J’anime un petit club en région parisienne (non, ce n’est pas LPV Versailles !) depuis une douzaine d’années. Nos dégustations se sont espacées depuis que je me suis réfugié à Bourges
et cette fois-ci c’est un membre éminent de notre confrérie qui nous a proposé de piocher dans sa cave quelques vieilleries pour voir si elles tenaient encore la route… ou mieux.
Nous ne sommes pas partis au hasard… Sur une liste de quarante vins datant de 1971 à 1990, j’en ai retenu huit, pas uniquement les plus prometteurs car le but était aussi de voir si on avait de bonnes surprises. Huit alors que notre « cahier des charges » indique six bouteilles par soirée, afin d’avoir deux bouteilles en rechange au cas où ; finalement nous n’en avons pas eu besoin.
Nos hôtes ayant prévu un foie gras en entrée, nous commençons par un liquoreux, ce que j’accepte à la condition de bien rincer les gosiers avec de l’eau avant le blanc sec qui suivra.
C’est parti pour une dégustation non à l’aveugle, comme vous l’aurez compris.
Clos Le Casteleau – Monbazillac – 1986
Bouteille dégustée sitôt après ouverture.
Sans surprise, la robe est très ambrée.
Le nez nécessite un peu d’aération dans le verre pour s’ouvrir sur une aromatique mêlant des senteurs encore primaires comme l’abricot confit et le miel et d’autres plus tertiaires comme les champignons voire la truffe.
Fondue et épanouie, la bouche présente peu de sucres ressentis, une sapidité moyenne et juste assez d’acidité pour la soutenir, ce qui ne l’empêche pas de persister longuement dans une finale savoureuse.
Très Bien (+)
Il n’y avait pas trop de risques pour un Monbazillac de ce millésime, et celui-ci a parfaitement répondu à nos attentes.
Les Caves des Hautes-Côtes – Hautes-Côtes de Nuits blanc – 1986
Bouteille dégustée sitôt après ouverture.
La robe est ambrée mais en même temps bien claire.
D’une intensité moyenne, le nez exhale des arômes révélateurs d’une certaine oxydation, avec de la noix et de l’humus, mais aussi de la colle.
En bouche, après une attaque dotée d’un léger gras, le vin se goûte très sec, par son aromatique minimaliste et sa grosse acidité qui se transforme en grande tension dans la finale. L’oxydation est également perceptible mais moins qu’au nez et cela ressemble à de l’oxydation ménagée plus qu’à un vin oxydé.
Bien +
Un gros pari sur ce vin mais c’était le seul blanc sec proposé : il s’avère encore vivant !
Domaine Aimé Langoureau – Chassagne-Montrachet – Les Voillenots Dessus – 1976
Le bouchon se casse en deux à l’ouverture puis la partie restante tombe dans la bouteille. J’ai décidé de ne pas carafer tout de suite car il restait environ une heure avant la dégustation de ce vin. Je l’ai donc simplement décanté juste avant de le servir.
La robe assez claire montre quelques reflets tuilés mais pas très prononcés.
Le nez bien ouvert enchante par ses superbes arômes floraux et de truffe, sur un fond de petits fruits rouges.
La bouche est l’élégance même, certes peu charpentée voire plutôt fluide, sur un fruité acidulé qui se prolonge dans une finale nette et ciselée.
Très Bien +(+)
Une très bonne surprise offerte par ce vin de 43 ans, d’un bon domaine (j’imagine que c’est le même que le domaine Sylvain Langoureau d'aujourd’hui), d’un lieu-dit renommé mais pas premier cru, et d’un très bon millésime.
Château Lacoste-Borie – Pauillac – 1989
La bouteille a été ouverte une bonne heure avant dégustation.
La robe assez sombre ne montre pas trop de signes d’évolution.
Le nez très intense développe des arômes de cuir, voire animaux, du poivron rouge et quelques notes de cerise.
La bouche est ronde et bien charnue, mais sur une aromatique végétale, avec du poivron vert. Heureusement les tanins sont fondus et la persistance acidulée un peu plus avenante.
Bien +(+)
Une déception avec ce vin dont le beau millésime laissait augurer un vin plus en forme et plus fruité.
Clos Fourtet – Saint-Emilion 1er GCC – 1982
La bouteille a été ouverte deux petites heures avant dégustation.
La robe assez sombre présente quelques reflets tuilés, mais qui pourraient être ceux d’un vin de dix à quinze ans d’âge !
Intense, somptueux et raffiné, le nez impressionne par sa suavité et ses arômes de fruits confiturés, de tabac, de bois précieux et de thym. C’est complexe et on y revient sans cesse pour y déceler un nouvel arôme ou simplement se délecter.
La bouche n’est pas en reste, dotée d’une chair encore dense, d’un grain serré, sur un fruité secondaire de toute beauté. Les tanins de velours et la grande fraîcheur contribuent à cette impression d’épanouissement. La finale sur des saveurs plus acidulées montre une belle persistance toute en élégance.
Excellent +
Le vin le plus prometteur sur le papier, ou sur l’étiquette
, mais que personnellement je n’attendais pas forcément à un tel niveau ! Grand vin !
Château Mouton Baron Philippe – Pauillac – 1973
Il s’agit du château qui a depuis pris le nom d’Armailhac.
La bouteille a été ouverte deux bonnes heures avant dégustation : le bouchon s’est cassé en deux mais a pu être récupéré.
La robe moyennement sombre affiche des reflets nettement tuilés sur le bord du disque.
Le nez exprime une aromatique végétale intense, teintée d’un fruité acidulé.
La bouche confirme que le vin est passé du côté obscur de la force, sur un profil assez décharné et des arômes tertiaires et végétaux. Il possède quand même une belle droiture et une certaine allonge.
Bien +
Ce vin d’un millésime très difficile a sans doute aussi souffert de l’effet de séquence.
La dégustation s’est révélée très intéressante et d’un niveau supérieur à ce que j’attendais, non seulement en raison de la présence d’un grand vin mais aussi grâce à de bonnes surprises.
Un grand merci à l’ami Pierre-André !
Jean-Loup