Maison Trimbach, dégustation Caves Legrand, Paris 18 septembre 2018.
Les vins sont présentés par Jean Trimbach, les plats élaborés par Lucie Boursier-Mougenot.
Riesling "Sélection de Vieilles Vignes" 2016
Riesling "Grand Cru Schlossberg" 2016
Riesling "Grand Cru Geisberg" 2013
Huître d'Utah Beach, condiment fenouil, kiwi et coriandre.
Le dîner a lieu en pleine période de vendanges sous la veille du frère pour cette entreprise familiale qui compte treize générations de vignerons. Cépage et cuvée emblématiques sont présentés ce soir avec le Riesling, et le Clos Sainte Hune. Le conseil est délicat pour les cavistes qui proposent les vins d'Alsace quant à les définir en sec ou moelleux. Excellence de la région à l'évocation de Didier Humbrecht, André Ostertag, Andrée et Jean-Louis Trapet. Ce 18 septembre rappelle pour la région le tremblement de terre de 1620 (on apprendra aussi à la fin du repas qu'il s'agit de l'anniversaire de Jean Trimbach). C'est à l'âge de 12 ans, lors d'un repas dominical, que la vocation s'est affirmée. Son fils Julien prend aujourd'hui des responsabilités dans la direction des cultures. Pour une région de 15000 ha et 4500 propriétaires, le domaine Trimbach c'est 60 ha, ce qui en fait un des 5 en surface plus gros propriétaires de vignes. Saverne / Ribeauvillé / Guebwiller / Thann ; 800 terroirs différents répartis sur 4 failles géologiques avec une multiplicité de sols. Le cépage riesling a un caractère "éponge" et transmet les caractères de sa terre. Une parenté gustative des vins de Ribeauvillé (500 à 600 mm annuels de pluie) avec ceux de Stellenbosch (Afrique du Sud).
Pour les millésimes 2010 et 2011 "tout est sec". Insistance sur la signature de la maison Trimbach avec des vins aux sucres résiduels naturels, quel que soit le millésime.
Les sols granitiques donnent des bouquets à l'étoffe "verticale", les sols marno-calcaires "horizontale".
Riesling "Sélection de Vieilles Vignes" 2016. Il correspond au deuxième type de sols. Et des vieilles vignes pour parcelles d'un âge compris entre 55 et 60 ans (alors que cette mention est donnée à 25 ans). Assemblage des terroirs de Hunawihr, Muehlforst et Rosacker. "Structuré, pur, linéaire" selon Jean Trimbach.
Le nez est très expressif, fleurs blanches, chèvrefeuille. En bouche des agrumes en finesse, citron.
Riesling "Grand Cru Schlossberg" 2016. Achat 2012 et produit pour la première fois en 2014, issu de vignes cultivées dans la partie haute de la colline du Schlossberg, premier terroir d'Alsace à obtenir la dénomination Grand Cru (qui sont au total 51 dans la région contre 33 en Bourgogne et 17 en Champagne). 1,6 ha à Kintzheim et Kaysersberg (village d'intérêt notable) sur ce terroir de 80 ha. Une orientation plein sud, des sols granitiques, les vignes à rangs horizontaux (elles ne sont pas plantées dans le sens de déclivité) en terrasses de deux rangs. Une partie originale car à proximité du château, qui bénéficie de la fraîcheur de sa source.
Un nez plus fermé qui a besoin de prendre un peu en température pour s'exprimer. Très fruité. Agrumes en finesse, citron.
Riesling "Grand Cru Geisberg" 2013. Millésime qualifié de frais et classique, belle acidité (floraison tardive, été sec puis grêlé et pluvieux). La cuvée est élaborée à partir de vignes (2,6 ha au total) plantées sur la partie Ouest du Grand Cru Geisberg sur un sol calcaire et gréseux (la partie Est de ce vignoble, 1,4 ha, entre dans l'assemblage de la Cuvée Frédéric Emile, en assemblage avec Osterberg). C'est l'un des trois Grands Crus de Ribeauvillé avec Osterberg et Kirchberg. Les vignes sont âgées de 70 ans en moyenne. Acidité moyenne, 6g/l de sucre résiduel. Terrasses, sol typé des calcaires coquillés.
