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Restaurant La Tour d’Argent, Paris

  • François Audouze
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Restaurant La Tour d’Argent, Paris a été créé par François Audouze

Mon père était médecin. Il soignait l’un des maîtres d’hôtel historiques de la Tour d’Argent. Il avait donc l’avantage de trouver facilement une table le soir, dans le secteur de service de Monsieur Aimé, qui nous bichonnait au-delà de toute espérance. Nous entassions les cartes postales des canards au sang, dont je dois posséder encore un grand nombre dans les numéros deux cent mille environ. Le 17 mars 2009, c’est le centenaire de la naissance de mon père. Comme c’est à mon tour d’inviter mon frère et ma sœur, je choisis le restaurant de la Tour d’Argent, et je demande la table où nous étions servis par monsieur Aimé. Etant encore en Chine le 17 mars, la table est retenue pour neuf jours plus tard. Sur un siècle, est-ce que ça compte ?
Ce qui fait plaisir, c’est que le directeur de salle se souvient de monsieur Aimé, alors que j’évoque une époque des années cinquante et du début des années soixante.

La vue sur Notre-Dame est toujours aussi majestueuse et unique. Le ballet des péniches qui amorcent un virage lourd devant l’île de la Cité est fascinant. La décoration de l’entrée dans les lieux est strictement la même, le groom dans l’ascenseur est plus jeune et habillé d’un bleu plus vif. Arrivé en avance, je consulte le livre des vins, plus épais qu’une bible. La carte est unique et les prix sont variables, certains étant avenants et d’autres repoussants. Il faut naviguer avec la pirogue de mon pifomètre pour choisir un vin plaisant qui ne me ruine pas.

Mon frère et ma sœur arrivent et nous commençons par un Champagne Heidsieck Monopole Diamant Bleu 1985. J’avais commandé le 1982 mais il n’était plus en cave. Le 1985 est un bon choix. Le champagne est agréablement ambré, sa bulle n’est pas explosive mais elle est présente, et le goût légèrement fumé est agréable. Le vin n’a pas une énorme personnalité mais il est confortable. J’ai choisi bien sûr les plats de ma jeunesse. La quenelle de brochet est une institution. Me pardonnera-t-on si je dis que j’ai trouvé ce plat exceptionnellement bon. Car le dosage de la quenelle et de sa sauce est du pur génie. Bien sûr, les milliers de lampes qui se sont allumées dans mon cerveau, ressuscitant des souvenirs défunts, jouent un rôle majeur dans ma joie. Mais le plat est réellement magique. Le champagne est un accompagnateur poli.

Le plat suivant est le canard au sang de la Tour d’Argent, qui n’est plus annoncé au sang. Nous avons demandé une sauce épicée qui noie un peu la tendreté du canard. La carte porte le numéro 1077017 ce qui nous fait mesurer l’échelle du temps. Le vin qui accompagne est un Clos de la Roche Domaine Dujac 1990. Ne le répétez surtout pas, parce que voudrais en ravir le peu qui reste, mais ce vin est un prodige. Le nez est généreux, poivré, aguicheur au-delà de tout. En bouche, c’est un fruit d’une puissance extrême mais avec l’équilibre d’un vin absolument magistralement construit. Nul ne pourrait échapper au charme de ce vin grandiose. Ce grand vin est une merveille. Je suis conquis sans la moindre réserve. Pendant ce temps, les souvenirs du temps jadis s’égrènent dans la bonhomie familiale. Je m’aperçois que mon frère et ma sœur ont mille fois plus de réponses que moi à chaque question « qui est qui ». Le magistral bourgogne se prolonge sur des fromages. Contre toute raison, puisque nous remontons le temps, je demande des crêpes flambées, vestige d’une époque où le taux de cholestérol ne figurait pas sur le tableau de bord de la gestion de santé.

J’ai lu ici et là des critiques sur La Tour d’Argent dans la période d’incertitude suivant le décès de Claude Terrail. Admettons un instant que je ne sois pas objectif. L’accueil est impeccable. Le service est une survivance de la gloire de mon père. On aimerait qu’il ait parfois l’œil de Janus, pour surveiller qu’il ne manque rien à notre plaisir, mais il est présent. La quenelle est une merveille et le canard, même s’il n’a pas la mise en évidence totale de l’expressivité de sa chair est un plat fort bon. Alors, laissez-moi rêver, car ce lieu est un tabernacle où se terrent encore quelques uns des plus beaux souvenirs de ma jeunesse.


Cordialement,
François Audouze
Les utilisateur(s) suivant ont remercié: condorcet
26 Mar 2009 17:49 #1

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François,
Merci pour ce très beau texte.

Oliv
26 Mar 2009 18:12 #2

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oui je le trouve aussi très touchant très emprunt de nostalgie; c'est comme un morceau de film de sa jeunesse où les personnes qui nous ont marquées étaient encore en vie; françois évoque le souvenir de son père avec une infinie tendresse
bertrand
26 Mar 2009 21:36 #3

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Réponse de Patricia Fletcher sur le sujet Re: Nostalgie et Clos de la Roche Dujac 1990 à la Tour d’Argent

Merci François pour ce moment d'émotion
Mon père y donna mon déjeuner de mariage et j'ai encore la carte de mon canard dédicacée par CT.
Ce restaurant est une légende, je ne sais pas pourquoi je fus en désamour avec cet endroit
Mediatisation inappropriée?Trop de touristes?Que de mauvaises raisons!
Encore merci
27 Mar 2009 08:54 #4

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Merci Francois.
C'est dans l'emotion que de tels repas sont les plus beaux et inoubliables...
Je vais tenter de convaincre mon pere d'instaurer une tradition semblable de son vivant ;)
Benji
27 Mar 2009 11:08 #5

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1 - Pour la neuvième année consécutive j’organise le dîner appelé « dîner des amis de Bipin Desai ». C’est Bipin qui invite et j’organise. Je réunis des vignerons amis qui apportent leurs vins.

2 - Il se trouve par ailleurs que j’ai obtenu dans la vente de la Tour d’Argent la bouteille présentée comme ayant le meilleur niveau des six bouteilles en vente du Volnay Clos des Chênes Café Anglais 1885. L’ayant cherchée le jour même, j’ai pensé que jamais je n’aurais autant de plaisir à partager cette bouteille qu’avec mes amis vignerons.

3 – un vigneron s’étant désisté car il ne se sentait pas bien, j’ai saisi l’occasion pour inviter Florent, jeune passionné de talent que j’ai envie d’aider dans sa démarche vers les plus beaux fleurons de nos vignobles.

A 17 heures le restaurant Laurent m’accueille avec toujours autant de gentillesse pour l’ouverture des bouteilles. Daniel sera le sommelier qui accompagnera le voyage que nous allons faire. Les vins étant récents, il n’y a aucune difficulté. Dans le noir au premier étage, allongé sur la moquette, un petit complément de sommeil me permet de reprendre des forces, car le souvenir du dîner de la veille pèse encore sur mon organisme. A partir de 19h30 les convives arrivent. Les apporteurs des vins seront indiqués entre parenthèses tout au long de ce récit, avec une indication s'ils ne sont pas présents.

