les circonstances, les conditions de jeu, ni les photos des plats et des bouteilles, parfaitement décrites précédemment par les différents participants.
Vin 1: Jacquesson, Champagne, 736, NM
Base 2008, complété par 2007 & 2006
Chardonnay 53%, Pinot Noir 29%, Pinot Meunier 18%
La robe est d'or, à la bulle très fine, mais à l'effervescence assez volumineuse initialement. Le nez est assez puissant, finement oxydatif, avec une certaine complexité aromatique: noix, fruits à coque, pomme, marc de raisin. La bouche est tendue, assez tonique marquée par des amers assez typiques de quinine
(schweppes Indian tonic), le tout accompagné par cette aromatique relativement complexe
(fruits à coque, amande, caramel, auquel vient s'adjoindre un peu de citron à l'aération). La finale est assez longue, très puissante voire presque tannique. Il me semble y voir un assemblage champenois, j'aurais dit un Egly Ouriet Brut Grand Cru. C'est le premier Jacquesson que j'apprécie réellement, dans un style bien moins austère que celles déjà croisé.
Excellent (17/20) et très bel accord sur les galettes de pomme de terre.
Vin 2: Vincent Dauvissat, Chablis 1er Cru, Séchet, 2008
La robe est d'or. Le nez est initialement truffé/fumé et toasté, finement iodé. L'aération délivre des notes de citron vert. L'idée première est Sancerre, d'autant que c'est assez plaisant. La bouche montre une attaque assez puissante, large, ronde et un peu grasse. Aromatiquement c'est beaucoup plus neutre en bouche, même si l'on y retrouve un fin miellé. Malheureusement, je trouve que le vin s'effondre un peu vite et se fini assez court, alors que certains y voient un côté eau de roche/cristallin. Je suis plus sur le qualificatif aqueux et d'une neutralité helvétique
(mais sans rapport avec la chefftaine!!! )...C'est
Bien à Très Bien (15,5/20) mais une relative déception. Seconde déception pour ma part sur ce domaine cette année, alors que je garde un excellent souvenir du
Forest 2008
bu il y a quelques années maintenant. Accord néanmoins satisfaisant sur le clafoutis de la mer.
Vin 3: Alphonse Mellot, Sancerre, Génération XIX, 2008
Le nez est or cuivre. Le nez est miellé, sur la pomme au four et le pain d'épices. La bouche est tendue, finement huileuse qui se met en compétition avec une grosse colonne vertébrale acide. On retrouve de la pomme au four, de la verveine, des arômes miellés d'évolution, donnant une impression globale de dissociation débutante, précurseur d'un syndrome d'oxydation prématurée. La finale est puissante, un peu chaleureuse. Je pense à un chardonnay qui commence à tomber du côté de
l'Empire du Côté Obscur de la Force...
. A défaut, je misais une piécette sur la cuvée oxydative de Marlène Soria, Oro. En tout cas, je n'ai pas reconnu cette bouteille, pourtant bue avec grand plaisir
lors d'une soirée mouvementée dans le Forez
. Cet exemplaire restait encore buvable, mais plus pour longtemps et sans réel plaisir.
Correct à Assez Bien (13,5/20). Accord assez moyen avec le saumon et la nage au citron vert/lait de coco, qui ne marche pas ensemble car le vin n'est ni au niveau ni sur l'aromatique attendue.
Vin 4: Château Rayas, Châteauneuf du Pape, 2008
La robe est or. Il y a une très belle réduction grillée/fumée et goudronnée au départ, avec des notes de verveine, de menthol et de poivre en complément. Si je m'arrêtais là, j'aurais été tenté d'évoquer un joli cru de bourgogne. La bouche n'est pas au niveau du nez selon moi. On retrouve une impression herbacée, de plantes pharmaceutiques, de chlorophylle, de menthe, de pêche jaune, mais également un soupçon de violette...C'est très puissant avec un profil alcooleux assez marqué. Vu que je ne m'attendais pas à celà après les promesses du nez, je le trouve un peu bancal et déséquilibré, même si le fond est satisfaisant. La finale est d'une rare puissance, limite tannique également. C'est un véritable OVNI, brut de fonderie, un tank, un Caterpillar qui déménage tout sur son passage, c'est assez hors norme et too much. J'ai beaucoup de mal à le placer. Yann évoque Châteauneuf, n'ayant pas d'idée plus intelligente, je suis et vote pour. C'est
Assez Bien à Bien (14,5/20). Par contre, force est de reconnaitre que ce vin, qui ne peut qu'être un vin de gastronomie, est bien recadré et fonctionne de façon quasi parfaite avec le plat
(poulet aux giroles), ce qui le remet bien dans l'axe. Cependant, je ne me battrai pas pour acheter ce genre de blancs. Ironie de l'histoire, j'avais eu globalement le même ressenti sur le
2006, lors de cette même soirée mouvementée dans le Forez
Vin 5: Clos Rougeard, Saumur Champigny, Les Poyeux, 2008
La robe est grenat à reflets rubis. On retrouve de la rose, de la pivoine, une très belle floralité, du fumé et du tabac blond. C'est un nez fin, élégant et assez typé cabernet. On retrouve une jolie bouche acidulée, avec une aromatique pointue sur la cerise, la framboise et la groseille, presque pinotante, accompagné de fleurs séchées. La matière est plutôt evanescente. La finale est assez longue, finement végétale et un peu sèche, c'est un peu dommage.