Le nez est fermé. En bouche c'est juteux, de l'amertume, orange sanguine. Un vin sec élaboré avec un cinquième des vendanges atteinte de pourriture noble.
Une première série de vins d'un équilibre parfait, sur la finesse. Discrets au nez (servis bien rafraîchis), des robes claires et transparentes or gris, bouquets d'agrumes citronnés (caractères vifs et gourmands des 2016 comme dégustés "sur fût") et avec de l'amertume dans la trame pour le Geisberg 2013.
Riesling "Cuvée Frédéric Emile" 2010 (magnum)
Riesling "Cuvée Frédéric Emile" 2000 (magnum)
Riesling "Cuvée Frédéric Emile" 1989
Carpaccio de veau mi-cuit, cèpes crus, vinaigrette aux dattes et noisettes.
La cuvée Frédéric Emile est produite les années où la qualité des raisins est suffisante à son élaboration et issue des meilleurs terroirs de Ribeauvillé (le Geisberg pour la puissance et le volume, l'Osterberg gréseux qui apporte de la fraîcheur à l'assemblage) sur un calcaire coquillé appelé "muschelkalk" exposé Sud et Sud-Est. Vignes âgées de 45 ans en moyenne (jusqu'à 70 ans) rendements limités. Les bouteilles sont gardées minimum 5 ans avant la mise en marché, 20 ans de garde potentielle. Cette cuvée est proposée sur la carte de 28 restaurants triple étoilés en France. Présentée pour la première fois à la Foire Internationale de Bruxelles en 1898.
Riesling "Cuvée Frédéric Emile" 2010 (magnum). Millésime aux conditions climatiques changeantes été contrasté après un hiver rude et un printemps frais et pluvieux.
Un bouquet d'amers orange confite. Longueur en bouche. De l'alcool et du fruit.
Ancienneté des fûts du domaine, des foudres de différentes capacités (jusqu'à 10000 litres). Pas de fermentation malolactique. L'acidité est toujours naturelle (tartrique)
Riesling "Cuvée Frédéric Emile" 2000 (magnum). Millesime exceptionnel, floraison précoce, croissance favorable. Rieslings qui offrent une acidité à la hauteur de sa concentration.
Par contraste avec le précédent, plus fermé. Plus de tension aussi avec une belle amertume dans la trame.
Riesling "Cuvée Frédéric Emile" 1989. Millesime de qualité exceptionnelle, floraison précoce, bel été, belle végétation, état sanitaire parfait pour des vins parfumés, riches et faiblement acides.
Nez crémeux, beurre pâtissier. En bouche c'est toasté, agrumes en rondeur sans excès. Vin sec 5 g / l de sucres résiduels.
C'est la quarantième vendange de Pierre Trimbach, "raisin, terroir et mon frère".
Cette deuxième série présente des vins avec plus de volume, du corps, en tension, des agrumes sur l'amertume (orange amère). Le 2000 reste assez fermé au cours de la dégustation. Le 1989 offre une belle puissance, fruité volumineux.
Riesling "Clos Sainte Hune" 2012
Riesling "Clos Sainte Hune" 2005
Riesling "Clos Sainte Hune" 1990
Langoustines juste saisies à la flamme, beurre nantais à l'anguille fumée, choux et pamplemousse.
Au cœur du Rosacker, 1,7 ha de sols calcaires, vignes plantées en 1953 (et certaines plus anciennes : non datées) pour la maison Trimbach premier millésime en 1919.
Riesling "Clos Sainte Hune" 2012. Un millésime serein à mettre en parallèle avec 2002, avantage du terroir (exposition plein sud) avec une année printemps humide, stress hydrique aoûtien, épisodes pluvieux en période de vendanges.
Robe or blanc. Nez fermé légèrement sulfité. Bouche avec un fruité complexe qui passe des agrumes aux fruits blancs (pêche). En contraste avec les précédents vins (et les suivants aussi), souplesse et rondeur.
