Il y a des infanticides qu'il vaut mieux ne pas regretter. Cette Eszencia 2008 du domaine Dorogi Testvérek présente une incroyable robe orangée avec des reflets verts tirant pratiquant sur le bleu. Avec ses 4.3% d'alcool, 465 g/l de sucre résiduel et 10 g d'acidité, cette essence n'est pas excessivement visqueuse et reste consommable dans un verre.
Au nez, c'est comme un aszú 5-6 puttonyos mais en beaucoup plus intense et avec une complexité multipliée par dix. Le mélange d'abricot, de pêches des vignes, de thé à la bergamote et de lavande ne me rappelle aucun des Tokaji bus jusqu'à ce jour. La dominante fruitée provient probalement du bien trop jeune âge. Difficile d'imaginer ce que cette eszencia dévoilera lorsque les arômes tertiaires prendront le relais (à propos, c'est pour quand les arômes tertiaires ? dans 30 ans ? 70 ? un siècle ? plus d'un siècle ?). Le nez fait penser à un film en accéléré, il ne cesse de dévoiler à un rythme soutenu de nouveaux arômes que je suis bien incapable de décrire. Après un moment, le tilleul devient hyper présent, ce qui m'incite à penser qu'il doit y avoir pas mal d'hárslevelü dans cette essence. L'attaque en bouche est une espèce de concentré d'abricot et de pêche de vigne. Après, arrivent des arômes de thé noir et d'encens. Si la bouche reproduit les sensations du nez, le paroxysme des saveurs place l'eszencia dans un autre univers que les vins qui font notre quotidien. La franchise des saveurs a quelque chose de véhément, les arômes claquent en bouche avec une sincérité émouvante. Bien que l'aspect liquoreux soit dominant, la bouche n'est pas poisseuse comme on pouvait le craindre. La finale s'étire indéfiniment, la persistance de l'intensité aromatique dure plusieurs minutes.
Une expérience hors norme. Une sorte de vertige métaphysique lorsque l'on vient à se demander si on a dégusté un vin d'exception ou au contraire ce sont quelques gouttes d'éternité qui ont aspiré le dégustateur.
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