Avant que tout le monde ne soit là nous prenons l’apéritif dans la belle rotonde de l’entrée du restaurant. Nous commençons par un Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill en magnum 1990 (Patrice Noyelle qui ne pouvait venir mais s’est fait représenter par cette bouteille). Dès la première gorgée, on se sent bien. Ce champagne est rassurant, car il est très champagne et très compréhensible. On le boit avec facilité, car il est très équilibré, dans des notes de jaunes, qu’il s’agisse de citron ou de mirabelle. Un champenois présent me dira qu’il manque d’un petit grain de folie. C’est vrai, mais le parti pris de la sérénité est convaincant.

Avec le deuxième champagne d’apéritif, c’est un coup de barre à 90°. On change de cap. Le Champagne Salon en magnum 1985 (Didier Depond) est l’opposé du précédent. C’est un hors bord cigarette au bruit assourdissant qui succède à la péniche de croisière sur les canaux. On se sentait bien et voici que l’on caracole. Disons-le tout net, ce Salon en pleine possession de ses moyens est un champagne fou que j’adore. Son côté canaille m’interpelle.

Nous passons à table et le menu préparé par Alain Pégouret est un régal absolu : Arlettes aux épices et Rôties au thon fumé / Crème de champignons en cappuccino / Foie gras de canard et gibier cuits en terrine / Saint-Jacques au naturel, beurre citronné / Homard dans un consommé clair, pleurotes et borage / Trompettes de la Mort juste rissolées, crémeux d’œuf de poule et jaune coulant / Aiguillettes d’une pièce de bœuf rôtie, gratin de macaroni et jus aux herbes / Caille à la rôtissoire, pommes soufflées Laurent / Joues de veau fondantes, moelle, risotto à la truffe blanche d’Alba / Brie de Meaux / Nougat glacé aux coings / Palmiers Laurent.

Bipin fait un court discours de bienvenue et je prends la parole pour demander si mes amis aimeraient partager le Clos des Chênes 1885. Le « oui » est plus massif qu’un référendum du Général de Gaulle. Aubert de Villaine me demande : « vous attendiez-vous à une autre réponse ? ». Je file vite ouvrir la bouteille qui aura ses quatre heures d’aération puisqu’elle sera servie en fin de repas et je rejoins la table.

Le Champagne Moët & Chandon 1952 (Jean Berchon) a hélas un nez dévié. Il y a un léger goût de bouchon, mais il n’y a pas que cela. Le défaut va disparaître puis réapparaître et fort heureusement, en fin de verre, les deux dernières gorgées ont l’intense subtilité de ce vin mythique, car 1952 est une des plus réussites historiques de Moët.

Je vois Richard qui scrute si l’accord avec le foie gras se trouve sur le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1975 (Richard Geoffroy). Ce champagne est absolument superbe. Il a la fluidité incomparable des Dom Pérignon, avec une précision de trame extrême. Le foie gras est un peu travaillé. Le charme est du côté du champagne, très grand.

Le Bâtard-Montrachet Domaine Fleurot-Larose 1930 (François Audouze) a été présenté sur les mails que j’ai envoyés à tous comme « curiosité ». Car lorsque j’ai cherché des vins pour ce repas, je suis tombé sur cette bouteille d’une année infiniment rare, que j’ai eu envie de partager avec ces amis, car j’aime sortir des sentiers battus. Aubert dit tout de suite : « fatigué ». Or, si l’on accepte de boire ce vin pour ce qu’il est, il a une précision de structure tout à fait enviable. Il n’a plus, bien sûr, les caractéristiques d’un Bâtard, mais il est délicieux et riche de complexités de fruits jaunes de belle ordonnance. Le plus enthousiaste est Jean-Charles qui jure qu’il aurait dit Corton-Charlemagne si ce vin avait été bu à l’aveugle et lui trouve de belles qualités.

Tout le monde applaudit le Corton Charlemagne Bonneau du Martray en magnum 1982 (Jean-Charles de la Morinière) qui est exceptionnel. On peut faire un parallèle entre le Dom Pérignon et ce vin, car il y a cette magique fluidité porteuse de complexité. Le palais pianote sur ce vin raffiné et délicat. Ce qui est amusant, c’est que ce Corton-Charlemagne est servi en même temps que le Bâtard. Et si l’écart de classe est évident, on peut passer de l’un à l’autre sans que l’un n’écrase l’autre. Le 1982 est fluide, d’un final frais très rare.

Le Montrachet Bouchard Père & Fils 1989 (François Audouze) est l’opposé du vin de 1982 comme le Salon était l’opposé du Pol Roger. Le Montrachet passe en force. Extrêmement poivré, puissant, bagarreur, il trouve un superbe écho avec le homard traité en douceur. Si le homard avait eu du poivre, le choc gustatif n’eût été profitable à aucun des deux partenaires alors qu’ici la sauce du homard, ce consommé clair, rend le Montrachet encore plus brillant. Nous venons d’explorer deux antithèses du vin blanc de Bourgogne.

Comme aucun vigneron bordelais de vins rouges n’avait été assez rapide pour répondre à mon invitation, j’ai ajouté le Château Malartic-Lagravière rouge 1947 (Alfred Bonnie non présent) qu’Alfred Bonnie avait apporté en secours au dîner de 2007. Il était stocké en réserve dans ma cave et avec son autorisation je l’ai inclus ce soir. La couleur est d’un rouge foncé fringant et jeune. Le vin s’impose immédiatement par l’impression de profondeur et de richesse de trame. Ce vin insiste sur les papilles pour montrer combien il est grand. C’est un magnifique vin de bordeaux. Il fallait bien cela pour recueillir l’adhésion de vignerons bourguignons.

Le premier contact avec le Clos de Tart 1985 (Sylvain Pitiot) m’évoque l’arrivée des rois mages à Bethléem ou la vigie qui après des mois de mer crie « terre » en découvrant une île. Car on se dit : « je touche enfin la Bourgogne », avec l’un des exemples les plus précis possibles. Ce vin est la définition de dictionnaire du goût du bourgogne. De plus, aidé par l’aiguillette de bœuf qui est le plat le plus goûteux de ce merveilleux dîner, il brille comme un jeune premier.

La Romanée Liger-Belair 1988 (Louis-Michel Liger-Belair) a beaucoup plus de mal à s’installer en bouche. Il est servi un peu froid, et après avoir réchauffé mon verre, je conçois ce qu’il a de grand, gêné toutefois par une timidité excessive. C’est un grand vin au fumé délicat qui mérite encore d’attendre.

