Salut,
Encore un moment de grâce que seul le côté familial de ces rencontres peut apporter. Lorsque en plus des amis qui se retrouvent enfin, la musique, les gammes du chef aux fourneaux et le concerto des nectars se mêlent dans une combinaison magique, c'est le début de la béatitude, parenthèse hors du temps et des fracas du quotidien.
Je rejoins à peu près Claudius dans ses appréciations >
NB : ayant mis au point le programme de la rencontre avec Claudius je connais les vins servis, mais pas leur ordre d'apparition (en particulier dans la série des 1975).
LE PREAMBULE :
* Comtes de Vogüe "Musigny V.V." 1984 (étiquette découverte, Très belle conservation) : La robe de vieux rose montre des traces brune d'évolution. Le nez assez simple au départ (sur des notes exclusivement animales), devient hypnotique, d'animal à fourrure à giboyeux puis rapidement et même 6h plus tard en queue de paon (coing, épices douces, cardamone, liqueur de framboise). Mais la bouche surtout sur la griottine bien que toute en finesse me laisse sur ma faim. Elle n'aura pas la même tenue que le nez, et 2h + tard je la trouverai plus mince à mon goût.
Ce vin a la délicatesse bourguignonne, mais pas le dégradé de saveurs subtiles, qui m'enthousiasme quand il survient.
* Latour 1976 et Latour 1983 (à l'aveugle pour une partie de l'assemblée, 83 au niveau dans le goulot incroyable, 76 pas si loin) : Puisque je sais qu'il s'agit des 2 Latour de Claudius, l'incroyable jeunesse de la robe du 1976 et la tension de sa bouche me font penser qu'il s'agit de son frère cadet.
Son nez un peu réduit, s'affirme rapidement avec d'aguicheuses senteurs invitant à approcher les lèvres.
La trame de ce
1976 est belle, solide, tannique, offrant réglisse, fruits rouges et une belle longueur légèrement astringente à la longue (plutôt légèrement amère que séchard). Vraiment un beau vin.
Moi qui ne misais pas grand chose sur cette série, répondant quelques heures auparavant à Claudius, qui se demandait combien de bouteilles il était ''raisonnable'' d'aligner...
(Pffuuut... C'est pas une pensée digne du ZWTG ça !!!)... Je lui lançais "tu sais entre tes vieux Latour et mes 75 on risque de passer vite à la suite (...)"). Que de préjugés qui se révèleront totalement injustifiés au regard du niveau de la soirée.
Et le
Latour 1983 ...! L'équilibre, le fondu, le nez aussi interminable et complexe que la bouche. Un vin qui semble avoir été juste mis en bouteille pour l'occasion si ce n'est une robe plus évoluée et une bouche bien plus mature que son "vieux" frère de 76.
Une fois ce
1983 dégusté et plus le temps passe
(à 5 nous laissons suffisamment de vin dans chaque bouteille pour pouvoir revenir sur eux jusqu'à 3h du matin et même pour certains après avoir pris la précaution d'y glisser du gaz et de profiter des températures hivernales du moment, 24h plus tard), le
1976 paraîtra moins abouti.
Très bon, pas prêt même, mais ne semblant pas promis à l'équilibre suprême, faute à une certaine dureté.
Le
1983 en plein plateau de maturité ne faiblira ni dans les fond de verre, ni dans la bouteille.
L'HORIZONTALE 1975 (dans le désordre. Pour celui-ci se référer au 1er post de Claudius) :
(à l'aveugle sans carafage ni dégagement d'épaule. Bouteilles juste ouvertes 2H à 3H1/2 avant leur service, rebouchées et laissée dans une pièce fenêtre ouverte)
Un grand merci à Claudius qui s'est échiné avec talent sur certains bouchons et a préparé dès 17h l'ensemble des flacons servis dans de beaux verres à température exemplaire (le temps de prendre 1 petit degré dans les verres )
Les niveaux sont soit incroyables, soit à peine légèrement bas. Les étiquettes sont très belles et les robes se montreront toutes sombres, profondes, parfois même lumineuses (
Lafite d'un rubis particulièrement scintillant,
Las Cases,
Haut Brion,
Giscours), parfois troubles tout en fournissant des parfums et des saveurs riches et complexes voire envoutantes (respectivement
Meyney et
Palmer seront étonnants malgré une 1ère approche visuelle moins sensuelle. Comme quoi les robes...).