Riesling "Clos Sainte Hune" 2005. Millesime difficile pour l'Alsace, sauvé par un été indien. Choix judicieux des dates de récolte : les raisins ,malgré les pluies d'octobre pas de dilution ou de botrytis, "conduisant à l'élaboration de vins d'une clarté et d'une concentration remarquables et remarquées".
Robe or jaune. Clarté. En bouche l'équilibre est magistral. Ce qui fait d'un fruit gourmand un vin sec. Jean Trimbach le définit comme "discret, calcairé, suave", "eau de roche".
Riesling "Clos Sainte Hune" 1990. Grandeur du millésime. Douceur de la fin de l'hiver et du printemps, floraison précoce, bon ensoleillement, belle récolte. "Ces conditions parfaites ont donné naissance à de très grands vins : équilibrés, riches et d'une longueur exceptionnelle".
Nez brioche, beurre. Le fruit est gourmand, en épaisseur. Du gras avec ce qu'il faut d'équilibre. Suavité fruitée.
Riesling "Clos Sainte Hune" 1983
Riesling "Clos Sainte Hune" Vendanges Tardives Hors Choix 1989
Riesling "Cuvée Frédéric Emile" Sélection de Grains Nobles 1989
Tomme des fleurs _ Gilles Clayeux / Bouchée dessert.
Riesling "Clos Sainte Hune" 1983. Millésime exceptionnel en Alsace, "à rapprocher de (..) 1976, (...) voire des célèbres 1971 et 1959". Floraison précoce, été chaud et ensoleillé.
Robe or jaune. Un millésime en rondeur avec une tension qui sonne juste, de l'équilibre. Se goûte sec aujourd'hui nous dit Jean Trimbach. Je m'attendais à quelque chose d'exuberant au vu du millésime mais c'est un vin précis, sur la retenue, comme si la gourmandise du fruit était offerte à sa juste mesure. Le choix de la proposer avant les deux vins suivants de cette dernière série se révèle judicieux.
Avec des gelées, un volume récolté réduit d'un tiers pour ce millésime qui présente de la maturité (relative car l'évolution constatée au stock du domaine est récente) et de la chaleur. "The brew is in the pudding" (?!?)
Riesling "Clos Sainte Hune" Vendanges Tardives Hors Choix 1989.
Robe or ambrée. Magnifique gras. Complexité superlative, grenade, mangue, ananas, fruits de la passion.
L'évolution constatée est rapide, mais valeur de l'attente malgré la vitesse de maturation. A mettre en parallèle de la cuvée "Hors Classe" de 1959.
Riesling "Cuvée Frédéric Emile" Sélection de Grains Nobles 1989.
Robe évoluée. Nez d'agrumes confits (orange). Bouquet d'orange confite très gourmande, pointe de mangue.
Un fruité juteux qui s'approche de la réussite de la cuvée Hors Choix du même millésime.
2000 et 2001 sont les derniers millésimes du domaine dans cette catégorie de cuvées SGN.
Comment définir ces vins d'exception "finesse, élégance, fraîcheur"; "même dans la sucrosité, la finesse" et l'accent mis sur la finesse avec pour maître mot énergie.
Des vins très séduisants, sublimés par une cuisine adéquate. Un service soigné. Un vigneron qui en plus de savoir présenter ses vins, les déguste avec bonheur de concert avec son public. Beaucoup apprécié ces vins, c'est gourmand mais il y a la tension d'un vin sec : ça permet de l'accorder aussi bien avec les mets les plus fins qu'avec les plus saillants (je pense aux huitres par exemple, une première pour moi avec riesling). Les agrumes citronnés sont acides, et orangés sont amers, mais c'est délicieux (ce qui n'est pas évident) et pour ces derniers les millésimes de la cuvée Frederic Emile sont réussis sur cette originalité. Une maison à la réputation méritée. Je n'hésiterai pas à retrouver ces vins en grande restauration et j'espère avoir l'occasion de découvrir Sylvaner et Pinot Noir lors d'un séjour en Alsace.