Le premier contact avec le Richebourg Domaine de la Romanée Conti magnum 1946 (Aubert de Villaine, présent avec son épouse) est exactement ce que j’attendais, voire même un peu plus. Or Aubert dit « on voit bien sûr, qu’il est un peu fatigué ». Rien en ce vin ne l’est. C’est l’expression de ce que l’on doit attendre de 1946 avec même un peu plus de fruité que ce que j’imaginais. Le parfum de ce vin est une signature de la Romanée Conti. Les vignes étaient très jeunes, quinze ans tout au plus, ce que l’on ressent dans une légère amertume, mais ce vin racé, bien dessiné pour la première année de vinification du père de Bernard Noblet est un réel bonheur, très belle expression du domaine.

Arrive maintenant le Volnay Clos des Chênes Café Anglais 1885 (François Audouze) acquis ce jour même. Le nez du vin est très pur, sans déviance. Le goût mérite que l’on ajuste son palais pour envisager de le comprendre. Aubert qui était trop sévère pour son vin s’enthousiasme pour celui-ci, dont il sait ignorer les défauts. Le vin délivre un message extrêmement convaincant. Aubert est sûr qu’il s’agit d’un vin préphylloxérique, ce qui explique l’étrangeté de certains aspects. Il y a du torréfié dans ce vin, ce qui s’explique par le niveau de la bouteille, mais aussi une belle richesse dont la mémoire est suffisamment vivace pour que ce vin soit adoré par tous. Voilà une bonne pioche, et un témoignage historique de première grandeur. 1885 est l’année qui a été servie lors du mariage des parents de l’un d’entre nous. Hasards et coïncidences ajoutent du sel au plaisir.

Florent ayant été l’invité de la dernière heure, il n’y avait pas de plat prévu pour le Château Rayas Chateauneuf-du-Pape 1990 (Florent Daujat). Nous l’avons bu comme un intermède, ce qui ne lui a pas permis de briller autant qu’il le mérite. Apparaissant très simple après les bourgognes subtils, il n’a pas convaincu certains convives alors que c’est un vin joyeux d’une pureté de définition exceptionnelle, juteux et joyeux. Alors que le Brie est prévu pour le Krug, on peut braver des interdits en le mariant au Rayas, et le titillement des papilles est réjouissant.

Mais la logique est avec le Champagne Krug Collection en magnum 1976 (Olivier Krug) champagne qui a tout pour lui. Si le miel est évident, c’est surtout la complexité gustative qui m’intéresse, car ce champagne est tout simplement parfait, au final claquant la langue.

Le Château de Fargues 1990 (Alexandre de Lur Saluces) est d’un bel or et d’une précision de définition qui fait évidemment penser à Yquem qu’Alexandre a aussi réussi. C’est un grand sauternes et quand arrive le Château Lafaurie-Peyraguey 1945 (François Audouze) d’un or encore plus profond, on se dit qu’avec les sauternes il est impossible de trouver le moindre défaut quand ils sont de ce niveau.

Aubert de Villaine me confia plus tard que le 1885 est le plus beau souvenir des vins de ce dîner.
Chacun des amis présents était heureux de connaître enfin ma femme dont ils suivent les aventures culinaires dans mes bulletins. A beaucoup de détails cités je me suis rendu compte qu’ils lisent mes bulletins et s’en souviennent. L’ambiance amicale, la générosité de tous, la chaleur communicative et le privilège d’être ensemble ont créé une atmosphère unique fondée sur l’amitié. J’ai été gratifié de remerciements qui m’ont franchement ému. Un tel dîner est certainement l’un des plus beaux cadeaux dont je pouvais rêver.


Cordialement,
François Audouze
13 Déc 2009 11:36 #6

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Très beau dîner. Dommage pour le Rayas 1990 qui est une pure merveille. Florent a bien de la chance d'avoir été invité.

Jean-Philippe Durand

"La cuisine n'est que passion et partage" - Marc Meneau
13 Déc 2009 11:58 #7

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François Audouze écrit: Nous passons à table et le menu préparé par Alain Pégouret est un régal absolu : Arlettes aux épices et Rôties au thon fumé


Vous n'avez pas osé, si ?

Michel
13 Déc 2009 12:42 #8

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Cordialement,
François Audouze
13 Déc 2009 13:22 #9

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Champagne Moët & Chandon 1952
Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1975
Champagne Krug Collection en magnum 1976
Château de Fargues 1990

C'est surtout Bernard Arnault que tu aurais dû inviter...

Stéphane
13 Déc 2009 13:52 #10

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Sauf que tu commets deux erreurs :
- Bernard Arnault n'est pas amateur de vin. Sa présence à table n'aurait pas d'intérêt
- le chateau de Fargues appartient à Alexandre de Lur Saluces, et Bernard Arnault n'en a pas le moindre %.

Par ailleurs Pol Roger est une maison familiale, exactement comme Salon.
Ton appréciation est donc anecdotique ou partiale, vu le groupe qui s'est réuni.
Comme tu aimes les champagnes, tu aurais dû être heureux que les champagnes soient si bien représentés.

A noter aussi que j'invite mes amis, ce qui est donc de mon seul choix. Si Richard Geoffroy, Jean Berchon et Olivier Krug sont des amis, ils le sont autant que Didier Depond, Patrice Noyelle, Alexandre de Lur Saluces, Sylvain Pitiot, Louis-Michel Liger-Belair, Jean-Charles de la Morinière et Aubert de Villaine. Et l'origine de l'actionnariat ne compte pas. Ce qui compte, c'est l'amitié.


Cordialement,
François Audouze
13 Déc 2009 15:16 #11

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Et quand on aime on ne compte pas (:D

Merci pour ce CR François, même si certains commentaires sont assez cryptiques...
"Ce champagne est rassurant, car il est très champagne et très compréhensible"

Gautier
13 Déc 2009 16:03 #12

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Tout d'abord, j'admets mon erreur sur Fargues.

Ensuite, il fallait prendre ma remarque au second degré, car tous ces apports ne représentent pas la même chose que l'on soit propriétaire ou salarié.

- Pour le propriétaire, ce n'est qu'une sortie du stock, valorisée au prix de revient, donc de l'ordre de la dizaine d'euros pour toutes les bouteilles.
- Pour le salarié, même si c'est le fruit de son travail, encore que c'est rarement le cas sur les vieux millésimes, ça n'a aucune valeur pécuniaire.
- Et tu représentes encore un autre cas puisque tu es le seul à avoir amené des vins issus du commerce.

Stéphane
13 Déc 2009 17:23 #13

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Comme d'habitude CR qui fait rêver surtout pour un amateur de champagne comme moi.
Au plaisir de vous lire

Salutations
Julien
13 Déc 2009 18:39 #14

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Stéphane,
La générosité, ça ne se mesure pas. Quand on fait un repas d'amis, on ne compare pas les apports. Sinon, ce n'est plus de l'amitié.

Julien,
Le plus abouti était le Krug 1976
Le plus subtil était le Dom Pé 1975
Le plus sauvage était le Salon 1985
Le plus politiquement correct était le Winston Churchill 1990, qui aurait été admiré s'il avait été seul.


Cordialement,
François Audouze
13 Déc 2009 19:11 #15

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Il y a une suite !