Très Bien à Excellent (16,5/20), le Clos Rougeard ne laissait que peu de place au doute, et le meilleur Poyeux goûté jusqu'à présent, après des déceptions relatives sur
2006
et
2007
. Excellent accord avec la terrine aux 3 viandes.
Vin 6: Marc Roy, Gevrey Chambertin, Clos Prieur, 2008
La robe est rubis assez claire. On a un nez d'écorce d'orange, de pamplemousse, de zestes d'agrumes, et de cerise. La bouche est longiligne, acidulée. Les tanins sont d'une très grande finesse, sur une bouche de demi-corps. La finale est assez courte et un peu sèche. C'est un ensemble élégant mais peut être un peu simple et fin. J'étais sur un Bourgogne village qui reprend bien les caractéristiques de ce millésime. On peut dire qu'il est à sa place, ni plus ni moins.
Très Bien (16/20), et accord aussi très fonctionnel sur la terrine, délicieuse par ailleurs.
Vin 7: Château Rayas, Châteauneuf du Pape, 2008
La robe est rubis turbide. Le nez est pathognomonique de Reynaud: guimauve à la fraise, fraise écrasée, rose, fleurs séchées, menthe, encens, girofle, orange sanguine, cannelle
(aromatique de côté vin chaud par certains aspects). La bouche est pleine, ronde, très volumineuse et portée par une belle amertume structurante. L'aromatique est identique au nez. La finale est longue, et relativement fraîche. Une réussite et un très bel équilibre pour ce vin: La seule hésitation consistait à savoir si c'était Pignan ou Rayas, mais je votais la seconde hypothèse.
Exceptionnel à grand (18,5/20) et accord magnifique avec le pavé de cerf et jus au romarin et poivres. Autant je ne me battrai pas pour rentrer les blancs de Reynaud, autant pour les rouges, c'est quand même pas la même limonade...
Vin 8: Jean Paul et Corinne Jamet, Côte Rôtie, 2008
La robe est rubis foncée. Le nez est mentholé, avec un petit côté sparadrap, colle, tabac. Certains évoquent le cabernet de la rive gauche bordelaise, ce qui n'est pas idiot. J'étais plutôt sur une syrah avec de l'âge mais pourquoi pas en assemblage, car il me semble retrouver un peu de poivron...Et syrah/cabernet, je dis Grange des Pères. La bouche est acidulée, longiligne, sur les agrumes et le poivre, le menthol et le cassis, avec du fumé et de la cendre. La finale est longue, plutôt dans un style esthète que ce vin là. C'est très beau, dans un registre classique. Effectivement, la bouche me semble moins confortable et exubérante que ce que pourrait être GDP, du coup je me recentre sur Côte Rôtie.
Exceptionnel (18/20), excellent accord avec l'épaule d'agneau...et l'affront est lavé, après une
1999 bouchonnée il y a un mois
Vin 9: Domaine des Marnes Blanches, Côtes du Jura, Vin Jaune, 2008
La robe est d'or, légèrement cuivrée. Le nez est sur l'alcool à brûler, très nettement dans un registre oxydatif, avec de la noix, du poivre, de la colle de sparadrap, du raisin sec, de la gentiane
(suze). La bouche est sèche, douce, un peu huileuse, avec toujours cette aromatique d'alcool à brûler. c'est assez long et salin. . Paradoxalement, il est beaucoup plus doux en bouche qu'au nez. La provenance ne laisse absolument aucun doute, l'accord est juste parfait avec les comtés
(plat du pied: sécurité!!!), dont j'ai préféré à titre personnel le 12 mois, qui me semblait le plus abouti à mes goûts.
Très Bien (16/20). Premier jaune que je bois sans déplaisir, merci Jean Loup
Vin 10: Marie Thérèse Chappaz, Ermitage, Grain d'Or Mi Flétri, 2008
La robe est très dorée. On a un nez de fruits secs, complété également par une aromatique de glace à la vanille. La bouche est ronde, finement grasse. On est dans un équilibre plus moëlleux que liquoreux, dans lequel on retrouve des fruits confits, de la violette, un peu d'abricot. C'est assez léger, avec une finale de moyenne longueur. Je partais sur un Condrieu en vendange tardive
(en omettant le thème 2008...) ou à défaut un Passito di Pantelleria.
Très Bien (16/20) et bel accord avec le crumble
(meilleur qu'avec le vin suivant).
Vin 11: Royal Tokaji, Tokaji Aszu, 5 Puttonyos, 2008
La robe est très cuivrée. On a un nez miellé/poivré, de raisins secs. La bouche est fluide, plus massive que le vin suisse, avec un côté crémeux et gras, qui le rend à la fois plus rond, dense et confortable. On retrouve des notes de coing et de vanille. Il finit un peu court même s'il ne manque pas d'acidité, que l'on devine plus que ce qu'on ne la ressent réellement. J'étais sur un chenin.
Très Bien à Excellent (16,5/20). Accord satisfaisant avec le crumble.
Evidemment, je réitère encore une fois mes remerciements les plus sincères envers notre fameux couple berruyer, ainsi qu'à mes compagnons de jeu du jour. Vivement la prochaine et portez vous bien d'ici là!!!
C'est tout pour aujourd'hui, et c'est déjà pas mal!!!