[size=small]Zoltan Demeter : une vie, une oeuvre au service des terroirs de Tokaj[/size]
Rencontrer une icône, presque un symbole, c'est toujours très difficile, voire extrêmement dangereux. Les attentes sont immenses et il est évident que le risque soit d'en retenir une certaine déception.
S'il y a des domaines emblématiques de Tokaj, historiques et mondialement connus pour l'immense qualité de leur vin : Oremus, Disznoko, Royal Tokay, par exemple, il est des personnalités incontournables qui ne collent pas toujours et forcément à ce classement : Istvan Szepsi est devenu presque une légende , Zoltan Demeter est en passe de suivre son sillage.
A leur actif : un fort charisme né à l'aune d'une personnalité très forte, des convictions et une œuvre réalisée en accord parfait avec leurs convictions.
Si Istvan Szepsi incarne le retour du grand Tokaj après la période collectiviste, une réussite qualitative extrême mue par la résurrection d'une tradition vieille de plusieurs siècles, Zoltan Demeter est sans doute celui qui a su accompagner au mieux le maître pour prendre une sorte de relais, incarnant une nouvelle voie pour Tokaj, dans la perpétuité de la tradition avec une renaissance des vins secs qui s'expriment au travers d'une identification stricte des terroirs.
Une fois encore, force est de reconnaître que le nombrilisme français a limité la connaissance du grand public de ce qui s'est joué depuis plus de vingt cinq ans en Hongrie, sans doute par la croyance entretenue que les grands terroirs et les grands vins avaient des frontières hexagonales : La France est d'ailleurs sans doute la seule grande nation du vin à avoir à ce point ignoré la remontée qualitative dont les principaux chroniqueurs anglais ou américains se sont faits largement écho. Il n'est besoin pour s'en convaincre que de faire des recherches sur Internet francophone au nom de Zoltan Demeter pour découvrir la pauvreté des témoignages à son sujet : trois articles dont un d'une grande publication nationale largement copié sur un premier et sur ces trois, un émanant d'un marchand suisse, amoureux fou de Tokaj, du reste excellent contributeur sur «La passion du vin ».
On pourra y lire que le domaine y est de petite taille : sept hectares, volontairement réduit pour que Zoltan Demeter puisse y contrôler tout. On pourra y lire aussi l'incroyable luxe du chai, véritable maison pour le vin, baignée dans une ambiance musicale constante, le souci du détail, le perfectionnisme poussé à l'extrême. Ce que l'on pourrait prendre pour de l'ostentation n'est en fait que le marqueur légitime de l'accession au plus haut niveau. Zoltan Demeter est conscient du potentiel énorme de Tokaj, du fait que les vins, y compris les secs, (et notamment les siens) appartiennent à l'élite mondiale. Il aurait bien tort de ne pas y croire, puisque ses vins sont déjà sur les plus grande tables du monde et qu'il avoue être en mesure de vendre deux fois plus de bouteilles qu'il n'en produit.
[size=small]un chai d'un luxe surprenant, dans une ambiance musicale constante : le vin est l'hôte de cette maison[/size]
Zoltan Demeter est conscient d'avoir aujourd'hui ce statut iconique, il l'assume parfaitement et c'est un bienfait pour Tokaj car il emporte avec lui de jeunes producteurs talentueux qui profiteront de cette notoriété acquise à juste titre et dont les vins sont au moins aussi intéressants.
7 hectares sur 5 terroirs différents et 9 parcelles distinctes : telle est la palette dont dispose Zoltan Demeter et il avoue qu'il est riche de cette diversité : cela limite aussi les risques quand, comme cette année, une parcelle entière subit la grêle.
L'idée dans les vins secs est de transcender les cépages pour laisser s'exprimer les terroirs et sur ce point (comme sur beaucoup d'autres) la dégustation lui donne raison.
4 types de vin :
des vins secs, chacun associé à un terroir.
des Fobers et il tient particulièrement à ce nom. Il aimerait d'ailleurs qu'il soit généralisé à l'appellation qui se perd, selon lui sur des vocables variés et variables : entre Late harvest dont en effet l'origine ne semble que peu magyare et szamorodni, terme polonais selon lui galvaudé et non historique ou du moins moins historique que Fober.
des aszus (uniquement des 6 pt)
des effervescents à base de furmint : c'est la nouveauté.
Dégustation de quelques vins :
Veres 2015 : un furmint sec bien qu'il y ait près de 6 grammes de sr, autant que d'acidité, d'ailleurs.
Le nez est d'abord soufré et a du mal à s'ouvrir. La bouche est large et gourmande très riche en saveur fruitée et possède une longue finale bien vive. Un vin dans les lymbes qui représente quand même une version joyeuse du furmint, cépage parfois austère en sec.
Szerelmi 2015 : Harslevelu issu d'un sol de loess. Qui a dit que le harslevelu était un cépage aromatique ? Ici, la version est discrète du point de vue aromatique : en revanche, la bouche est encore plus soyeuse et large que celle du vin précédent avec une finale saline. La force alcoolique se fait sentir.
Osz Hegy 2015 : Muscat de lunel d'une parcelle du village de Mad. Le nez est très intéressant et non typé muscat : loin du variétal, il est légèrement floral sur des notes de fleur blanche. La bouche est délicieuse et d'un équilibre qui convainc : savoureuse et de fort caractère avec une fraîcheur remarquable. Excellent vin : de loin le meilleur de la série des secs.
Föbor Eszter 2011 : Eszeter est le prénom de la fille de Zoltan Demeter.
Furmint et Harslevelu de différents terroirs : Veres, Lapis et Hold Volgy. Le nez est archétypal de Tokaj : ce mélange complexe d'agrume confit, orange amère et cette note de champignon si particulière. Le nez est somptueux. La bouche ne l'est pas moins et il faut regarder l'étiquette à deux fois pour bien vérifier que l'on n'est pas en présence d'un Aszu 5 pt. Ce vin frôle la perfection ; c'est un vin brillant à l'équilibre vibrant. Finale remarquable sur une vivacité hors du commun et longueur d'un grand vin.
Aszu Hold Volgy 2007 : 6 pt : Ce vin a eu bien du mal après le précédent . Le nez est moins pur et si la bouche est très riche, très liquoreuse (215 gr de sr/l) l'équilibre est moins convainquant et du reste, la longueur s'en ressent. Il n'est pas exclu que la bouteille qui a été dégustée ne soit pas défaillante car l'interrogation a porté sur un éventuel défaut de bouchon qui expliquerait le souci de netteté.