Il y avait tant de vins pour le dîner de vignerons au restaurant Laurent que j’avais réservé au même endroit une table pour le lendemain, pour « finir les restes ». Peu de mes enfants étant disponibles et ma dernière fille allaitant encore, il fut décidé que le dîner « du lendemain » se ferait chez elle. Philippe Bourguignon m’avait prévenu que les vignerons ont une solide descente, mais je croyais bien pouvoir profiter encore des trésors de ce magnifique dîner. Daniel, le sommelier, a rangé les bouteilles très soigneusement.

Il ne reste en fait que des fonds de magnums, toutes les bouteilles, partagées en treize buveurs, étant vides. Mon gendre aime cuisiner et s’est préoccupé de trouver de beaux produits. Il s’est lié d’amitié avec le légumier qui livre les plus grands restaurants de la capitale. En croquant les champignons de Paris, on a en bouche le goût de ceux de l’Astrance, si délicieux. Et si l’on tartine un peu de foie gras sur les champignons, on se trouve en rêve à l’Astrance. Nous croquons ces champignons sur le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill en magnum 1990 qui a gardé beaucoup de fraîcheur, a perdu sa bulle du fait des transports et se révèle toujours aussi agréable. Mais l’absence de complexité et de folie apparaît un peu plus.

Lorsque nous passons au Champagne Salon en magnum 1985, le champagne n’a pas perdu une once de sa vigueur et de son expressivité. Il est assez extraordinaire. Et je l’adore encore plus. Avec champignon et foie gras, mais aussi avec des bulots cuits à la perfection, le champagne se régale.

Le Champagne Krug Collection en magnum 1976 est lui aussi encore plus brillant que la veille, car la bulle s’étant sensiblement atténuée, le caractère vineux du champagne est plus resplendissant. Ayant la chance de goûter ces deux champagnes l’un après l’autre alors qu’ils étaient séparés hier, je constate la sérénité du Krug et sa solidité à côté de la fougue du Salon. Mon cœur penche aujourd’hui pour le Krug.

Mon gendre ayant trouvé un poissonnier de compétition, les petites langoustines sont de vraies merveilles. Pures, quasiment non assaisonnées, elles font vibrer le divin Corton Charlemagne Bonneau du Martray en magnum 1982 qui développe une complexité sur fond de légèreté qui est admirable. Les coquilles Saint-Jacques juste poêlées sont délicieuses, mai le Corton-Charlemagne est plus vibrant sur la douceur des langoustines.

Le poissonnier a préparé des filets de rougets sans aucune arête. Il fallait un pomerol. Guillaume ouvre un Château Gazin 1979 qui est fortement bouchonné, aussi est-ce un Château Trotanoy 1999 qui accompagne le poisson. L’accord est divin. Le pomerol a une belle astringence combinée, oh paradoxe, à un velouté rare, qui met en valeur le rouget qui lui rend la pareille.

Les champignons de Paris sont maintenant poêlés pour accompagner le petit reste du Richebourg Domaine de la Romanée Conti magnum 1946. Il s’agit du fond de la bouteille qui a été aéré un jour de plus. Nous captons donc une richesse qui ne correspond plus au millésime discret. Ce vin riche enchante nos palais, même si le vin a perdu un peu de ses caractéristiques du domaine de la Romanée Conti.

Mon gendre a adopté une cuisine fondée sur des produits d’une pureté extrême, avec une simplicité de présentation pleine de talent. Va-t-il se mettre à concurrencer Jean-Philippe Durand, qui cuisine comme un Dieu ? Je me prépare à compter les coups.


Cordialement,
François Audouze
13 Déc 2009 23:17 #16

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Je trouve interessant vos CR où sont ouverts des Champagne Krug car je n'y retrouve pas du tout les même sensations que j'ai rencontré lors de mes rares ouvertures de ces flacons.
Peu être dû au millésime qui était plus jeune, j'ai l'impression que ce champagne prend vraiment un gros atout avec l' âge ?
Hormis le Clos du mesnil que j'ai eu l'occasion de gouter étant plus jeune qui était somptueux.

Le collection est t'il vraiment hors catégorie au regard d'un Grande Cuvée ou d'un Vintage ?
.
14 Déc 2009 01:06 #17

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Julien, le Collection, c'est d'abord une histoire de goût. Un Vintage, vieilli dans les caves de la maison Krug, ne ressort en Collection qu'à partir d'un certain temps, au moment où il a acquis ce goût particulier qui en fait un Collection.

Pour que tu aperçois la palette aromatique et la texture d'un Colletion, je me permets de copier ici nos notes de dégustation d'un Krug Collection 1964 qui est, pour moi, un des plus grands champagnes jamais dégustés :

Il fallait bien pouvoir aller au-delà de l’extraordinaire Collection 1981. C’est chose faite avec ce Collection 1964, aussi parfait, aux fragrances vraiment enchanteresses, délivrant un fumet d’une distinction rare : fleurs, pomme verte, tarte tatin, coing, pêche jaune, pêche de vigne, curry, fenugrec, tabac blond, miel, croûte de fromage, thym. Les contours sont impeccables, la cohérence diabolique (l’opulence est parfaitement maîtrisée), le caractère assez inimitable (je signe encore une fois ici pour de discrètes tonalités noblement oxydatives, entièrement au service du caractère du vin, et que personnellement j’adore). L’expression est totalement fondue, vibrante (tension minérale et acide), très savoureuse, avec cette présence évanescente de toute beauté qui signe les plus grands vins. Ce vin patiné, comme en lévitation, se prolonge interminablement sur une amertume proprement géniale, rehaussée de goûts subtils de réglisse et d’inflexions anisées. (Laurent Gibet)

Le Krug collection 1964 en magnum nous fait entrer dans un univers d’exception. Ce champagne dépasse tous les autres. Je suis évidemment plus sensible que d’autres à l’apport de l’âge au goût de ce champagne. Mais il n’est nul besoin d’entasser les expériences pour saisir la perfection de ce champagne sensuel, accompli, totalement arrondi, expressif, vivant. (FA)

Le nez est comme un parfum envoûtant, un bouquet d'herbes sauvages (herbe à curry en particulier) et de fleurs jaunes, aux mille senteurs, délicates et fines ; on parle souvent de complexité et c'est avec ce vin que j'ai pleinement expérimenté, comme jamais, ce terme : je sentais mille notes différentes, totalement individualisables et pour autant totalement associées les unes aux autres pour former cette fragrance. La bouche est élégante, pleine, sans aucune mollesse, tout en équilibre et finesse, sans la moindre pointe d'oxydation ; la finale s'impose aérienne et brillante. (JPh)

Jean-Philippe Durand

"La cuisine n'est que passion et partage" - Marc Meneau
14 Déc 2009 08:36 #18

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koko,
Jean Philippe résume bien la spécificité de Collection qui est mûri par Krug.
L'écart entre Vintage et Collection est une question de goût.
J'ai généralement plus d'intérêt pour les champagnes de la date de commercialisation que pour les vins dégorgés beaucoup plus tard, mais c'est une question de goût et il y a des exceptions, car la fraîcheur présente aussi un avantage comme avec ce 1964.
Le Grande Cuvée est généralement moins noble, même si c'est "l'âme" de Krug.
Le plus grand de tous est sans conteste le Clos du Mesnil, sublime champagne.