Magnifique brochette d'étiquettes (manquent Latour et Margaux oubliés dans la cave), mais Claudius et moi dubitatifs misant sur au plus 2 beaux vins (
Giscours et
Palmer), espérant pour le
Haut-Brion et le
Meyney, et sans illusion voire plein de préjugés rédhibitoires envers les autres (en particulier
Lafite Rothschild). Souvent un petit disque d'évolution extérieur trahit juste que l'on doit être plutôt du côté de 1990 ou un peu plus ancien que plus proche de nous.
Nous aimerions être déçus en bien de la sorte plus souvent.
Yves et Anthony auront du mal a placer le millésime aussi loin dans les décades précédentes tant à l'aspect qu'en bouche (ils ne savent d'ailleurs pas qu'ils sont en train de faire l'expérience d'une horizontale pensant que les vins servis par paire peuvent receler tout type de vin). Je suis moi-même soufflé de la chance de n'avoir qu'une bouteille, la
Branaire Ducru, légèrement défectueuse (et encore une jolie mâche et de jolies baies rouges en bouche malgré tout).
*
Palmer 1975 m'a enchanté. Je suis tombé fou de la prodonfeur et de la tenue dans le temps de son velouté. Quelle texture veloutée, quel nez de petits fruits noirs et rouge, de fond de pruneau et de tabac blond, quel fruit et quelle longueur même 5h plus tard ! La femme la plus en vue de la Citée, tenant salon avec splendeur, douceur et raffinement. Il n'en restera plus une goutte.
Petra ne s'y trompera pas, profitant de sa prérogative pour re-remplir son verre à la barbe d'Yves
.
Bravo Yves, tu es la personne qui reconnaît les vins en à peine 2 snifs et une gorgée... A peine le temps de glisser un oeil à la collerette dépassant de l'alu et tu découvres le nom du domaine.
Un champion du monde
!
* Lafite Rothschild 1975 bu 1h1/2 plus tard dans la dernière volée, a visuellement et gustativement un scintillant et une énergie supplémentaire. C'est indéniable. Réglisse, fruits noirs, même un côté tabac blond emprunté au
Palmer. Un équilibre de trapéziste divin sur un fil tendu entre 2 cimes alpines.
Mais je ne le mets pas au-dessus du Palmer. Pour moi ils sont à égalité dans deux registres différents et complémentaires. Une féminité charmeuse pour l'un et un élégant dandy pour l'autre.
2 vins complets, à part. Quand Bordeaux, hors de tout débat, met un instant tout le monde au diapason.
A noter que Claudius nous indique qu'il a dû batailler 15mn avec le bouchon totalement mort et effrité (vermoulu même) qu'il a, avec son talent de pianiste, réussi a dégager sans laisser tomber la moindre miette. Au moins il n'a pas été déçu par son labeur. Nous non plus.
* Giscours 1975 qui a incroyablement bénéficié des bienfaits de la cave de Claudius tient ses promesses sans faille, mais de façon plus fermée et droite ce qui lui enlève le charme gourmand trouvé à d'autres. Nez étonnament mentholé. Mais une menthe douce en jolie combinaison avec des baies noires et rouges.
Après plusieurs heures il s'assagit, commencant à fournir plus de plénitude et un fruit plus pur et large au palais.
Va-t-il dans les années à venir prendre enfin encore plus de rondeur pour atteindre une autre dimension ?
* Meney 1975 (étonnante bouteille en forme de clavelin) va de même offrant un bouquet superbe, d'abord sur le noyau de pruneau, la liqueur de fruits noirs, et rapidement sur un panier de fruit plein de fraicheur. Un vin bien bâti, jeune (si, si) avec une hardiesse toute St.Estephe, mais sans rudesse.
C'est vraiment bon, fruité, avec une jolie longueur.
Son seul problème est que servi après Latour 83, et en 1er de la série des 1975 il sera pris en sandwich par quelques champions de la soirée.
On s'en "contenterait" cependant sans mal, ni frustration.
* Montrose 1975 que Claudius a inséré en complément de dernière minute en se disant quasiment qu'il mériterait l'évier au regard de sa précédente expérience est un nouvel bel étonnement. Robe opaque, gerbe de fruits, subtiles épices faisant plutôt penser à un St.Julien.
