Pour tout vous dire, ce n’est pas nous qui avons choisi le restaurant mais notre fille, pour conclure une semaine de garde du petit fils. Et elle a bien choisi ! Dans un cadre moderne et feutré, c’est un jeune chef qui vient d’obtenir une étoile au Michelin et propose une cuisine toute en légèreté et saveurs, s’appuyant de très beaux produits (tous les fournisseurs sont indiqués sur la carte), avec une bonne touche d’innovation.
Le menu en quatre plats est proposé en surprise, donc sans savoir ce que le chef nous a concocté, mais là encore c’est un bon choix, très tourné vers les produits de la mer. D’ailleurs le rond de serviette annonce la couleur, en représentant un poisson stylisé.
Enfin j’ai demandé un Muscadet pour l’apéritif, un verre de vin blanc pour accompagner les deux entrées, un verre de rouge pour le plat principal et un verre de vin de dessert, les trois derniers à l’aveugle.
La carte des vins, parcourue avant de partir, fait la part belle (peut-être 70 % !) aux vignerons qui travaillent en bio et le plus souvent en biodynamie : outre ceux dont les vins ont été dégustés, j’ai noté rapidement Gramenon, L’Anglore, Mosse, Coulée de Serrant, Ganevat, Elian Da Ros, Jean-Baptiste Sénat …
Domaine Vincent Caillé – Muscadet Sèvre et Maine – Terre de gabbro – 2017
Cette cuvée dont c’est le premier millésime est issu de l’association de Vincent Caillé (Domaine Le Fay d’Homme) et de Christelle Guibert (Decanter).
La robe est d’un or bien clair.
Moyennement intense mais profond et avenant, le nez livre une belle aromatique composée de fruits blancs, de notes florale et d’une touche finement anisée.
La bouche brille par son équilibre, avec une rondeur étonnante qui vient
du terroir (gabbro) mais aussi sans doute du millésime, une bonne vivacité, une aromatique agréable et persistante, le tout clôturé par une finale plus tendue et légèrement saline.
Un Muscadet étonnant mais que j’ai vraiment apprécié !
Très Bien
Bouchées apéritives : petit lulu sablé à l’encre de seiche et parmesan, cœur d’oignons caramélisés et cuillère de douelle comme un tofu, œufs de truite et algues nori.
En mise en bouche, une royale de foie gras (fondu), betterave déclinée et cassis : très raffinée et d’une grande justesse de goûts. Désolé mon impatience m’a fait rater la photo…
Le sablé « lulu » procure une allonge supplémentaire au Muscadet (accord 4 / 5) mais le foie gras l’éteint un peu même si le mariage ne conduit pas au divorce (3- / 5).
Domaine Brégeon – Muscadet Sèvre et Maine – Gorges – 2014
La robe présente un bel or soutenu.
Le nez est d’abord peu disert, mais il s’ouvre bien à l’aération dans le verre et exhale des arômes floraux très élégants, mâtinés de fruits blancs.
La tension en bouche est frappante, surtout par comparaison au premier vin, et empreinte d’une minéralité aussi bien en profil qu’en saveurs, sur la pierre mouillée et des notes salines. La finale de belle allonge fait preuve d’une grande finesse.
Très Bien (+)
Je suis ravi d’avoir découvert deux très beaux Muscadet, dans des styles très différents.
Lames de maquereau cru, condiments, ail et ciboulettes : exquis !
Le vin gagne en ampleur et signe un magnifique accord (4,5 / 5) avec ce plat.
Bonbons d’huitre, rhubarbe marinée à l’aigre-doux, petits pois et nage acidulée : ce plat vaut à lui seul l’étoile Michelin par le fondant des huitres et l’alliance magique des goûts ! J'ai encore raté la photo...
Cette fois-ci c’est la minéralité du vin qui est exacerbée par le plat pour un beau mariage (4+ / 5).
Domaine Les Vins de la Madone – Côtes du Forez – Mémoire de Madone – Gamay – 2018
La robe est assez sombre, avec des reflets vraiment très violacés provenant de sa jeunesse mais aussi de son cépage.
Le nez exhale d’intenses petits fruits rouges, à peine teintés de notes florales et d’un subtil trait de vert rafraichissant.
Le vin s’avère servi trop chaud en bouche mais le défaut est rapidement corrigé par un traitement rapide « aux glaçons » en cuisine. Elle se montre gouleyante et fringante, d’une chair juteuse totalement dévouée au fruité, aux tanins inexistants, avec une finale honnête dotée d’une pointe d’acidité. C’est bon, agréable, mais cela manque de complexité dans l’absolu et j’ai préféré la roussanne dégustée il y a peu par le plus parfait des hasards.
Bien +
Filet de merlu, tétragone, coques, ail des ours et émulsion des arêtes.
A partir du moment où il est proposé un vin rouge en partant sans doute du principe que les convives n’accepteraient pas l’absence de vin rouge dans un repas, je comprends mieux le choix de ce vin pour accompagner ce plat de poisson. L’accord est étonnant (3,5 / 5) et le vin s’en sort bien grâce à son caractère ciselé, le plat faisant ressortir son acidité et mettant en valeur son fruité.
Duo de chocolat et praliné
Je poursuis ce CR par le dessert (une autre belle réussite par sa légèreté et en même temps sa profondeur) car on m’avait prévenu que le vin proposé ne l’était pas pour son accord avec celui-ci mais pour laisser une bouche nette en fin de repas.
Domaine de Bellivière – Les P’tits vélos – A pignon fixe – Méthode traditionnelle
Il s’agit d’un 100 % chenin.
L’or de la robe est assez ambré.
D’une belle intensité, le nez associe des fruits secs comme l’amande, de la poire, de la rhubarbe et une sensation minérale.
La bouche est longiligne, traçante, tranchante devrais-je dire, une vraie lame de rasoir ! Je parierais volontiers pour un effervescent non dosé. Des amers ressortent en finale.
Assez Bien + mais j’ai sans doute sous-noté car je ne m’attendais pas à cela. En tout cas l’effet recherché par le chef et rapporté par le sommelier est parfaitement atteint ! On est prêt à repartir pour un autre plat et cela tombe bien car arrive un après-dessert :
Meringue moelleuse, agrumes et huile d’olive : un Objet Culinaire Non Identifié qui a divisé la table mais j’ai beaucoup aimé et je ne suis pas le seul !
Un fond de verre suffit pour noter un accord (3 / 5) de contraste entre le moelleux du dessert et l’acidité du vin.
Mignardises pour accompagner le café : choux à la vanille et palets de chocolat noir
Vous aurez compris que nous avons été conquis, par les plats et le choix des vins, même si c’était plus variable du point de vue des accords.
Hasard de la vie mais pas si improbable quand on sait que le Monsieur est amoureux des bonnes choses : François Cotat était à la table voisine. Et comme nous il a beaucoup apprécié la cuisine de Lulu !
Jean-Loup