Cordialement,
François Audouze
14 Déc 2009 11:14 #19

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En l'occurence, pour Krug Collection, il n'y a pas de dégorgement récent puisque ce sont les Vintage en bouteille qui vieillissent gentiment à 11°C. Ce qui est amusant et que j'ai déjà expérimenté, c'est de goûter un Vintage bien conservé dans une cave de particulier. A un moment, on reconnaît le goût Collection... A mesure que les premières bouteilles de Collection sont vendues, Krug dégorge des Vintage gardés sur lies et les laisse vieillir, un certain temps que je ne connais pas précisément, avant de les céder sous le label Collection.

Jean-Philippe Durand

"La cuisine n'est que passion et partage" - Marc Meneau
14 Déc 2009 11:46 #20

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Ca voudrait donc dire qu'il y a bien des Collection avec deogrgement tardif, mais que la premiere vague est toujours un degorgement d'epoque?


They call me Didi :o
14 Déc 2009 11:58 #21

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Oui d'après mes informations.
JPh

"La cuisine n'est que passion et partage" - Marc Meneau
14 Déc 2009 12:01 #22

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Texte impeccable comme d'habitude ! Cette soirée était monumentale et restera comme l'un des plus grands moments de ma vie. Tous les vins étaient dans une forme olympique ; Le repas d'une précision diabolique m' a également beaucoup ému.
Merci François pour ce moment hors du temps. Désolé pour mon Cr, mais mon emploi du temps surchargé cette semaine ne me permet pas de le mettre en ligne pour le moment.
Florent.
14 Déc 2009 18:02 #23

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Merci pour ces explications Jean Philippe et François ;)

Cordialement
Julien
14 Déc 2009 18:08 #24

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François Audouze me fait un cadeau qui n'a pas de prix : Participer à l'un des dîners les prestigieux au monde. Les plus grands vignerons et propriétaires de la planète sont réunis en privé autour de deux des plus grands collectionneurs de vins de tous les temps. Bipin Desai, l'hôte, est entouré de 12 apôtres. Mais cette fois l'histoire sera différente puisque je serai le 14ème, conjurant ainsi le mauvais oeil qui pourrait ternir cette Cène du troisième millénaire. Après une introduction éprouvante, je commence enfin à me détendre et profite pleinement de chaque instant.
Faisant suite à Bipin Desai, François nous fait un laïus d'anthologie et demande la permission pour ouvrir un trésor qui sort tout juste de La Tour d'Argent. Comme il le souligne malicieusement, nous ne sommes pas de bons amis : Nous le poussons sans vergogne à ouvrir cette incroyable rareté... Une page de l'histoire s'écrit et je suis là. Merci.


POL ROGER Winston Churchill 1990 Magnum
Quoi de mieux pour ouvrir le bal ? Des arômes mûrs d'acacia, et de fleurs d'oranger envahissent le verre. La bouche est crémeuse, évoquant la prune agrémentée d'une touche raffinée de fruits exotiques. Il semble déjà prêt à être bu avec un immense plaisir. 94/100

SALON 1985 Magnum
Le premier nez est moins séducteur, mais l'air lui donne un cachet exceptionnel. Les parfums de chèvrefeuille, de fougère et de fumée subtile sont un pur délice. En bouche il tranche comme une lame avec la fougue d'un jeune Mustang. Les agrumes, le foin ainsi qu'une note douce de malt envahissent le palais comme une marée montante. Laissons lui du temps, car il est porteur d'une superbe promesse. 95+/100

MOET & CHANDON Grand Vintage Collection 1952
C'est la fameuse cuvée tant vantée par Richard Juhlin. Le nez explosif de charbon, de grillé et d'agrumes très mûrs est malheureusement pollué par une note de liège. La bouche très profonde est un vrai sirop de sureau et de clémentine avec un gaz subtil mais bien là. C'est l'un des champagnes les plus personnel et gourmand que j'ai pu boire. Au delà du côté quelque peu défectueux, le message est lisible comme une eau de roche. C'est bien la première fois de ma vie que je n'ai aucun mal à faire abstraction du liège... 93/100 ( sans pollution, je pense qu'il pourrait prétendre à 97/100 )

DOM PERIGNON Oenothèque 1975
Le nez plus discret, possède néanmoins la classe indéniable de son terroir. On perçoit des nuances de paille, de fleurs et de silex. En bouche il est délicat et bien plus civilisé que la plupart des 75. La craie et l'écorce lui donne une belle précision, mais le boisé est un peu trop marqué pour me faire chavirer. 92/100

BATARD MONTRACHET 1930 Fleurot Larose
François prend quelques précautions en présentant ce vin comme une curiosité. Mais dès qu'il arrive dans mon verre, je sais que ce Chardonnay est grand, bien plus qu'un simple témoignage. Des odeurs ravissantes de thé vert, de racine, et d'iode lui donne un air sympathique de pavillon Blanc 1937. Les champignons et l'humus marquent l'âge du vin, sans le desservir une seule seconde. La bouche, parfaitement préservée, offre une belle déclinaison de zeste, d'écorce, de bergamote avec une touche de bouillon de viande. La minéralité lui confère une classe folle en finale. Aucune acidité, beaucoup de plaisir et de cachet ! Que peut-on lui reprocher ? 94/100

CORTON CHARLEMAGNE Bonneau Du Martray 1982 Magnum
Un millésime un peu oublié en blanc, qui m'a pourtant procuré quelques belles émotions avec un Montrachet Lafon ou encore une Montée de Tonnerre Raveneau. Je suis donc très excité en plongeant mon nez dans le verre. Il lui faut un peu d'air pour s'exprimer pleinement, mais au bout de trente minutes, il trouve sa vitesse de croisière. Le pétrole, les fruits exotiques et la verveine nous comptent combien ce terroir est immense. La bouche est au sommet de sa trajectoire grâce à ses parfums de guimauve, de clairière humide, d'agrumes confits et de pierre à feu. L'acidité est parfaitement dosée, conférant à ce Corton un équilibre irréprochable. 94/100

MONTRACHET 1989 Bouchard P&F
Ce vin reste dans ma mémoire comme l'un des Montrachet les plus prometteurs du siècle. Je le retrouve ici un peu moins accompli, mais toujours porteur du message solaire de l'année. Le nez d'amande, de miel crémeux, de chêne grillé me donne envie de me précipiter sur la bouche. Elle est puissante, épicée à souhait, avec un registre confit qui pèse sur les papilles comme un sac de plomb. S'il évolue comme les 59 du domaine, il risque de faire parler de lui un bon moment ! 95+/100