Structure solide, manquant malgré tout de complexité pour inviter au voyage. Une gangue tannique qui ne dérange pas au vu de l'équilibre, mais qui étouffe certainement quelques saveurs et empêche de s'enflammer. Cependant, c'est un discours d'enfant gâté car il fut bon.
* Léoville Las Cases 1975 s'offre à nos yeux avec un beau rubis à peine entaché de quelques traces d'évolution brunes sur son pourtour. Un beau nez de baies rouges (même de la framboise) et d'épices.
Anthony et Yves penchent vers St.Julien semble-t-il sans aide visuelle cette fois.
Le nom du domaine va même sortir.
Très belle texture. Le vin est rond presque soyeux, roulant sur la langue sans le moindre frein, avec des tannins réveillant les papilles en fin de bouche. L'air lui fait de plus en plus de bien.
Ouf ! L'autre bouteille sortie de la même caisse il y a 18 mois devait vraiment être défectueuse.
Enfin,
* Haut-Brion 1975 est grand.
Ma bouteille était il y a encore quelques mois couleuse avec un bouchon s'enfonçant dans le goulot et semblant aussi imbibé que mou sous sa capsule encore bien sertie. Le froid de la saison a fait son office et j'ai eu la surprise de ressortir un flacon au niveau légèrement bas et non haute épaule comme je le croyais et au bouchon qui se révèlera certes imbibé, mais solide.
Claude me rappelle que c'est La Mission Haut-Brion qui est noyé par les louanges de R.Parker et non l'illustre voisin tout de même considéré par "The U.S. Critic" comme réussi.
Un nez qui présente de douces notes de boite à tabac et de cèdre faisant pencher vers Pauillac. Un parfum de grand parfumeur !
La bouche est complexe encore tannique, mais bien équilibrée. Le fruit est pur, la longueur est au rendez-vous tout comme une retro gourmande, mais moins pleine et complexe que l'on pourrait l'espérer avec une légère amertume.
C'est tout de même vraiment grand, mais il est vrai que nous ne sommes qu'aux pieds des 3 déesses déjà dégustées (
Lafite Rothschild 1975,
Latour 1983 et
Palmer 1975) et que le hasard d'un Pauillac (oubli malencontreux de Latour) et d'un Pessac esseulés dans l'horizontale a collé ensemble
Haut-Brion et l'une des divinités de la soirée, le
Lafite.
Or, la comparaison immédiate fait souffrir ....................................
Odieux béotiens que nous sommes....
24 heures plus tard un verre tendu par Claudius tiré de la bouteille encore à moitié pleine et enfin préservée au gaz après 10 heures d'ouverture puis placée dans une pièce à la fenêtre ouverte est magique.
Je ne sais pas au départ ce qu'il m'offre à boire et suis donc sans préjugé croyant même au départ qu'il vient d'ouvrir une bouteille.
Le nez laisse échapper des notes fumées, du graphite, un léger pruneaux et des fruits noirs. Incroyable, encore un brin plus hypnothique que la veille. J'ai l'impression que je vais plonger mon visage entier dans le verre tant je suis mesmérisé par les délicates effluves. Et la bouche, la bouche,... Un velour profond. On se noie dans les draperies précieuses de saveurs rondes avec toujours une jolie acidité qui apporte la tension et la précision nécessaires. Une autre gourmandise.
Un moment de luxe.
A noter que Claudius littéralement subjugué par le nez, est moins enthousiasmé par la bouche (mais il faut souligner à quel point il est tombé en amour exclusif pour le Lafite... Un amour sans concession
).
MANGIARE :
Il faut passer au repas. Petra gronde, sans se départir de sa bonne humeur. Les plats sont prêts et il est temps de suspendre les débats pour penser à contenter nos estomacs et nos papilles d'autres saveurs. Claudius nous indique que ce n'est pas la peine de tenter de négocier. Connaissant les talents du chef à magnifier les plats nous n'insistons pas, au contraire.
D'ailleurs Lafite Rothschild et Haut Brion seront en réalité goûtés la 1ère fois lors d'une pause de 15mn entre les 2 magnifiques entrées (aussi belles à regarder que délicieuses à déguster) et le plat principal qui n'aura pas a rougir des précédent. Un crécendo orgiaque. Petra propose un 2e service. Claudius indique naïvement que nous devons être rassasiés. Que nenni !
3 révoltés tendront leurs assiettes avidement et remplissent leur verre déjà à moitié vide... Faut pas manquer .
MAIS PASSONS DONC AUX 2 BLANCS PRESENTES ETIQUETTES APPARENTES EN TOUT DEBUT DE SOUPER :
* Trimbach Riesling "Cuvée F.Emile" 1983, avait une capsule totalement oxydée et percée avec un bouchon à l'aune de cette néfaste vision. Le niveau est d'env. -3 cm. Le nez intéressant et non dénué de charme fait penser à un vin jurassien avec de la noix typique sans côté pomme blette.
Ce n'est pas dérangeant au contraire. La bouche, n'est pas désagréable d'ailleurs, mais fait bien plus vin jaune que Riesling. En nous disant avec Yves que sur le Stilton il ferait merveille, nous arrêtons les frais, car ce vin a perdu tout intérêt pour lui-même.
Mais encore une fois le flacon de 25 ans était bien abimé.
* Krug 1996 acquis 24h auparavant juste pour l'occasion d'en faire profiter les copains par Claudius toujours aussi généreux, a un nez très séducteur, brioché aux subtiles notes de thé et de fond d'agrumes.
Mais la bouche ne me plaît pas. Bon je ne suis pas un grand amateur de Champagne, mais comme tout le monde je sacrifie régulièrement quelques flacons lors d'occasions annuelles.
Et là, la bulle est grossière à mon goût, rendant le vin certes droit, mais surtout un peu dur. Elle étouffe le côté "vineux" que j'apprécie lorsque je prends plaisir à boire du Champagne, nonobstant une très jolie et interminable persistance en retro une fois ma langue rassérénée après avoir été trop secouée par la violence pétillante.
OK peut-être que dans 5 ou 10 ans elle s'affinera, tendant le vin et délivrant de belles et longues saveurs. Mais là je n'ai même pas eu envie de reprendre de cette bombe comprimée.
Nous étions divisés à table, certains prenant vraiment du plaisir.
Mais comparé au Dom Pérignon 1996 (et même à des cuvées moins prestigieuses) bu avec ravissement il y a presque 1 an de cela (ce qui réduit la portée de la comparaison) on est malheureusement loin à ce stade (pour moi) de l'envolée lyrique (surtout à ce prix).
Mais RDV dans quelques années, nous verrons.
L'APRES SOUPER (hors regoûtage avide des vins déjà ouverts) :
* Vietti Barbaresco "Masseria" 1997 (à l'aveugle ouverte 30 minutes avant son service) : la grandeur de la cuvée Barbaresco phare de ce domaine réputé également pour des clos de Barolos parfois d'anthologie. Au rendez-vous de ce grand millésime en Italie. Un très grand vin très nebbiolo avec toute la noblesse que cela implique qui sera à point dans quelques années (j'en regoûterais bien du "préservé" 48h plus tard
). Il est pour l'instant déjà magnifique sur un nez de liqueur de framboise, de balsamique et de clou de girofle. Robe sombre dans laquelle les lèvres plongent faisant profiter le palais d'un vin plein, sur les épices, le graphite et les petits fruits rouges. Puissance contenue longtemps présente en écho. Un domaine définitivement à suivre comme celui de
Masciarelli en Montepuliano bu 2 jours plus tard et qui prouve s'il en est encore besoin la richesse et de la noblesse des vins italiens.
* Pichon Comtesse 1995 (bouteille dégustée à l'aveugle, décantée dans un magnum vide plus de 7h auparavant) : du soyeux, de la longueur expressive sur des fruits rouges, de la fève de cacao, et du sous-bois. Très bon et jeune, sans faille, profitant à plein de sa proportion inhabituelle de merlot.
* Pichon Comtesse 1996 (même traitement que la précédente) : ... Bof. Nez assez fermé, bouche certes structurée, mais trop tannique à mon goût. Claudius ayant largement apprécié de nombreuses demi-bouteilles à l'époque encore sur le fruit, il reste très confiant.
* Mouton Rothschild 1996 (1/2bt. décantée dans une des bouteilles nettoyée de Pichon Comtesse... ce qui va tromper Yves le grand détecteur de collerettes à l'aveugle à travers l'alu >