CHÂTEAU MALARTIC LAGRAVIERE 1947
Le nez élégant d'anis, de cuir noble, de cèdre et de cassis me fait plus penser à un 1953 qu'à un 1947... La bouche est d'une fraîcheur impressionnante grâce aux parfums de menthe, et d'eucalyptus qui ouvrent le bal. La suite signe une maturité parfaite, cette fois plus tertiaire, de gibier, et de baies confites. L'acidité légère donne à l'ensemble un côté aérien qui pourrait me pousser à finir, seul, la bouteille... Un terroir qui mérite décidément beaucoup mieux que ce que la critique en dit habituellement. 1961 était une dentelle, celui-ci est une gourmandise, tandis que 1916 est un chef d'oeuvre ! 95/100

CLOS DE TART 1985
Le nez sort comme un bouquet de roses, de violettes et de fruits rouges épicés. La suite m'impressionne un peu moins du fait de son manque de corps en milieu de bouche. Toujours fidèle au terroir, elle décline pourtant à merveille la ronce, la groseille et la roche. Une belle surprise ! 93/100

LA ROMANEE 1988 Liger Belair
Le nez timide de fourrure, de mûre et de cuir vient péniblement à nos narines, même après une longue aération. La bouche ne me séduit pas du tout : La trame acide et le goût de rafle signent un vin rustique et dur. S'ouvrira t'il un jour ? 87/100

RICHEBOURG 1946 DRC Magnum
Je suis bien sûr ému de boire ce vin apporté par Aubert de Villaine en personne, mais l'émotion est encore plus intense en saisissant mon verre : C'est la première fois que je goûte l'année de naissance de mes chers parents. S'il fallait n'en boire qu'un, gageons que ce serait celui-ci !
Le nez impressionnant de framboises, de truffe, de pleurotes, et d'épices est un beau manège aromatique. La bouche, en forme, ne trahit pas un seul instant l'âge du vin. On note tour à tour des parfums de ronces, de groseilles, de terre, et d'herbes humides. Seule l'amertume finale l'empêche d'approcher les sommets. Un grand vin, dans une année plus que modeste. Bravo. 94/100

VOLNAY CLOS DES CHÊNES 1885 Café Anglais
La mythique mise du Café Anglais tant célébrée par Allen Meadows ! La seule, semble t'il, qui puisse donner autant d'émotions que les vieux Bouchard... Je ne tiens plus en place. Je vois que François est très préoccupé par le niveau du vin. Il insiste longtemps sur l'importance de ne pas juger trop sévèrement le liquide. Il faut le prendre pour ce qu'il est : Un témoignage unique d'une époque révolue. La couleur est presque dépigmentée : Rouille et pelure d'oignons... Je me dis qu'il risque de ressembler plutôt à un vinaigre qu'à un vin. N'y tenant plus, je me lance tel un aventurier dans une grotte encore inexplorée.
Le nez jaillit du verre. Je retiens à peine un WOWWW ! Des parfums de truffe, de café torréfié, de petite fraises des bois, de gibier et de caramel beurre salé imprègnent nos narines comme des peintures rupestres. L'aération donne une complexité sans limites à ce bouquet : Essence de rose, cendre et pruneaux. Dans ces moments là, une peur primale, inconsciente, de l'ordre de celle qui pousse le nourrisson à pleurer, à douter qu'il mangera assez pour survivre, vous paralyse un instant. " Et si la bouche n'était plus qu'une ossature ?". Le nez est tellement parfait que si la bouche ne suit pas, tout s'écroulera comme un château de carte.
Un aventurier arrive toujours à vaincre sa peur !
La bouche est un flot de fruits, réduit à sa plus simple expression ; Dépouillé du superflu, d'une pureté monastique, ce vin est devenu un jus. C'est la première fois que je bois un vin rouge totalement salé à l'attaque, minéral, presque rocailleux, qui se transforme ensuite en pur nectar de fruits noirs et rouges. Quel cachet ! Je me demande si c'est cela un vin rouge préphylloxérique ? Comme s'il lisait mes pensées, Aubert de Villaine ajoute : "Ce vin est forcément préphylloxérique pour avoir un telle pureté. On sent qu'il ne peut pas mourir !". Mon voisin ne sait pas comment le juger. Il m'explique qu'il n'a aucune référence pour l'aborder. Il ne connais pas ces parfums et ne sait donc pas s'il l'aime ou non... Je comprends fort bien ce point de vue. Personne n'a de références, et pourtant c'est une illumination. Finalement n'est-ce pas cela le Graal ? 100/100

CHÂTEAU RAYAS 1990
François m'avait demandé d'amener un Rhône. J'ai donc naturellement sélectionné ce vin mythique pour accompagner les ténors de la soirée. Je le laisse quelques minutes dans le verre, le temps de reprendre mes esprits.
Le nez hallucinant de bonbons anglais, de violette, de cendre, de fruits très compotés et de bâton de réglisse tourbillonne dans le verre comme un ouragan. Mon voisin me lance " Quel nez !". C'est vrai qu'il est très largement supérieur à celui de la bouteille que j'ai bue l'an dernier au restaurant.
La bouche est d'une colossale puissance, offrant des arômes de mûres, d'anis, de chocolat, de griottes, d'airelles et même de pastis. Un monument, d'une jeunesse frustrante, qui régalera nos petits enfants.
Nous sommes tous des disciples en quête d'une phrase, d'une pensée, qui pourrait guider notre route. Au moment où l'on s'y attend le moins, le maître Aubert nous fixe Olivier et moi même et lance " Avec le 1885, nous avions l'esprit, avec Rayas nous avons la chair". Celle-ci, il ne fallait pas la louper ! Nous l'avions attendu toute la soirée...
Certains convives ont moins apprécié ce vin que nous... Peut être que l'absence de plat l'a un peu desservi. En tous les cas, c'est de loin le plus grand que j'ai bu sur mes trois expériences. 97+/100

KRUG COLLECTION 1976 Magnum
Je suis au comble du bonheur : C'est le deuxième hommage de la soirée. Le premier était ce magnifique Richebourg 1946, tandis que ce Champagne est de mon année de naissance. Olivier est ravi de me voir aussi excité.
Le nez fabuleux explose comme une bombe sur la tarte tatin, la poire fraîche, le maracuja et le pain d'épices. La bouche gorgée de soleil, est l'une des plus exotique que je n'ai jamais bue. La bulle est parfaite, apparaissant subtile et intense en même temps. Je ne sais pas si l'effet magnum est responsable de cette féerie, mais, quoiqu'il en soit, ce 1976 s'affirme ce soir comme l'un des plus beaux exemples de Krug, supérieur à mon sens, à des légendes telles que le 1961 ou 1979. Seul le 1966 reste intouchable. 97/100

CHÂTEAU DE FARGUES 1990
Alexandre de Lur Saluces nous raconte avec passion la naissance de cette année mythique. C'est le plus petit rendement depuis le 1893. Cette année faite par la météo, a donné un vin superbe, aux effluves d'amande amère, de fruits secs, et d'écorce. La bouche offre une liqueur de rêve, évoquant le miel, les agrumes confits, les pruneaux et autres dattes Medjoul. Il est bien trop jeune encore, mais il me semble impératif d'en posséder dans sa cave. 93+/100

CHÂTEAU LAFAURIE PEYRAGUEY 1945
Je continue l'exploration de ce magnifique Sauternes. Après 1921, 1929, voici cette autre année incroyable pour l'appellation. La couleur d'un bel or profond est très engageante. Le nez est dans la continuité parfaite du précédent grâce à de nobles parfums de bazar Egyptien, et de fruits jaunes confits. La bouche est une dentelle de miel crémeux et de biscuits orientaux. Il me manque juste le rôti et la puissance qu'offrait son lointain ancêtre de 1929. 94/100

Je crois qu'il sera bien difficile de revenir sur terre, car ce dîner était en quelque sorte l'accomplissement dont rêve tout passionné. Pourtant il faut que la vie continue. J'ai ce soir, une pensée pour le sportif qui devient champion Olympique ! J'imagine qu'au bout de quelques jours, on finit par comprendre que même lorsque l'émotion est à son comble, on retrouve toujours la soif inépuisable de la connaissance. La quête n'aura jamais de fin...
18 Déc 2009 15:06 #25

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Luc a raison quand il dit qu'on apprend plus de choses en lisant Florent que lorsqu'on me lit.
Et je suis ravi que nos deux textes s'ajoutent.
D'autant plus que nous n'avons pas la même perception ce qui rend les témoignages encore plus riches.

Je ne note pas les vins et Florent les note. Et si je devais donner des notes, cela ferait des résultats très différents.

Ainsi :
- entre le Pol Roger et le Salon, je donnerais au moins cinq points de plus au Salon, alors que pour Florent, la différence est de 1+
- je mettrais le Moët 1952 en dessous de 90 points du fait de son défaut, même si on peut lire entre les lignes
- le Dom Pérignon 1975 mérite au moins 95+ pour moi
- le Bonneau du Martray mérite au moins deux points de plus que le Fleurot Laroze (même si le second est mon vin)
- le Bonneau du Martray mérite au moins un point de plus que le Montrachet
- le Clos de Tart 1985 mérite 95 points
- le Rayas pour moi ce soir là ne dépassait pas 93 points, car rien n'a été fait hélas pour qu'il brille au mieux
- j'aurais créé un écart plus fort entre le Lafaurie et le Fargues

C'est une bonne chose que des perceptions différentes s'ajoutent, avec des styles différents.


Cordialement,
François Audouze
18 Déc 2009 19:43 #26

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François Audouze écrit:
- entre le Pol Roger et le Salon, je donnerais au moins cinq points de plus au Salon, alors que pour Florent, la différence est de 1+
- je mettrais le Moët 1952 en dessous de 90 points du fait de son défaut, même si on peut lire entre les lignes
- le Dom Pérignon 1975 mérite au moins 95+ pour moi
- le Bonneau du Martray mérite au moins deux points de plus que le Fleurot Laroze (même si le second est mon vin)
- le Bonneau du Martray mérite au moins un point de plus que le Montrachet
- le Clos de Tart 1985 mérite 95 points
- le Rayas pour moi ce soir là ne dépassait pas 93 points, car rien n'a été fait hélas pour qu'il brille au mieux
- j'aurais créé un écart plus fort entre le Lafaurie et le Fargues


C'est un logigramme ? ;)

Michel
18 Déc 2009 19:47 #27

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Non ;)


Cordialement,
François Audouze
18 Déc 2009 19:49 #28

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Réponse de François Audouze sur le sujet de très grands vins à la Tour d'Argent

La Tour d'Argent est sans doute le restaurant que j'ai le plus fréquenté lorsque j'étais adolescent. Mon père qui était médecin soignait Monsieur Aimé, premier maître d'hôtel de la Tour d'Argent, qui, pour lui être reconnaissant, l'assurait de trouver des tables quand il voulait. C'est ainsi que nous collectionnions les cartes postales des canards au sang des numéros dans les trois cent mille (nous sommes aujourd'hui autour d'un million cent mille). Et le goût de la quenelle de brochet est imprimée au fond de ma mémoire.

Il y a huit mois, au restaurant de Michel Rostang, j'ai fait la connaissance d'américains férus de vins qui déjeunaient à une table voisine et nous avions partagé quelques grands vins alors que nous ne nous connaissions pas. Nous nous étions promis de nous revoir. C'est aujourd'hui à déjeuner.

Arrivé en avance, je sonne à la porte à midi moins cinq. Le chasseur entrouvre à peine la porte pour me demander d'aller me promener pendant quelques minutes et referme la porte. Il fut un temps où une telle attitude eût été impensable. Pour tromper mon attente, je vais dans un jardin qui jouxte Notre Dame de Paris. Aussitôt une jeune roumaine fait mine de me faire signer une pétition pour que mon attention se porte sur son papier et non sur mes poches. Je la chasse d'un ton abrupt. Voulant visiter Notre-Dame de Paris, naïf que je suis, je découvre deux files d'attente de plusieurs centaines de mètres. Il faut dire qu'il fait si beau en cette mi-octobre que les touristes éclosent comme des pâquerettes au printemps.

J'arrive au moment où mes convives vont prendre l'ascenseur. Trois américains et un néo-zélandais ont réservé la belle table qui donne une vue unique sur Notre Dame de Paris et sur la Seine. Ils me proposent d'être assis face au panorama ce qui est particulièrement aimable. Leur choix de vins est quasiment déjà prévu et j'ajoute un champagne pour la fin du repas.

Nous commençons par un Chablis Grand Cru Blanchot Domaine François Raveneau 1983. Sa couleur est très jeune, d'un or clair. Le nez est assez discret, mais le vin est servi froid. En bouche ce qui est fascinant, c'est la jeunesse et la précision de ce vin. Il est vraiment enthousiasmant tant il est bien fait. C'est une grande réussite. Sur un amuse-bouche à la queue de bœuf, le vin s'anime et prend encore plus d'ampleur.

Deux vins blancs nous sont servis maintenant. Le Meursault Perrières Jean François Coche Dury 1991 est puissant, fruité, charnu et beaucoup plus joyeux que le chablis. J'adore ce vin, mais au final je préférerai le chablis. Le deuxième amuse-bouche au caviar et brocolis est délicieux et va bien avec ce vin.

Murray a choisi un Chassagne-Montrachet les Vergers domaine Michel Niellon 1992 car il en a un fort souvenir, mais ce vin qui va s'animer sur les plats fait un peu faible à côté du Perrières de Coche-Dury si varié et à la mâche si pleine. Ce vin aurait brillé s'il était apparu seul. J'ai choisi la quenelle de brochet et ma déception est grande. Bien sûr elle est liée à la force de mon souvenir d'enfant. Mais je n'ai pas senti la moindre magie, alors qu'il y a deux ans les pièces du puzzle mémoriel s'étaient assemblées.

Murray m'avait demandé mon choix entre un Clos Saint-Denis et un Clos de la Roche du domaine Ponsot. J'ai choisi le Clos de La Roche Vieilles Vignes Domaine Ponsot 1990. Et là encore nous allons avoir une paire de vins qui ne profitent pas de leur juxtaposition. Car le Chambertin Clos de Bèze domaine Armand Rousseau 1989 est trop éclatant. Il incarne à lui tout seul la beauté et la pureté de la Bourgogne. Quelle subtilité dans ce vin d'une précision et d'une élégance rares. Ce vin est grand et le succulent plat de bœuf Angus en profite largement. A côté, le Clos de la Roche a un goût furieusement rhodanien. On dirait un Châteauneuf d'Henri Bonneau ! Il est bon, bien sûr, mais fait plutôt rustaud à côté de l'élégant Clos de Bèze.

Le Champagne Clos de Goisses Philipponnat 1985 est inconnu de mes convives et c'est une divine surprise. Il est encore d'une jeunesse extrême avec une bulle forte, et d'une complexité confondante. Il a le charme, la complexité et une longueur sans pareille.

Il est assez facile pour moi de faire un tiercé des plus percutants des grands vins de ce repas : 1 - Chambertin Clos de Bèze domaine Armand Rousseau 1989, 2 - Champagne Clos de Goisses Philipponnat 1985, 3 - Chablis Grand Cru Blanchot Domaine François Raveneau 1983. Ces trois vins étaient dans un état de conservation parfait, éblouissants de complexité. Bien sûr, le vin de Coche Dury était grand, ainsi que les autres. Mais le supplément d'âme était auprès de ces trois là.

Le service est toujours d'une grande qualité, le cadre est exceptionnel. Si je mets de côté ma déception avec la quenelle, la cuisine est d'une qualité très convenable. Mais on vient ici pour les vins d'une cave exceptionnelle. Murray m'a fait la surprise de m'inviter, ce que je n'avais par prévu, aussi ai-je invité mes convives à visiter ma cave où j'ai ouvert un cognac Adet de plus d'un siècle, probablement autour de 1880, dont l'équilibre et l'accomplissement sont un vrai bonheur. Le bois est fort et la longueur est infinie.

J'étais tenté de suivre cette solide équipe, qui était la veille à "Comme Chez Soi" à Bruxelles, pour dîner à l'Astrance. Mais comme je vais les rejoindre demain à dîner au restaurant de Patrick Pignol, j'ai préféré annuler la place qu'ils m'avaient réservée. Ils reviennent aussi demain déjeuner à la Tour d'Argent !

Compétence, générosité et estomac en béton armé caractérisent cette équipe chaleureuse que je retrouverai avec plaisir demain.


Cordialement,
François Audouze
15 Oct 2011 00:29 #29

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Le lendemain avec ma femme, nous arrivons très en avance, ce qui nous permet de bavarder avec Nicolas, le sympathique sommelier et avec Patrick Pignol avec qui j'esquisse le menu en fonction des produits de saison. C'est encore un peu tôt pour le lièvre à la royale, mais c'est encore temps pour la grouse. Le néozélandais étant reparti sous d'autres cieux nous sommes cinq avec Murray, Steve et Ted, tous trois californiens. J'ouvre les bouteilles que j'ai apportées pour montrer ma méthode. Les bouchons m'obligent à livrer bataille tant ils s'émiettent. Les nez des deux vins sont spectaculaires, chacun dans son genre : le Richebourg exprime toute la classe des vins du domaine de la Romanée Conti et le Vega Sicilia Unico a un fruit presque irréel.

Comme hier je choisis le champagne, un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 1988 délicieux. On mesure à quel point l'âge est nécessaire au Comtes de Champagne, car, même si le champagne paraît très jeune, c'est le temps qui lui a donné de l'ampleur et une étoffe rassurante. Il a une belle acidité et une longueur riche. Mes nouveaux amis l'apprécient alors que nous le goûtons sur une gelée de pieds de porc et une crème de chou-fleur.

Murray est un adorateur des vins de Raveneau qu'il a du mal à trouver aux U.S.A. aussi grappille-t-il dans les cartes des vins. Celle du restaurant de Patrick Pignol a deux pages pour les vins de ce domaine. Il choisit un Chablis Grand Cru Valmur domaine François Raveneau 1996. Lorsqu'il arrive seul, avec une acidité très prononcée, ce vin nous séduit par sa précision. C'est de la belle ouvrage que ce vin là. Sur un excellent damier de coquilles Saint-Jacques et truffe, il trouve un peu d'ampleur.

Mais lorsqu'arrive le Meursault Les Perrières Leroy négociant 1995, force est de constater que le Leroy fait de l'ombre au Raveneau, essentiellement à cause de l'acidité du chablis. Le Meursault est rond, généreux, chatoyant, ample et nous ravit sur une originale composition de moules et de girolles où s'exprime sa jeunesse citronnée. Il poursuit son festival sur une assiette de cèpes en prenant de la rondeur, puis sur une aile de raie absolument délicieuse avec des févettes et traitée sans aucun accompagnement pour avoir la richesse de sa chair.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 a un niveau assez bas, ce qui est un facteur d'incertitude mais sa couleur vue en cave m'avait plu. Son odeur à l'ouverture était splendide et maintenant, on pourrait se contenter de respirer le vin tant il exprime l'A.D.N. des vins du domaine, fait de pétales de rose et de sel. Je n'arrête pas de m'extasier devant cette odeur divine. Sur un foie gras poêlé, le vin est impérial et si la rose abonde, on peut noter de petites pointes de truffe. La délicatesse et la noblesse de ce vin sont extrêmes. Mes amis se pâment comme moi. C'est un grand moment de communion.

Pour la grouse délicieuse, avec une sauce lourde, c'est le tour du Vega Sicilia Unico Reserva Especial mis en bouteilles en 1979 et donc composé de 1962, 1964 et 1968 de ravir nos papilles. Le nez est entièrement de fruits rouges et noirs. En bouche, l'ampleur est extrême mais je ne retrouve pas le velouté onctueux que le nez suggère. Le vin est grand, racé, avec des notes de chocolat et de café judicieusement orientées par la sauce, mais il est plus strict que velouté.

Patrick Pignol a préparé un soufflé au cognac (assez présent !) pour que nous continuions de jouir de l'immense Cognac Adet vers 1880.

Après ce Marathon, Ted est quasiment mort mais Murray et Steve sont en pleine forme et ne tarissent pas d'éloge pour le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 qu'ils considèrent comme le vin le plus brillant de leur voyage. Nous nous sommes promis de nous revoir, et ces deux repas ont forgé une amitié nouvelle avec de vrais amateurs de vins, sympathiques, charmants et généreux.

L'amour du vin quand il est partagé crée de belles rencontres et de grands moments de communion.


Cordialement,
François Audouze
16 Oct 2011 13:32 #30

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